MOT À MOT - G. REYMANN

MOT À MOT avec Gilles Reymann, Portraitiste, Maison Trafalgar.

Le mot excessivement employé par votre secteur, dont vous vous êtes lassé ?
Papier : bien que noble en tant que support à l’écriture, il perd toute sa splendeur quand il est associé au contenu lui-même.

Le mot qui vous démarque, que vous êtes fier d’avoir trouvé ?
Amok. Un mot qui à lui seul incarne la démence et la sauvagerie meurtrière. On ne peut rêver mieux !

Le mot réflexe, dont vous aimeriez personnellement vous débarrasser ?
Ben… Sans doute un vestige d’une enfance passée à lire Gaston Lagaffe.

Le mot qui fâche dès que vous l’entendez ?
Au final. Locution à la limite du barbarisme qui sert volontiers de ponctuation à ses aficionados.

Le plus joli mot de votre métier ?
Mot. C’est une évidence, mais tout passe par lui.

Le mot qui fait rire, auquel vous êtes joyeusement attachée ?
Chiquenaude. Un mot qui claque tout en pétillant, comme l’action qu’il représente.

Le mot peu utilisé, qui mérite d’être réhabilité ?
Ventre-Saint-Gris. Un juron plutôt classe quoique pas forcément des plus spontanés.

Le mot qui fait rougir, qui ne manque pas de vous toucher ?
Baluchon. Il m’évoque l’appel de l’aventure sur des sentiers sans fin au milieu de la forêt.

Le mot dont l’orthographe ou le sens vous fait toujours douter ?
Pétale. Toute mon enfance, je m’imaginais que c’était un mot féminin, et j’ai gardé ancrée en moi cette image dont je ne puis me défaire.

L’anglicisme qu’on préfèrerait dire en français ?
Interview. « Entretien » sonne bien plus distingué et élégant !

Le mot qui a de l’allure, qui porte une queue-de-pie, qu’on amène en soirée ?
Outrecuidance. À ne pas utiliser toutefois en toutes circonstances.

Le mot qui met tout le monde d’accord ?
Amen. Ite missa est.

Le mot de la fin ?
Zythum. Dernier mot du dictionnaire.


MOT À MOT - M. DEROUVROY

MOT À MOT avec Marion Derouvroy, Associée, Maison Trafalgar.

Le mot excessivement employé par votre secteur, dont vous vous êtes lassée ? 
Authenticité. Un écrit authentique, dans un style authentique, pour des gens authentiques, forcément en quête d’authenticité. Le fait que l’authenticité, au lieu de rester un prérequis, devienne un argument commercial pire, qu’elle puisse s’acheter m’inquiète beaucoup. 

Le mot qui vous démarque, que vous êtes fière d’avoir trouvé ?
Extraction. Cela me rappelle directement la pensée d’Antoine de Saint-Exupéry, qui dit que la perfection est atteinte, non pas lorsqu’il n’y a plus rien à ajouter, mais lorsqu’il n’y a plus rien à retirer. Cela vaut pour les entretiens d’extraction de notre Maison, mais aussi lorsqu’un écrit entre en comité de lecture.

Le mot réflexe, dont vous aimeriez personnellement vous débarrasser ?
Entendu ! J’ai souvent besoin de confirmer que ce que je viens d’écouter n’est pas seulement écouté, mais bien entendu.

Le mot qui fâche dès que vous l’entendez ? 
Livresque. Je ne comprends pas la connotation péjorative qui lui est associée, le côté artificiel de ce qui se fonde sur les livres au détriment de l’expérience.

Le plus joli mot de votre métier ?
L’aplomb, que l’on trouve en premier dans notre slogan « vous avez l’aplomb, nous avons la plume », parce qu’il en faut pour écrire, pour le pratiquer, et pour être client de notre Maison.  

Le mot qui fait rire, auquel vous êtes joyeusement attaché(e) ?
Chamarré ! Il annonce tout de suite la couleur. 

Le mot peu utilisé, qui mérite d’être réhabilité ?
L’allant ! Je suis généralement touchée par les personnes pleines d’ardeur, qui osent entreprendre, vont de l’avant : font preuve d’allant ! Ce mot donne envie d’y aller ! C’est drôle parce que je pense du coup au mot
« nonchalance », dont la prononciation même me donne envie de bailler. 

Le mot qui fait rougir, qui ne manque pas de vous toucher ? 
Caractère. J’adore ce mot, qui fait directement référence à l’écriture, et aux lettres, mais aussi aux caractéristiques, à la personnalité. Il contient tout ! 

Le mot dont l’orthographe ou le sens vous fait toujours douter ?
Davantage, avec un « s », sans « s », un « d » apostrophe ou accroché. Je le contourne souvent. 

L’anglicisme qu’on préfère en français ?
Storytelling, ce mot fait perdre toute son élégance au fait de raconter une histoire comme à l’époque des conteurs, ou de Père Castor. Je trouve aussi que ce terme donne l’impression d’une histoire fabriquée. 

Le mot qui a de l’allure, qui porte une queue-de-pie, qu’on amène en soirée ?
Billevesée. Trêve de billevesées ! Son emploi exclamatif m’a toujours marquée ! 

Le mot qui met tout le monde d’accord ?
Escapade, l’évasion tranquille qui permet d’échapper à certaines obligations. C’est aujourd’hui très à-propos.

Le mot de la fin ? 
Associée. Il est pour Bérengère, que j’ai rencontrée dans la création d’une association en 2013, et qui est mon associée depuis 7 ans, maintenant, dans le cadre de notre entreprise. C’est un mot lourd de sens, et que je suis fière d’arborer. 


MOT À MOT - V. DESLANDRE

MOT À MOT avec Virgile Deslandre, Directeur des opérations, Maison Trafalgar.

Le mot excessivement employé par votre secteur, dont vous vous êtes lassé ?
Media-training : je trouve que ce mot n’est pas joli, et en tant que formateur à l’art oratoire, j’y suis confronté chaque jour. 

Le mot qui vous démarque, que vous êtes fier d’avoir trouvé ?
Oulipien : parce que j’aime qu’il signifie quelque chose de très précis, tout en étant le fruit d’une imagination délirante.

Le mot réflexe, dont vous aimeriez personnellement vous débarrasser ?
D’accord : mot que j’articule sous forme interrogative, à la fin de mes explications – réflexe d’enseignant. 

Le mot qui fâche dès que vous l’entendez ?
Corporate : Loyal, travailleur… sont des adjectifs qui me semblent ô combien plus précis et élégants.

Le plus joli mot de votre métier ?
Éloquence : pour ce qu’il évoque et pour le son qu’il produit. 

Le mot qui fait rire, auquel vous êtes joyeusement attaché ?
Rigole (la) : une rigole n’est pas toujours rigolote mais le mot me fait rigoler. 

Le mot peu utilisé, qui mérite d’être réhabilité ?
Subséquemment : il me donne immédiatement la sensation de relire les analytiques d’Aristote – on a les passions qu’on mérite…

Le mot qui fait rougir, qui ne manque pas de vous toucher ?
Mélodie : tout ce qu’il m’évoque est gracieux. 

Le mot dont l’orthographe ou le sens vous fait toujours douter ?
Déréliction : d’ailleurs, je l’ai dans un premier temps écrit « diriliction » – et je ne sais toujours pas bien ce qu’il signifie. Je chercherai. 

L’anglicisme qu’on préfère en français ?
Happy Hour : L’heure Heureuse ne serait pas mal, mais la répétition de « heur » me heurte. Empruntons donc à la plume de Verlaine, et allons, pendant « L’Heure Exquise », partager un verre avec d’exquis amis. 

Le mot qui a de l’allure, qui porte une queue-de-pie, qu’on amène en soirée ?
Opalescence : c’est la lune en robe de soirée. 

Le mot qui met tout le monde d’accord ?
Mort : parce que le sursis est notre lot commun.

Le mot de la fin ?
Silence : j’ai hésité avec « idem », qui aurait renvoyé au mot précédent – « mort ». Mais il m’est apparu qu’un silence débute par le premier des mots qu’on ne prononcera pas : c’est vraiment la fin. 


MOT À MOT - M. DURANTE

MOT À MOT avec Maxime Duranté, Portraitiste, Maison Trafalgar.

Le mot excessivement employé par votre secteur, dont vous vous êtes lassé ?
Impactant. Rarement croisé sans son compère « court », ils sont à l’écriture ce que le steak-frites est à la restauration : tout le monde peut vous le servir, ça fonctionne tant c’est difficile à rater, mais quel manque de classe !

Le mot qui vous démarque, que vous êtes fier d’avoir trouvé ?
Obsidional. Les sonorités rappellent à l’obsidienne, une roche volcanique très prisée des amateurs de médiéval fantastique. Bonne chance pour le caser quand vous achetez votre baguette de pain cependant. 

Le mot réflexe, dont vous aimeriez personnellement vous débarrasser ?
Ruine. Je me suis aperçu qu’il revenait beaucoup trop souvent dans mes écrits personnels car je suis attaché à la thématique du déclin.

Le mot qui fâche dès que vous l’entendez ?
Novlangue. Parce qu’il est employé par des personnes qui n’ont jamais lu Orwell – leurs contresens sont trop énormes pour qu’il en aille autrement.

Le plus joli mot de votre métier ?
Signature. Il comporte la notion du geste gracieux et travaillé – qui n’a pas révisé sa signature en noircissant des feuilles et des feuilles ? –, ainsi que la marque indélébile, unique, qui le relie à son possesseur.

Le mot qui fait rire, auquel vous êtes joyeusement attaché ?
Olibrius. Je visualise Tryphon Tournesol ; c’est pour moi le mètre étalon de l’olibrius. Et puis le mot sonne un peu comme une latinisation douce de colibri. C’est joli.

Le mot peu utilisé, qui mérite d’être réhabilité ?
Chaland. Je trouve qu’il a sa petite aura surannée qui nous renvoie aux grands romans naturalistes, à la relation qui se nouait entre le commerçant et la personne qui se présente à son étal.

Le mot qui fait rougir, qui ne manque pas de vous toucher ?
Élégant. On peut faire beau, mais c’est un charme d’un autre niveau que d’atteindre l’élégance.

Le mot dont l’orthographe ou le sens vous fait toujours douter ?
Azimut(h). Je suis toujours tenté de lui accoler un « h ». Sans doute un vestige des cours de physique-chimie, où l’on manipulait ce fascinant élément qu’est le bismuth ? 

L’anglicisme qu’on préfère en français ?
Touchy. Même s’il s’infiltre dans nos conversations dès que nous baissons notre garde, nous avons ce sens second du mot « délicat » qui convient parfaitement.

Le mot qui a de l’allure, qui porte une queue-de-pie, qu’on amène en soirée ?
Dispendieux. C’est le cousin de « onéreux » que préfèrent d’ailleurs nos propres cousins d’outre
-Atlantique, et que j’ai appris en lisant le livre d’un auteur québécois devenu ami depuis.

Le mot qui met tout le monde d’accord ?
Panache. Certains ont une vision négative de l’audace, d’autres cantonnent la fougue aux trois premières décennies ; le panache transcende ce genre d’obstacles.

Le mot de la fin ?
Inexorable. La fin en elle-même ne l’est-elle pas ? Je vous avais prévenus que j’étais versé dans la thématique du déclin !


Accident d'expression

ACCIDENT D’EXPRESSION 🎨 C’est joli, coloré, naïf, parfois agressif, toujours inventif !
© « 300 accidents d’expression : une seule victime, la langue française. » Par E. Blervaque, S.Ellias & L. Ribet


Accident d'expression

ACCIDENT D’EXPRESSION ? C’est joli, coloré, naïf, parfois agressif, toujours inventif !

© « 300 accidents d’expression : une seule victime, la langue française. » Par E. Blervaque, S.Ellias & L. Ribet


Extraits : ARCHE

Portrait iconique de marque

D’évolutions en révolutions, j’ai été primé, opprimé, obligé, négligé, classé après avoir été cassé par les grandes pages de l’Histoire. Mais la renaissance est le propre des vins, et les passionnés se sont retroussé les manches pour le Sauternes. L’on raconte même que leurs efforts ont présidé au choix de nos élus, et que mon arche a connu son triomphe à l’Élysée, auprès de Jacques Chirac et de René Coty. On se rappelle ainsi mes fameuses « crèmes de tête » qui en ont fait tourner plus d’une ; chacun ressort en tout cas de la dégustation avec la mangue qui surprend au bout de la langue. 

 

Quitte à entrer dans les subtilités, évoquons le potentiel de garde de mes liquoreux – quand je les observe, je remarque qu’ils développent bien davantage qu’ils ne retiennent ! Ils commencent par une jeunesse mentholée et citronnée, avant que pêches, poires, oranges et abricots n’apparaissent, que leur maturité ne s’installe par ces touches qui font penser aux fruits laissés à confire. À mesure qu’ils avancent en âge, chacun comprend pourquoi les méticuleux introduisent des navires miniatures par le goulot : je vous invite à un voyage digne des caravelles ; poivre noir, gingembre et safran y répondent à la pelle. 

 

Écrits couture

La famille d’Arche a fourni son content de comtes et d’histoires. Si le souvenir de Napoléon réveille des images de glorieuses conquêtes, si son classement de 1855 inscrit le grand cru du château dans le cœur des esthètes, notre épopée puise son origine dans une volonté plus discrète. En marge des crises qui s’entrechoquent et fissurent les époques, le chevalier itinérant a sans doute posé ses bagages dans la région bordelaise pour se couper des citadelles – une envie d’autant plus irrésistible que la nature y est belle.

 

Cet éternel personnage fait réfléchir les adultes et sourire les enfants : rêveur ému par tout ce qui le traverse, il s’égare parfois dans son panache, s’emmêle entre l’audacieux et le bravache. Son maître de chai haussera des épaules amusées, en repensant à toutes les fois où il lui a demandé le soleil ; son chef de culture sait pertinemment qu’il est trop facilement distrait dans les vignes pour ne pas en oublier un rang. Mais ne le réduisez pas à un illuminé, à un mystique qui se contenterait d’énumérer des théories depuis son fauteuil. À l’aise dans son temps, le chevalier d’Arche se lève aux aurores pour s’actionner, et entraîner à sa suite tous ceux qui partagent la même vision d’un royaume.