Interview interne – Bérengère, dirigeante associée

À quel moment de ta vie as-tu développé un rapport sensible aux mots et à l’écriture ?

Tout part de la lecture ! Petite, j’engloutissais des livres de toutes sortes, et cela m’a amenée à nouer par la suite une vraie fascination pour les dictionnaires : la nuit, armée de ma frontale, je pouvais passer des heures à les feuilleter. C’est sans doute par ce biais que j’ai développé ma sensibilité pour les mots. Cette curiosité, je la dois surtout à mes parents : mon père architecte et ma mère archéologue m’ont toujours encouragée à développer ma culture générale ; même si je fonctionne souvent par fixettes thématiques, un jour l’Égypte antique, un jour les ours blancs. Puis, un peu plus tard, lors de mes années lycée, je me suis lancée dans le théâtre. Apprendre par cœur des pièces entières, être amenée à écrire une pièce originale, tout cela m’a réellement permis de formaliser des intentions derrière les mots. Animée de cette envie de magnifier sur le terrain le message par la forme, je me suis naturellement orientée vers les métiers de la communication et des relations presse ! 

Et à l’entrepreneuriat ? 

En tant qu’architecte, mon père se définissait davantage par son métier que par son statut – sans compter que l’entrepreneuriat n’était pas aussi évangélisé qu’aujourd’hui –, mais c’est un entrepreneur, avec une vraie vision. Ma grande sœur s’est lancée en créant sa propre marque de vêtements ; ni une, ni deux, la lycéenne que j’étais l’épaulait dans toutes les étapes de la création de son entreprise, et l’accompagnait sur des salons internationaux. D’avoir pu assister à la construction des premiers jalons, en mode débrouille, m’a très vite convaincue quant à la nécessité de faire un métier qui me plaise dans toutes ses facettes. Par la suite, alors que je travaillais au sein de Paulette Magazine, je me suis penchée sur la façon de construire un modèle économique indépendant de la publicité, et c’est ainsi que j’ai découvert comment on pouvait changer certaines lignes, avoir une vraie empreinte sur l’entreprise, sur les équipes, sur la société en général, tout simplement en pensant différemment ! Même s’il y avait tout à construire, cela m’avait permis de dézoomer. Au fur et à mesure de mes expériences, j’ai finalement sauté le pas en créant une première entreprise spécialisée dans les vêtements de seconde main, et même si j’ai adoré, le quotidien ne me satisfaisant plus pleinement, je commençais à m’essouffler. En cofondant la Maison Trafalgar, j’ai retrouvé le souffle de la création ! Et voir à quel point l’entreprise a évolué, de quelle manière l’équipe s’est agrandie, me fait ressentir une véritable fierté, qui ne cesse de me faire dire que j’étais peut-être prédestinée à l’entrepreneuriat. 

Comment se passe la cohabitation avec les littéraires de la Maison ?

Représenter une Maison d’écriture sans être ou avoir été portraitiste, sans avoir fait des études littéraires, ne m’a jamais dérangée, ni même fait ressentir un quelconque complexe de l’imposteur. C’est justement parce qu’il y a beaucoup de ponts, de passerelles et de dialogues dans notre équipe que nous avons tous un grand respect pour l’expertise des uns et des autres. En revanche, je n’ai pas réussi à cacher ma fâcheuse tendance à écorcher, mixer, voire à inventer des expressions – “avoir été bercée trop près du mur au métier passion”, ou encore “patauger dans la soupe”… Chez Trafalgar, maintenant, on appelle cela les “bérengeades” ! Aussi, puisque je me charge personnellement de la mise en page des Portraits avant livraison au client – un moment toujours particulier et très exigeant –, je redécouvre systématiquement la force et l’ampleur du talent de nos collaborateurs : cela me donne des frissons ! J’adore entendre leurs mots sonner, découvrir de nouvelles tournures, et souvent, je ne peux m’empêcher de me dire : “Cette phrase ! Qu’est-ce que c’est malin !”. Chacun, ici, a réussi à m’embarquer dans son univers littéraire, et de mon côté, je prends un réel plaisir à sensibiliser nos équipes au monde de l’entreprise, aux petites lignes entre les lignes, aux significations mystérieuses derrière les chiffres, à traduire par les mots nos tableaux, notre stratégie, afin que chacun s’y retrouve et continue d’oser s’impliquer.

Que répondrais-tu si on te disait que les littéraires sont à côté de la plaque ? 

89% des recruteurs estiment que la filière Lettres n’est pas adaptée au monde de l’entreprise ; c’est une aberration. Les littéraires ne sont pas à côté de la plaque, ils sont, selon moi, trop souvent amenés à œuvrer seuls, et parfois loin du monde de l’entreprise, alors qu’ils sont nombreux à apporter une véritable valeur ajoutée. Nous avons besoin de leur talent, de leur empathie, et de leur regard. C’est justement l’une des forces de la Maison Trafalgar que d’avoir su réunir intelligemment ces deux mondes. L’écriture n’est pas un vernis, la littérature permet de communiquer avec beaucoup de force certains messages, d’ajuster des stratégies, d’incarner des valeurs avec une précision redoutable, de rendre vivantes des visions solides. Un bon texte finement ciselé dispose d’une force de frappe assez incroyable en termes d’utilisation, et c’est ce qui me plaît dans notre Maison. Grâce à leur savoir-faire mais aussi grâce à leur esprit, leur finesse d’analyse, leur empathie, les littéraires disposent de cette capacité à écrire de manière qualitative tout en garantissant la création d’un socle textuel intemporel, à rebours des mille-feuilles de contenus et autres empilements désordonnés. 

De quelle manière transmets-tu ce savant mélange d’écriture et de communication ?

Je pense que les communicants qui font ce métier avec passion tiennent cela de leur personnalité ; ce sont des créatifs, des buvards qui savent s’imprégner de tout pour créer. La communication relève avant tout du bon sens, elle tient d’un alignement parfait entre le fond et la forme. Et puis, il n’y a pas de secret : c’est quand on est convaincu de la justesse de son propos, que l’on croit vraiment en ce que l’on communique que l’on déploie la meilleure communication, et surtout la plus juste. Dès la création de la Maison Trafalgar, j’ai tenu à impulser une communication différente, sincère, en déployant une image de marque qui invite à la réflexion. Sensibiliser les clients à la nécessité de l’écriture, leur donner envie de rejoindre notre mission est pour moi une vraie satisfaction. 

Beaucoup d’entrepreneurs frappent à la porte de votre Maison et deviennent vos clients, dans quel autre cadre pars-tu à leur rencontre ? 

Avec mon associée Marion, nous avons toujours été très actives sur le tissu entrepreneurial en intégrant différents réseaux, comme les Forces françaises de l’industrie. En outre, nous avons toujours tenu à rester proches des incubateurs qui nous ont vu grandir, comme Manufactory, Boost in Lyon, Réseau Entreprendre, et avons continué en mentorant, comme au sein du Moovjee. En qualité de partenaires de l’Institut National des Métiers d’Art, nous sommes également très proches des entrepreneurs et des entreprises du patrimoine vivant. Nous accompagnons aussi ceux de French Tech Tremplin, sommes ambassadrices du Salon Go Entrepreneurs, et siégeons au conseil stratégique de la Métropole de Lyon. 

Quelles sont les parties que tu préfères dans ton métier ?

La première rencontre avec nos clients ! Dès les premiers échanges, lorsque l’on présente notre savoir-faire, une forme d’intensité se manifeste. Revenir sur leur histoire, la nôtre, croiser des parcours, se livrer sans fioritures, tout cela me rappelle combien nous aimons les gens pour de vrai et à quel point nous prenons le temps de les rencontrer, sans jamais rester en surface. Grâce à la Maison Trafalgar, j’ai pu découvrir dans toute leur confidentialité de très nombreux métiers : aussi bien des tapissiers, des chefs, des maîtres de chai, des responsables R&D, des plasticiens, des hôteliers, des directeurs de supply chain, des livreurs, des maîtres d’oeuvre, des ébénistes, des chocolatiers, des huiliers, des designers, des maroquiniers, des fabricants de luminaires, des directeurs de chantier naval… 

Une anecdote liée à un client ?

Ma première rencontre avec Laurent de la Clergerie au siège du groupe LDLC. Il lui a fallu seulement quelques minutes et trois questions pour saisir la force du positionnement de la Maison Trafalgar. C’était bluffant et assez déconcertant. Laurent est un dirigeant singulier, exigeant et animé par le goût du challenge, et compte tenu de tout le respect et de toute l’attention qu’il porte à ses équipes, il était impensable de ne pas réussir notre pari. Je me souviens de l’émotion qu’il nous a manifestée, alors qu’il venait de finir la lecture de notre galerie de Portraits : “La lecture de cette galerie de portraits a porté à un niveau encore plus haut votre talent ! Je ne sais comment vous dire ce que j’ai ressenti, j’ai véritablement dévoré ces histoires comme un excellent roman… même les photographies sont incroyables ! J’ai eu quelques larmes, pour être franc, tellement je trouvais cela beau et l’amour qu’ils pouvaient restituer. Bien sûr, l’écriture est parfaite, mais ce qui m’a fait le plus vibrer, c’est que les portraitistes Trafalgar sont allés chercher la pulpe du fruit de chaque personne, et l’histoire est juste magnifique. Il faut vivre l’expérience ou lire les portraits qui existent pour comprendre que c’est complètement différent de tout ce qu’on peut lire ailleurs. Vous avez fait vibrer l’histoire du groupe, l’avez rendue vivante, passionnante. Pinocchio, le petit garçon de bois, est devenu un garçon en chair et en os, merci aux fées que vous avez su être… Vous êtes magiques ! Un grand merci pour cette expérience qui dépasse tout ce que j’aurais pu imaginer. C’est de la haute couture, non seulement dans l’écriture, mais aussi dans l’expérience qu’on vit. C’est tout le moment qu’on vit qui est de la haute couture. Le moment de partage qui est simple et unique dans sa façon d’être, et le restitué, qui est quelque part le moment de grâce.” Dans ce long mail de remerciement, j’ai ressenti beaucoup d’émotions ; c’était quelques jours avant Noël, et même si j’en avais conscience, je me suis encore plus rendue compte de la puissance de notre offre, et de toute l’expérience Trafalgar, qui dépasse largement la signature textuelle ! 

Une anecdote liée à ton associée Marion ? 

Au tout début de notre relation, avant que l’on ne devienne amies, nous faisions déjà chacune montre d’un grand respect envers l’expertise de l’autre, ce qui se traduisait par une forme de pudeur. Petit à petit, nous nous sommes familiarisées avec nos différentes compétences et nos talents respectifs pour que chacune devienne, au fil de l’eau, le bras droit de l’autre ; je pense que notre ultra exigence produit comme un effet de vase communicant. Je me souviens, lors de la soirée du sixième anniversaire de la Maison Trafalgar, de ce beau discours qui avait été travaillé par l’ensemble de l’équipe, et que nous devions porter alternativement Marion et moi. Tout était nickel, calibré, jusqu’au moment où Marion commença, à ma grande surprise, à dérouler tout un passage entier sur moi – j’en garde un souvenir mémorable ! C’est grâce notamment à ce genre d’attentions que je peux dire que si Marion est mon associée, elle est aussi et surtout mon amie. Elle était d’ailleurs l’une des premières personnes à tenir mon fils dans ses bras à la maternité. Finalement, je pense que ce que j’ai trouvé de plus beau chez Trafalgar, c’est un véritable projet de vie. 

Au-delà de l’équipe interne, un mot sur sont les partenaires de la Maison ?

Même si de nouveaux les ont rejoints pour accompagner le développement de nos nouvelles offres, Portrait vidéo, Portrait audio, Portrait dessin, nous travaillons avec les mêmes partenaires depuis nos débuts pour ce qui est de nos offres historiques, même si nous adorons découvrir de nouveaux talents et voir comment nous pourrions les intégrer à notre aventure. Parce qu’ils partagent nos exigences esthétiques, nous leur sommes fidèles et toujours à l’écoute de leurs envies ; leur sensibilité artistique nous a même fait créer certaines offres en adéquation. C’est peu dire qu’il y a un profond respect pour les multiples pattes artistiques qui prennent place dans notre Maison. Les photographes ont chacun leur style : Romain se distingue par la puissance de ses photographies d’intention en noir et blanc, Ksenia par sa technique à l’argentique, Jérôme par son expertise reportage métier. Il en va de même pour notre traducteur et sa maîtrise de la langue de Shakespeare, car il n’est pas simple de rendre compte de la signature Trafalgar. Avis aux intéressés, suite à de nombreuses demandes, nous allons bientôt nous entourer d’experts de la langue de Goethe et de Cervantes ! Puis il y a notre correctrice à l’œil affûté, notre graphiste dont la culture print lui permet de magnifier l’écriture, notre pianiste qui rayonne sur toutes les gammes lors des entretiens d’extraction… Quand nous avons fêté, l’année dernière, les six ans de la Maison Trafalgar, c’était très émouvant pour notre équipe de partager avec eux ce moment privilégié, qui concentrait toute la force créative de la Maison !


FAQ – Le sujet en question

Bonjour Marion, je me demandais… n’était-ce pas risqué de donner le nom de Trafalgar à votre Maison d’écriture ?

Non ! 
Certains ont fait de Waterloo une chanson, et d’autres se sont résolus à faire de Trafalgar une réussite. Pour éviter que les spécialistes ne s’étranglent, précisons qu’il s’agit moins de renverser l’Histoire que d’écrire celle des autres. Assurément, il faut un certain panache à notre équipe pour arborer une défaite militaire française – mais cela nous permet de mieux constater le recul littéraire du français.

Touché, mais pas coulé, dirons-nous : c’est une façon que nous avons de prendre à revers le sort, un clin d’œil prouvant que certains récits méritent une écriture, pourvu qu’on y insuffle un effort.

Devant certains textes rédigés à la hache, faire son coup de Trafalgar, c’est réaffirmer que la plume est plus forte que l’épée. Car les mots sont loin d’être des reliques de musée ; dans notre Maison, ils continueront toujours de fuser, de démontrer que la langue n’abandonnera jamais sa poche de résistance. Si certains clients ont coutume d’évoquer les « territoires d’expression » qu’ils recherchent, chez nous, l’expression gagne effectivement du terrain. Ce n’est donc pas un hasard si nous aimons mettre en lumière ce qui est peu su, peu dit, et nous impliquer dans les arcanes de tous les métiers.


L’esprit dépasse la matière

Même si la science a prouvé que la pensée était une onde, voilà une expérience qui procure une étrange sensation : en pleine rédaction, au moment précis où je m’apprête à écrire un mot qui n’a pourtant rien de courant dans une conversation banale, voilà qu’il fuse, sans crier gare, de la bouche d’un de mes camarades portraitistes. Si cela ne se produit pas forcément tous les jours, la relative récurrence de ce phénomène a de quoi me laisser pantois. Télépathie, forces mystiques, manifestation de l’esprit ? J’ignore si un lien particulier me rattache à mes pairs, j’ignore si eux-mêmes se trouvent parfois traversés de cette même sensation, la seule certitude que cela m’inspire, c’est bien que l’esprit dépasse la matière.


FAQ - Le sujet en question

Aujourd’hui, elle s’adresse à Gilles, Portraitiste de la Maison Trafalgar :

Bonjour Gilles, la Maison Trafalgar réalise-t-elle uniquement des Portraits écrits ? Non !

La Maison d’écriture Trafalgar se plaît à ce que ses mots puissent aussi prendre une autre texture, grâce au travail de ses voix et de leur tessiture. Déployés à bon escient et même augmenté par des environnements sonores propices à leur découverte, nos Portraits audio permettent de tisser des bulles immersives au sein d’un musée d’entreprise, le temps d’une expérience vécue dans le noir, ou déclamés avec verve, face à un auditoire. De quoi savourer la tonicité de la versification, le rythme, les assonances, les allitérations. 

La perspicacité de notre signature textuelle s’allie à la perception de nos Portraits photographiques. Pour trouver l’angle, la manière, pour capter cette étincelle, et cette malice, qui séparent les clichés qui ont du cachet des instantanés qu’on finit par vouloir cacher, l’image s’anime aussi dans des Portraits en vidéo ou se développe dans tout son sens, toutes ses nuances, à travers des Portraits dessins. 

Quel que soit le format sur lequel on requiert ses services, la Maison Trafalgar échappe aux réponses formatées ; elle continue de soigner sa différence, d’esquisser son pas de côté.


FAQ - Le sujet en question

Aujourd’hui, elle s’adresse à Maxime, Portraitiste de la Maison Trafalgar : 

Bonjour Maxime, la Maison Trafalgar va-t-elle au-delà  des Portraits écrits de personnes physiques ? Oui ! 

Si nos lignes épousent régulièrement les contours et les visages, des dirigeants, des associés, et des collaborateurs, Trafalgar donne une nouvelle dimension à l’expression « Maison de caractères ». Les pierres sont des observatrices discrètes dont nous aimons solliciter la mémoire : Portraits de résidences, de marques hôtelières, de châteaux enracinés dans leurs terres viticoles, Portraits de couvents, de moulins ayant maintes fois changé de mains au fil des siècles, ou bien de quartiers emblématiques. 

Mais notre écriture va plus loin que de prêter des oreilles aux murs. Et si l’on a fait le tour de l’endroit, il reste encore des témoins à qui donner une voix. La Maison Trafalgar connaît les destins incongrus, les péripéties mystérieuses et les aventures étonnantes de différents objets. Une roue métamorphosée en luminaire ; la trajectoire d’une étoffe en soie à travers toute une filière ; les préceptes d’une règle, d’une gomme, d’un compas ; une machine agricole pour les pomiculteurs… 

Et puis l’impalpable peut aussi gagner un phrasé. Qu’il s’agisse d’une collection ou d’un simple concept, chacun a pu voir que l’histoire des idées doit faire l’objet d’une discipline, et d’un savoir-faire qui se manifeste. Les défis auxquels répondent les portraitistes de la Maison Trafalgar sont grands – même un vêtement pourrait leur jeter le gant !

Une pensée pour les clients de la Maison Trafalgar qui pourront en témoigner : Géraldine Frémi, Marie Sibuet Maisons et Hôtels Sibuet, chateau darche Caroline Rihouet, Guillaume Barathieu, Pierre Jamet, SARL HUILERIE BEAUJOLAISE, Pascal DANGER, Jose Sallés, Cclair by AgriConnect, Maped, Virginie Queyrel, Thibault de SACY, Romain Lacroix, Nicolas Busnel et bien d’autres… !


Interview interne - Marion, Dirigeante associée

À quel moment de ta vie as-tu développé un rapport sensible aux mots et à l’écriture ?

J’ai été biberonnée au poids des mots et à leur teneur émotionnelle. En plus d’y apporter beaucoup de soin, ma mère prenait toujours le temps de m’écrire des lettres pour m’exprimer certaines valeurs essentielles ou me donner quelques nouvelles pendant mes voyages de classe. Les scènes se répétaient quasiment tous les lundis matin, à l’époque du lycée ; j’arrivais à l’internat, et je ne pouvais pas ouvrir mon sac sans y retrouver une petite carte, un petit post-it, un petit dicton parfois aussi simple que « la patience d’une mère est comme un tube de dentifrice, il en reste toujours au fond », accompagnés d’un mot d’encouragement. Et puis plus tard, ce furent les SMS à quelques minutes du passage d’un examen, plus récemment, le discours qu’elle a porté devant toute ma famille le soir de mes trente ans… Avant la voie académique, tout cela m’a rendue très attentive à la force de l’expression orale et écrite, à la manière dont les gens restituent les faits, se racontent leur journée, même au téléphone, à la volée. Elle est Italienne, et puisqu’elle a appris assez tard à parler français, elle était extrêmement sensible au fait que je puisse maîtriser rapidement les subtilités de la langue. C’était aussi et surtout sa façon de m’apprendre à dire, à exprimer, à ne pas garder, et donc à écrire. Et si les livres n’étaient pas présents partout chez moi, on ne pouvait pas dire la même chose de la place prépondérante de la musique et des chansons à texte. Certains lecteurs chevronnés sont capables de citer au mot près l’incipit des ouvrages qu’ils adorent. Celui d’Anna Karénine de Tolstoï : « Toutes les familles heureuses se ressemblent, mais chaque famille malheureuse l’est à sa façon. » Celui de Jacques le Fataliste, de Diderot : « Comment s’étaient-ils rencontrés ? Par hasard, comme tout le monde. » ou encore l’incipit d’Aurélien d’Aragon : « La première fois qu’Aurélien vit Bérénice, il la trouva franchement laide. » Les premiers mots du répertoire de Jacques Brel, Barbara, Charles Aznavour, Serge Gainsbourg, Nino Ferrer, ont le même effet sur moi. Et comme j’ai rapidement fait le choix d’un baccalauréat littéraire, j’ai commencé à me constituer une sacrée collection d’ouvrages. Je me souviens qu’il était déjà inconcevable pour moi d’emprunter un livre à la bibliothèque : aujourd’hui encore, j’ai besoin d’annoter les pages, de stabiloter les phrases qui me parlent. Du coup, j’ai une collection de carnets qui comportent la plupart de ces phrases, chaque fois recopiées à la main. Les relire, c’est tout relire.

Et à l’entrepreneuriat ?

L’entrepreneuriat est venu plus tard, au cours de mes études supérieures, mais je n’ai jamais imaginé la passion des lettres et celle de l’entrepreneuriat de manière distincte. Pour moi, la seconde est la continuité de la première. Lorsqu’un plaisir nous tient, on n’a généralement pas envie de s’en éloigner, alors j’ai commencé à écrire. J’ai aussi eu la chance d’être publiée dans deux ouvrages collectifs, par la maison d’édition parisienne l’Art de Lettres. Puis avant de co-fonder la Maison Trafalgar à 22 ans, j’ai également exercé ma plume sur un blog auquel j’avais déjà donné le nom de « Trafalgar », et sur lequel j’écrivais les Portraits de jeunes audacieux lyonnais de moins de 30 ans, pour les aider à raconter leur histoire. Ce sont ces Portraits, réalisés bénévolement, mais avec une forte exigence littéraire, qui ont fait naître les premières demandes des clients de la Maison Trafalgar. Quand une passion nous porte, on baigne dedans, on cherche à rencontrer ses acteurs, à rejoindre une mission plus grande que soi, à évaluer les problématiques constatées au fil d’un parcours, à répondre à des besoins… Et puis on cherche à en vivre, pour ne pas faire autre chose, à fédérer d’autres acteurs qui cherchent aussi à en faire leur métier. J’entends parfois des personnes se dire qu’elles ne sont pas du tout « faites pour l’entrepreneuriat », mais plutôt pour coudre, danser, cuisiner… Je ne vois, personnellement, aucune différence entre les deux. Dès que j’ai compris combien mon rapport aux mots était fort, j’ai juste eu envie d’entreprendre avec eux. Tout le reste est une question de posture, et bien sûr d’engagement et de force de travail. Fonder une entreprise, développer un concept, créer des offres, recruter pour constituer une équipe, trouver son marché, ses clients, puis chercher à les ravir, ne sont pas des actions qui sont guidées par mon rapport à l’entrepreneuriat, mais bien par mon rapport à l’écriture. D’ailleurs, j’ai d’abord été étudiante en classes préparatoires hypokhâgne, mais j’ai très vite fait le choix de coupler cette formation avec un master de commerce et d’entrepreneuriat à l’iaelyon. Je ne me sens pas uniquement littéraire, je ne me sens pas uniquement entrepreneure, je me sens véritablement entrepreneure-littéraire.

L’entrepreneuriat littéraire est-il, selon toi, suffisamment représenté ? 

Absolument pas ! Je me souviens qu’à la création de la Maison Trafalgar, nous n’entrions jamais dans les critères de sélection des concours. Il fallait réellement s’accrocher pour que le dossier soit considéré. Les premières années, lorsque l’on présentait l’entreprise Trafalgar, notre proposition de valeur, notre savoir-faire, l’écosystème entrepreneurial trouvait souvent cela mignon et attendrissant, alors qu’on était souvent trois fois plus rentable que dix startups « scalable » qui n’existent plus aujourd’hui. Pour entrer dans des catégories « innovation », une comptable nous avait même conseillé un jour de développer un logiciel d’intelligence artificielle afin que les Portraits puissent s’écrire tout seul, ou même d’élargir aux présentations rédigées sur les profils des applications de rencontres pour être plus grand public… L’entrepreneuriat littéraire est sous-représenté, mais il est aussi trop souvent décrédibilisé. Il est essentiel que les étudiants en lettres, actuels ou futurs, entendent parler d’entrepreneuriat et nous rejoignent ! Ils peuvent véritablement faire des miracles.

Quelle est la phrase que tu ne supportes plus d’entendre ? 

« Plus personne ne lit » et son acolyte légèrement plus subtil : « pensez-vous réellement que les gens prennent encore le temps de lire ? », venant parfois de grandes institutions, qui ont plusieurs siècles d’histoire. Si les lecteurs sont noyés de posts LinkedIn à la sauce développement personnel, non. Si les entreprises dans lesquelles ils travaillent se contentent de leur proposer des textes corporate souvent réchauffés, non. Si les collaborateurs sont présentés sous la forme de portraits chinois, pas toujours. Si les histoires de dirigeants et d’entrepreneurs donnent toutes l’impression qu’un bon mindset mène à tout, encore moins… Mais si l’on se donne la peine de s’adresser à eux comme ils le méritent, si les lignes sont sincères, que le récit leur ressemble et les embarque, si leur Portrait, ou celui d’un autre les touche, alors oui, bien sûr que oui ! Écrire vite et mal n’a rien d’une tendance à suivre. Écrire bien et au-delà de dix lignes n’est ni rétro, ni démodé. Qu’il soit parfois inquiétant et le plus souvent excitant, ce combat est pour nous on ne peut plus sérieux. Quant à la suprématie de l’image, nous avons récemment signé une tribune intitulée Une image ne vaut pas mille mots. Virgile Deslandre, expert en art oratoire et en éloquence de la Maison Trafalgar conclut très bien : « Les mots éduquent le regard. Les images ne sont pas belles ou impressionnantes en elles-mêmes : elles ne le sont que parce que nous avons des mots pour les regarder. »

Quel est le retour client qui t’a le plus touchée ? 

Je pense à celui de Romain, concernant une galerie de Portraits d’artisans tapissiers : « L’entretien et l’écrit resteront certainement le plus beau témoignage d’un amour souvent difficile à exprimer en entreprise. Merci d’avoir su créer cette belle équipe et cette entreprise indispensable. » À celui de Marie-Anne, concernant son propre Portrait : « Non seulement l’expérience était belle artistiquement, mais elle était également riche humainement. Et c’est toujours la cerise sur le gâteau ! Merci, car non seulement la cerise était là, mais en plus elle était délicieuse. Les personnes que vous êtes, le soin et la passion que vous mettez dans votre travail, le respect que vous avez pour vos clients et vos collaborateurs… Tout cela m’a beaucoup touchée. » À celui de Pascal, un dirigeant qui nous a confié le Portrait personnifié d’un objet très atypique : « Tout est dit avec simplicité et grandeur ; l’excellence est bien là, c’est un travail d’orfèvrerie ! L’Art des belles lettres a maintenant un nom : Trafalgar. » À celui de Sophie, directrice communication d’un groupe leader de son secteur : « Je n’ai rien à redire : vous prouvez que l’écriture est extrêmement puissante quand elle est maîtrisée. » À celui de Bruno, diplomate : « À la lecture du portrait que vous avez réalisé, je ne retranche rien. Vous avez su pénétrer parfaitement le territoire de mes aspirations profondes et les révéler avec beaucoup de subtilité et de délicatesse. Soyez-en infiniment remerciés. Vous êtes comme un cuisinier qui doit sortir un plat d’exception avec des ingrédients qu’il n’a pas choisis et ne correspondent à aucune recette. C’est un exercice d’une exigence rare. Chapeau bas. Ce portrait Trafalgar est un cadeau précieux qui ne quittera jamais mon cœur. J’ai été très honoré et chanceux de pouvoir vous rencontrer. » Et généralement, quand une Maison de luxe ne modifie pas une virgule des réalisations que nous venons de livrer, c’est un retour qui dit tout, et qui ne manque pas de nous toucher.

Quelle est la partie que tu préfères dans ton métier ?

La première lecture des Portraits lorsqu’ils sortent tout juste du four ! C’est un moment précieux, durant lequel l’on voit danser ensemble le besoin client, le talent du Portraitiste, et celui de tous les membres de notre équipe qui se sont réunis en comité de lecture. Mais cette réponse serait incomplète sans évoquer le travail qui m’occupe sur la stratégie de développement de la Maison Trafalgar. Questionner le marché, comprendre ce qui résiste, ce qui est attendu, faire des choix à contre-courant de la concurrence, cultiver cette science du coup d’avance, affiner l’expérience client, et tout faire pour que chacun en garde une trace indélébile… Beaucoup trop d’entrepreneurs font le choix de créer une entreprise pour eux, mais ils semblent oublier qu’elle existe aussi pour leurs clients. Et puis le temps consacré au recrutement. C’est une partie qui réclame énormément d’efforts et d’implication émotionnelle, car lorsque l’on entre chez Trafalgar, l’on n’arrive pas comme dans un moulin, l’on prend ses marques dans une Maison. Les Portraitistes historiques arrivés quelque temps après la création de l’entreprise sont toujours là pour développer la Maison Trafalgar avec talent ; quand j’ai rencontré Benjamin, j’avais 23 ans – j’en ai 30 aujourd’hui. Entretemps, il est devenu papa deux fois, c’est peu dire que nous en avons vécu ensemble ! Maxime, lui, a commencé correcteur, il est devenu Portraitiste, et a désormais évolué en tant que Responsable de la production et des comités de lecture, que j’étais encore seule à diriger. Gilles est là depuis bientôt deux ans, et affirme voir Trafalgar comme un véritable projet de vie. Il n’est pas seulement question d’évolution d’un style d’écriture ou de carrière, mais d’évolution personnelle, et qu’il s’agisse de Portraitistes ou d’autres postes essentiels à notre Maison, comme la communication ou la gestion de projet, c’est pour moi très fort d’imaginer avec quels autres talents nous allons avoir le plaisir d’avancer et de grandir.

Comment sens-tu qu’un talent peut intégrer la Maison Trafalgar ? 

Cela ne relève jamais d’un sentiment personnel. Qu’il écrive ou non, il est essentiel pour notre équipe que ce talent vibre autant que nous pour la mission de l’entreprise. Il est important qu’il partage notre précision, notre exigence, et surtout notre goût des autres. Si l’intériorité me touche, parce qu’elle donne toujours beaucoup de couleur à une personnalité, il me semble délicat d’intégrer la Maison Trafalgar si la rencontre vers l’autre représente un effort.

Quelles sont, selon toi, les plus belles réussites de Trafalgar ? 

La Maison Trafalgar a fêté son 7e anniversaire en novembre dernier. Si 7 ans est l’âge de raison, alors ces 7 belles années nous auront donné raison d’avoir :
– Inventé notre métier de Portraitiste sur un marché de niche ;
– Élaboré, puis perfectionné un processus de création qui ose faire confiance aux talents et au temps long ;
– Démontré combien l’écriture pouvait être le socle d’une entreprise pérenne ;
– Porté l’amour des mots au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, dans les universités, les comités de direction, les conseils stratégiques de la Métropole, mais aussi dans des lieux aussi cruciaux qu’une maison d’arrêt ;
– Ciselé une signature textuelle forte sans rentrer dans le rang des marques blanches ;
– Cru en des profils atypiques, et repéré des potentiels qui se sont révélés au sein de notre Maison d’écriture ;
– Boudé la facilité en internalisant notre savoir-faire et en construisant des carrières, dans une époque où les métiers d’écriture sont le plus souvent précarisés ;
– Dit « non » à des propositions qui nous auraient dénaturés ;
– Démocratisé la littérature en entreprise, en faisant parler les objets, les lieux, les marques et les concepts autant que les femmes et les hommes ;
– Continué d’ouvrir nos portes à tous les acteurs, des startups naissantes aux plus grandes références du monde du luxe, en passant par les entreprises de Métiers d’art, les groupes leaders, les TPE et les PME familiales ;
– Tenu à apporter notre expertise à tous les secteurs, que nos clients soient agriculteurs, stylistes, chimistes, ingénieurs, transporteurs, horlogers, chocolatiers, vignerons, confiseurs, hôteliers, développeurs, franchisés, repreneurs ;
– Donné de notre temps à de nombreux autres entrepreneurs, et soutenu à notre tour les différentes structures d’accompagnement qui nous ont vu naître ;
– Témoigné de notre fidélité à des photographes, illustrateurs, graphistes, traducteurs, pianistes, sound designers passionnés, partenaires de confiance depuis le début de notre histoire ;
– Diversifié nos domaines d’activité, en développant également nos formations à l’éloquence et à la prise de parole en public ;
– Déjoué tous les pronostics et toutes les prophéties pour réaliser une croissance continue, année après année ;
– Pris autant de plaisir à vivre ensemble, depuis 2015, cette ravissante, touchante, courageuse, ambitieuse, prometteuse aventure entrepreneuriale !

Un développement à l’international est-il envisagé ?

Pas encore ! Nous avons tenu à bâtir une Maison de plus en plus complète, en privilégiant le développement de différentes offres comme le Portrait photographique, le Portrait dessin, le Portrait vidéo ou encore le Portrait audio. Nous tenons à notre croissance organique et mesurée. Nous sommes heureux d’avoir fait le choix d’installer notre Maison de Portraits dans notre ville de Lyon, et d’avoir le plaisir d’y accueillir des clients qui se trouvent partout en France, et à l’étranger – certains se sont déplacés depuis la Nouvelle-Zélande, et plus récemment depuis l’Afrique du Sud pour vivre l’expérience Trafalgar. En revanche, beaucoup de nos clients commandent leur Portrait en français et en anglais, et nous menons aussi des entretiens d’extraction dans la langue de Shakespeare, tout cela est de très bon augure. En même temps, en s’appelant Trafalgar…

Une anecdote liée à ton associée Bérengère ?

Les parents de Bérengère, qui viennent de Haute-Savoie, lui ont donné ce prénom en clin d’œil à une montagne située dans la réserve naturelle des Contamines. Sachant que je suis née à l’île de la Réunion – je me surprends parfois à penser qu’on aurait pu se louper quinze fois dans notre vie… Certains entrepreneurs se plaisent à marteler « qu’importe d’où l’on vient, ce qui compte, c’est où l’on va ! » Cela me résiste complètement. Cette entreprise s’est développée sans tricher, et aucun de nous n’a jamais renié cette notion d’ancrage ; elle est propre à chacun, et elle est une force pour travailler ensemble et se rejoindre ici ; au sein de la « Maison » Trafalgar, un autre point d’ancrage. Comme Georges Perec : « J’aimerais qu’il existe des lieux stables, immobiles, intangibles, intouchés et presque intouchables, immuables, enracinés ; des lieux qui seraient des références, des points de départ, des sources. »


La malédiction de la rime

Ce n’est pas un secret, la signature de la Maison Trafalgar est affaire de sonorités. Mais il suffit que la concentration se relâche un instant, qu’une distraction s’invite en prime, pour que ressurgisse la rime. J’en viens donc à repousser celles qui voudraient s’imposer, à débusquer de petites espiègles dans les recoins. Point trop n’en faut, nous dit la formule ! Ce qui était ornement peut devenir fioriture.


À la recherche du mot inconnu

Méplates, burons, mazots, vrillettes, iridescence, estrudage, guipure… Les termes techniques, les mots rares et le jargon d’initié subliment parfois la tournure d’une phrase. Pour autant, leur usage demande réflexion pour ne pas déséquilibrer le texte, rendre le récit inaccessible, les afficher crânement. Ils doivent être minutieusement choisis pour développer l’immersion dans l’univers du client, donner au lecteur ce sentiment de voyager même s’il ne comprend pas le sens de prime abord. D’ailleurs, je ne compte plus les mots que j’ai appris en tant que portraitiste Trafalgar, ceux que j’ai dû pister après un entretien d’extraction pour en saisir toute la portée, ou simplement pour découvrir la réalité matérielle à laquelle il renvoie ! Au fait, vous savez, vous, à quoi ressemble une chrysope, un pont dans une montre ou une maille en côtes 2/2 ?


Lorsque les mots manquent

Certains illustres écrivains étaient réputés pour leur extrême méticulosité dans le choix des mots : ils pouvaient passer plusieurs journées sur ce damné adjectif qui parfois nous échappe. Toutes proportions gardées, il arrive de m’appesantir parfois de longs moments afin de dénicher le mot idoine, farfouillant autant dans le grenier de mes propres références que dans l’intarissable vivier des ressources que propose le monde moderne. Cela étant, le temps passant, j’ai pu remarquer qu’après des heures de pêche infructueuses, une bonne nuit de sommeil suffit souvent pour que le lendemain, le mot jaillisse spontanément de nulle part, et me nargue presque, tant sa présence tenait de l’évidence !


Portraitiste, tailleur de phrases

Quand il s’agit de se livrer à l’écriture d’un Portrait, chaque portraitiste Trafalgar a ses habitudes, son propre modus operandi. Si certains talents de mon équipe visent l’excellence dès le premier jet, pour ma part, je me figure l’écriture comme un exercice analogue à celui de la sculpture. De ce premier bloc monolithique, à la forme très brute, j’en rabote progressivement les contours, j’en cisèle les arêtes, j’en façonne les nuances. C’est là, en taillant phrases après phrase, mot après mot, que le superflu s’efface, que les subtilités de forme prennent place et que les idées trouvent leur contiguïté pour viser le résultat que je juge le plus abouti possible : c’est un moment que j’affectionne particulièrement.