Extraits : LE RITZ

Écrit couture

Les sommets de l’amour ont de Paris la faveur capitale, aussi je mesure l’honneur d’avoir été choisi pour vous accompagner jusqu’à son instant le plus éclatant, au plus près des étoiles qu’ardemment je défends.

 

À ma longévité, d’aucuns m’imagineraient nostalgique, mais avec vous je saisis la formule d’un de mes anciens amis, le romanesque Fitzgerald : plus que des années à ma vie, j’ai ajouté de la vie à mes années. Votre générosité a rivalisé de somptuosité avec les atours dont je m’étais paré pour vous recevoir, et je me sens rajeuni d’un siècle en un soir.

 

L’été a déjà passé son seuil de trois pas. Je me réjouis qu’à votre tour, vous ayez franchi le mien pour accueillir la clarté du jour, car c’est à la célébration du beau que j’ai toujours dédié ma cour. Si l’air du temps se savoure sous mes arbres, j’aimerais que sa lumière s’apprécie à l’aune du jaune, palette d’ors où les fleurs de mon jardin trempent ce soir chacune un pinceau.


Extraits : MEDICOS

Portrait de dirigeant, Cédric 

Les chiffres et les rachats ont beau s’afficher, et les références faire la différence, l’essence de la réussite de Medicos se soustrait à la lumière, comme pour s’accorder à la discrétion de son propriétaire. Non pas qu’il y ait chez Cédric Marmonier un défaut de transparence, mais celui qui se plaît à donner de l’allure aux contenants se distingue en vérité par une nature contenue. Dans ces ateliers où l’Homme s’est allié à une robotique réglée comme un métronome, il se rend à la source de ces flux de capsules et de bouchons. Ici, il s’autorise à déposer une goutte de fierté et de satisfaction.

 

Car par-delà cette rigueur calquée sur une sœur tenue en grande estime pour sa constance, Cédric reste cet éternel dissipé qui peut accumuler les retards pour un plein oublié. Il reste aussi cet industriel dispersé qui a besoin de prévoir et d’anticiper. Le pragmatisme se met toutefois à la diététique quand l’art ou l’architecture frappent cet hypersensible à coup d’esthétique, quand sa coccinelle améliorée s’envole dans les courbes de courses épiques. Animé par sa fascination pour une myriade de domaines, le fils d’une lignée d’artisans et d’entrepreneurs nés s’est démené pour que sa trajectoire n’appartienne qu’à lui-même.


Extraits : XEFI

Portrait iconique de marque

Traverser les décennies dans un secteur régulé par la mise à jour, talonner la durabilité dans un milieu gouverné par l’obsolescence programmée, entretenir l’art de la proximité pour assurer les connexions à distance : XEFI cultive les paradoxes d’une vision peu orthodoxe du métier. L’histoire de l’informatique a connu ses boulevards et ses impasses, ses ères prospères et ses déserts lunaires. À tel point que la réussite de XEFI étonne jusqu’à ses instigateurs, et qu’arborer une croissance aussi soutenue qu’ininterrompue représente une prouesse parfois trop énorme pour la norme. Dépassant les six cents collaborateurs pour plus de soixante-dix agences à travers la France, le groupe leader de l’informatique et bureautique à destination des TPE et PME n’a cessé d’étonner son public depuis sa création. 

 

Les prémices de XEFI jetés sur une carte de visite, l’entrepreneur de vingt-quatre ans viendra étrenner cette formule qui s’occupe des besoins client sans traîner : trente minutes sur place, et si le pépin n’est pas trouvé, c’est l’ordinateur qui est embarqué pour être réparé. Trois fondamentaux émergeront des trois fois rien contre lesquels un local est loué à une agence immobilière, afin de conférer leur côté carré à ses sept mètres résolument austères.

 

De Lannion à Nice, de Monaco à Senlis, refuser de flatter les égos a conduit XEFI au-devant de carrières qui ne doivent pas tant au parachutisme qu’au pragmatisme. Et parce qu’il n’y a guère que le chiffre d’affaires qui soit autorisé à percer la stratosphère, les mérites du cloud ont germé dans la terre de Civrieux en un datacenter à la pointe de la technique, au mépris des vents et des avis contraires. Au mépris d’un marché qui ne semblait pas courir après l’offre – et démontra bientôt que la force de l’entêtement, le courage de l’endettement, ainsi qu’un zeste de culot, peuvent donner du coffre : le groupe a tracé son sillon sans se soucier des qu’en dira-t-on.

 

De proche en proche, la bande s’enrichit de recrues, et grossit tellement qu’elle empile les cartons pleins. 36, 1, 3, 70bis, 108, la rue Bossuet est secouée par ce curieux bernard-l’hermite à l’instinct social. Son développement rapide lui fait investir des espaces chaque fois plus grands, et décharger camion après camion tandis que la vaillante 205 XS parcourt les cités et accumule les succès. C’est l’époque des dégâts des eaux qui plusieurs fois ne dissuaderont pas Monsieur Moïse, le client historique, de franchir le seuil de la boutique, celle d’un renfort impromptu de Tchèques et de dimanches passés à refaire l’installation électrique. Celle, aussi, des banques rendues trop frileuses pour tolérer les découverts. Celle, enfin, de montants qui atteignent un sommet pulvérisé depuis, avec l’inoubliable commande de cent-soixante-dix-mille Francs, honorée sur le fil par un PC portable acheté cash.

 

Portrait de collaborateur, Jaouad 

Quoique le directeur d’agence concède que le sport n’est pas son fort, l’on aurait tort d’imaginer un allergique à l’effort, ou de voir dans ce visage toujours rasé, et ce costume impeccablement coupé, un archétype du businessman blasé de parapher. Si Jaouad incarne aussi bien le credo de XEFI, c’est qu’il s’y est frotté quand il n’était qu’un ado : ses premiers galons placés sous le signe de l’arrache ont présagé de nombreuses victoires à l’arrachée. Lié par la promesse un brin provoc de dégotter un poste avant que les parents ne terminent leurs vacances au Maroc, le jeune « un peu paumé» d’Albertville vécut en effet son arrivée chez XEFI comme un de ces chocs qui s’acceptent direct ou se rejettent en bloc.

 

Portrait de collaboratrice, Florine

Elles se sont écoulées, les heures à s’investir et à bûcher sur les embûches d’un monde informatique foisonnant de composants. Désormais, Florine sait faire face aux demandes matérielles qui feraient grimper la tension artérielle d’un fournisseur moins connaisseur. Sa vive mémoire lui procure d’ailleurs quelques atouts dans la chasse à la mémoire vive. En digne ornithologue ayant bâti une volière de quarante mètres carrés, Florine est de ces oiseaux rares qui ne se font pas voler dans les plumes ; les clients, particuliers aux sens premier et second, lui ont quant à eux fourni des occasions de démontrer qu’elle n’est pas du genre à se laisser démonter. Ainsi, lorsqu’un fanfaron s’effarouche tant qu’il en pique un fard au téléphone, il peut être surpris de trouver derrière le comptoir ce sacré brin de femme sur qui l’on peut compter, et dont la part excède de loin celle du colibri.

 

Portrait de collaborateur, Michael

Cueilli par la bidouille d’ordinateurs dès ses plus jeunes heures, ce spécialiste réseau et sécurité roula d’abord sa bosse dans le support, avant de déployer son savoir-faire entre les murs de XEFI, et en dehors. Il trouva là des challenges prêts à lui donner le change, à taquiner la hargne de l’expert qui ne saurait plier face aux aléas de la machine ou de ses fâcheuses manières. Nul doute que ce DJ qui part en intervention les potars poussés à fond, que ce crack ayant à cœur de contrer les hackeurs, n’a pas fini d’être électrisé par ses fonctions dans la sécurité, portant haut le refus de la facilité.


Extraits : ATELIER SALAGNAC

Portrait de dirigeant, Nicolas

S’efforçant d’être ce trait d’union entre les jeunes et les anciens, Nicolas ne partage jamais mieux son expérience que sur ces cylindres d’acier où s’incrustent en miroir ses pensées. C’est dans cet atelier, où se condense son monde, que les horaires ne cessent de le prendre à revers ; c’est dans cet antre, aussi plaisant qu’il a voulu le faire, qu’il se propulse au pays des vermeils. Au milieu de son barda d’outils, de ses onglettes rondes, méplates, à bâtes, pointues ou plates, savamment rangées et réparties ; parmi ses plâtres sculptés en bas-relief alignés comme de précieux manuscrits, le graveur recouvre cette sérénité qu’il cueillait jadis à la cime des arbres, refuge offert par les forêts de sa Normandie. Aujourd’hui, le chant des tours à réduire a couvert celui des roitelets, et le gamin a peut-être troqué son arc et ses flèches pour des poignées de rifloirs et de ciselets, Nicolas demeure un imperturbable relai de la mémoire. Il ne peut oublier d’où il vient, ni d’où il part.

 

Lui qui n’était, auparavant, pas bien tracassé par les devoirs, s’en fit un de trouver une démarche artistique qui ait de l’allure ; celle-là même qui concrétise aujourd’hui ses élans de romantique, et qu’une nature déchaînée suffit à inspirer. Les prisons de Piranèse et les caricatures de Daumier ; les dossiers sur l’Égypte antique et ses œuvres fascinantes ; les essais de gravure à l’eau forte en copiant des Rembrandt ; les journées à potasser pour saisir ce qui manquait au dix-huit pour faire vingt : à cette période, le jeune homme traçait ses perspectives par tous les moyens.

 

Évidemment, une plus grande place pourrait être donnée à l’informatique et à cette armada d’outils numériques que le graveur utilise à l’occasion. Demandez à une machine d’insuffler une âme au métal, elle se plantera à coup sûr. Car si l’on peut désormais sonder les reliefs de Mars, repérer un point dans l’espace, pour retranscrire trait pour trait le dessein de ses sentiments, Nicolas en est certain : il n’est de technologie plus avancée que ses deux mains.


Extraits : MP2D

Manifeste

À doubles lignes et carreaux, nostalgique des examens,

Ou d’une légèreté qui rappelle le tulle, et glisse sous la main,

Celui-ci sera doux, satiné ou scintillant, il invitera aux caresses ;

Celui-là abrasif, austère, hautain et dur, mais tout en robustesse.

Mâché, brûlé, jauni, corné, déchiré, et même papier à charge ;

Snob ou écolo, diaphane ou fibreux, papier à la marge :

À chacun d’eux sa personnalité, son usage et sa raison d’être,

Plaqué ou perforé, doré ou embossé, il peut tout se permettre.

 

À l’avènement des écrans, des câbles et des ondes,

Tous ont annoncé son retrait hors du monde :

S’il a survécu à la modernité et défié toutes les prophéties,

C’est qu’il est témoin de ce temps long qui s’apprécie.

Courbé de bord à bord, il se transforme en grand navire,

Pour voguer sur une mare où les souvenirs chavirent ;

Mais façonnez-lui des ailes, il gagne alors en portance,

Virevolte et fend la bise comme un pli d’importance.

 

Portrait de dirigeante, Laurie

Élégantes robes et homards homériques, gracieux bouquets et autruches chimériques – avec Laurie Boilleaut, la matière n’en finit pas de se montrer sous de nouvelles manières. Reconvertie paper artist, la dirigeante de Mains Pleines 2 Doigts insuffle donc ses inspirations en garnissant les présentoirs par des créations variant les tailles, et en alliant la délicatesse de l’éphémère à sa force de travail. 

 

Dans ce studio créatif parisien, où naîtront bientôt des colosses aux pieds fragiles, le regard se porte sur les provinces chinoises, de Shenzhen à Beijing, de Hong Kong à Shanghai. Dans l’attente, le sien se dégage sous les notes résonnant dès l’aurore, dans le mystère bien gardé de l’artisanat de luxe et de ses recettes, là où Laurie chante la bella vita, et soigne sa botte secrète.


Extraits : LVMH

Écrits couture

À ceux qui s’imagineraient la vie de château, je réponds par la vie qui s’abreuve en Champagne. Quoique mon titre se devine à mes atours – blason dans ma cour, et campé sur mes tours –, j’ai surtout celui du veilleur de la Côte des Blancs. Et si certaines personnalités illustres et têtes couronnées séjournent en mes murs, il s’agit moins d’ancrer le pouvoir à un siège que de s’émouvoir à faire sauter le liège.

 

Plutôt muse que musée, je fais l’évènement en retraçant les mythes qui m’ont décoré. Le vécu de la Maison s’est certes révélé par le 150e anniversaire de la cuvée impériale ; mes cultures, loyales au soleil, rendent d’ailleurs un hommage au roi qui crut être son pareil. De la France, je rallie la Chine, puis l’archipel nippon et ses grues, les années folles aux motifs incongrus. C’est aux fausses légendes et discours de façade que mes onze suites s’opposent ; chacune semble s’ouvrir sur un monde où le souvenir s’ancre et se repose. Je fais côtoyer le Hollywood des stars et rejoins la toundra des tsars, renoue avec l’Amérique pour enfin gagner les îles britanniques. J’ai même ambassade en Perse : dans toutes mes pièces, je me réinvente sans cesse.


Extraits : LES FERMES DE MARIE

Portrait iconique de marque

Il est délicat d’échapper aux sirènes de la standardisation. Toutefois, j’ai décroché mes cinq étoiles en me gardant d’entrer dans toutes les cases de cette distinction. Pour ainsi dire, je ne brille jamais mieux que dans le contraste, qu’en respectant l’esprit frondeur qui m’a fondé ; qu’en faisant goûter à mes locataires les secousses de l’aventure dans mes Land Defenders chevronnés ; qu’en préférant la patine des meubles anciens, quitte à mettre à l’épreuve leur fonctionnalité ; qu’en laissant les vrillettes sculpter leur œuvre dans mes bois, et assumer leur apparente irrégularité. Sous mes airs impeccables et mon service d’expert, pointent donc les imperfections et cette familiarité propre à la pension familiale. Oh, je sais que ma coutume de nicher le luxe dans la simplicité tient pour certains du drame, mais je réaffirme que ce sont là tous les attraits de mon charme.

 

En rebroussant les chemins de mon histoire, vous vous perdrez dans des forêts de sapins qui ont vu défiler des lignées de fermiers et de paysans. Sur les anneaux de mon vieux bois scié en poutres et madriers, transformé en façades et mobiliers, se lisent des récits s’étalant sur cent ans. Car avant de me déployer en jardins et chalets, avant de recevoir avec entrain et chaleur, je fus mazots et greniers, cabanes et fermes brinquebalantes fichés dans les impénétrables voies des deux Savoie.

 

Avec eux, j’ai connu l’émotion de voir s’élargir des généalogies qui me sont restées fidèles, celle de voir Marie et Nicolas prendre trente ans et gagner en responsabilités, jusqu’à saisir les rênes de ma destinée. Certains qu’il est plus aisé de construire que de maintenir, leurs parents m’ont avoué la fierté qu’ils ont à leur égard. C’est vrai que je vieillis, mais avec les pieds solidement ancrés dans le terreau qui m’a vu croître. Ainsi la sœur, qui s’amusait à napper de sucre les rebords des verres, est désormais garante du bon fonctionnement de mes affaires. Son palais s’assure que mes gratins soient pareils à ceux de mamie Fernande, et que mes tartes aux pommes épaisses continuent d’être gourmandes. Je me remémore aussi l’intrépidité du frère qui sautait de mes toits enneigés, puis de poste en poste, acceptant tout le travail que j’avais à lui proposer. Lui qui apprit à faire deux avec un, conduit des travaux opportuns dans le seul but de me réhabiliter en conservant les tenants de mon identité.

 

Mes alarmes avaient l’habitude d’extirper du lit toute la maisonnée alors vouée au rôle de vigie, et auquel ne rechignaient pas Nicolas et Marie. Je me souviens d’ailleurs que ces deux-là aidaient aux préparatifs des échéances qui cadencent mes années comme une ritournelle. À Noël, chacun s’échinait à muer les oranges en pommes d’ambre par quelques clous de girofle savamment plantés, et qui suffisaient à me charger des effluves de la fête. Je confesse avoir subtilisé à cette famille bien des réunions, et cela pour permettre à d’autres de connaître des moments d’exception. Afin de me faire pardonner cette enfance passée entre deux portes, la fratrie faisait de mes buffets du matin et du goûter le prolongement de leur cellier. Il en allait ainsi, lorsque j’étais à la fois office et foyer.


Extraits : LES ENFANTS À TABLE

Portrait de dirigeante, Cécilia

Ravir babines et bambins par une purée issue du potager, ou une compotée aussitôt descendue du verger ; avec « Les enfants, à table ! », nul doute que c’est au nom de l’aliment bio et sain que Cécilia appelle au ralliement et au festin. Ses petits pots n’ont de raison que les saisons, et ainsi font de succulents ponts entre panais et millet, coings, pommes, navets et potimarron. 

 

Cécilia est certes l’une de ces adeptes de l’arôme du sans-faute et de l’adage voulant que l’on ne soit jamais mieux servi que par soi-même, elle admet qu’il faut savoir accepter une aide pour s’éviter quelques peines. Son rêve entretenu était de devenir acrobate, et le moins que l’on puisse dire, c’est que les revirements de carrière réalisés en haute voltige lui ont permis d’atterrir sans embarras après son grand saut dans l’entrepreneuriat. De ses débuts scientifiques à scruter le vieillissement des cellules, à ses années au service des familles en difficulté, Cécilia aurait pu être décorée d’un doctorat en prise de recul.


Extraits : LA BELLE BOUSE

Portrait de dirigeante, Sophie

Si une ville trouve son caractère et sa raison dans la pierre et le béton, les rebords de fenêtres, les arrière-cours et les salons sont autant d’interstices offrant à la verdure un peu de justice. Afin que ces espaces soient pris d’assaut par les végétaux, Sophie creuse des solutions pour que les citadins – plus optimistes que candides – cultivent leur jardin en un tour de main. Ce que les vaches relâchent en gros, l’entrepreneure le réinvente en grains, colportant de bon gré une ruralité qui cimente son entrain. Sobrement empaquetée dans un sachet qui se passe volontiers de l’imagerie petites fleurs, petits lutins, La Belle Bouse et sa gamme de produits sans odeur, au slogan bien senti, se sont faites expertes en oxymores.

 

La Belle Bouse expose désormais sa conscience locale sur une diversité d’étals : boutiques biologiques, fleuristes experts et marchés de taille hyper. Ayant dépassé l’univers des start-up qui l’a vue se former, Sophie porte ses réflexions auprès d’une chaîne de partenaires, reliant les agriculteurs perchés sur les plateaux de la Savoie aux revendeurs nichés dans des cités où l’urbanisme fait loi.  Elle fut peut-être la première cliente de sa société, Sophie fit vite un malheur en remportant l’adhésion des jurys, des jardiniers apprentis comme des plus aguerris. Au-delà du trophée Jeune Entrepreneur de l’Année, elle conserve surtout les résultats des bienfaits qui traversent potagers, arbustes et autres bananiers. Et parce que les graines qu’elle plante sans concession dans son entreprise lui confèrent pleine santé, Sophie ne saurait chercher l’herbe que l’on dit plus verte ailleurs ; elle préfère cette place qu’elle s’est aménagée, et qui lui permet de prouver par elle-même que l’on récolte tout ce que l’on sème.


Extraits : VALRHONA

Portrait de dirigeant, Patrick 

Il n’a pas changé, le fougueux toujours fourré dehors qui, s’il venait à passer devant la boulangerie familiale, se faisait alpaguer pour une leçon en mathématiques de comptoir. Il n’a pas changé, le casse-cou agacé par les trottoirs, les limites et les sens interdits, et dont le père déviait la routine en l’emmenant à bonne école pour assister aux championnats de motocross. Là, il pouvait admirer des figures en cascades et « manger des frites pas cuites » à la barquette. Il n’a pas changé non plus, le campeur du fond de la classe, davantage appliqué en arts plastiques qu’impliqué dans l’étude des épithètes homériques. 

Encore faut-il qu’il déniche la sortie de ses réflexions en circonvolution, lui qui tisse avec célérité les connexions de son univers à trois-cent-soixante degrés, et donne sens aux rencontres et collisions, aux ressentis et perceptions. Aux fulgurances qui, à Hong Kong, frappent du haut d’un balcon ; à l’ébahissement face aux jeunes de Bagneux qui balancent des roues arrière, à l’ébranlement procuré par le pilotage d’une Ducati ou d’un hélicoptère ; à l’immersion dans une entrevue avec Depardieu, et dont le génie l’obligerait presque à demander pardon ; à la compréhension de l’intérêt du golf et de Picasso, à la découverte de Queen et du Boléro ; à l’observation des grands singes et des grosses bêtes, à cette flore aussi exaltante que des amours secrètes ; aux mots, aux messages, aux ressorts qui parviennent à transpercer l’âme et ses miradors ; aux ramifications d’un détail accidentel, d’un souffle, d’une odeur qui réussissent à décrypter les états du cœur ; à cet instant où l’instinct le pousse à la création avec insistance, où Patrick Roger déverrouille enfin son esprit en arborescence.