À quel moment de ta vie as-tu développé un rapport sensible aux mots et à l’écriture ? 

À rebours de la plupart de mes camarades d’antan pour qui cela tenait avant tout de la corvée, les dictées et les rédactions ont toujours enchanté mes journées d’écolier. Si je ne rechignais à la tâche, c’est que je dois à mes parents de m’avoir mis très tôt le pied à l’étrier littéraire, m’incitant à lire dès que l’occasion se présentait. C’est plus tard, en pleine adolescence, à l’âge où s’amuser tout seul ne suffisait plus, que j’ai commencé à scribouiller par ci par là quelques poèmes de mon cru et autres divagations sans grande prétention. Sans toutefois verser dans la graphomanie, c’est lors de mes années estudiantines que je me livrais avec ardeur aux plaisirs de la lecture et de l’écriture. Comme je suis issu d’une époque pas si lointaine où le digital n’avait pas encore déployé l’étendue de ses tentacules, dans ma modeste chambre d’étudiant, je ne pouvais m’offrir d’autres distractions que la compulsion d’ouvrages en tous genres. Dépourvu d’internet et doté d’une télévision qui ne captait que trois chaînes, je passais le plus clair de mon temps à dévorer tout et n’importe quoi : la presse, des encyclopédies, des romans, des recueils de poèmes, des ouvrages historiques… Bref, un peu de tout, hormis ce qui relevait directement de mes études de droit, à l’égard desquelles je ne fus jamais soupçonné de manifester un enthousiasme excessif. Et ainsi, tel un goliard des temps modernes, je multipliais les soirées littéraires avec l’un ou l’autre de mes condisciples, où l’on confrontait nos propres écrits et nous lancions divers défis stylistiques dans une atmosphère volontiers enfiévrée. À ce titre, je me plaisais, m’imaginant, à tort ou à raison, perpétuer une tradition d’écriture bien française, que j’escomptais par la suite faire transpirer dans le domaine de la presse écrite auquel je me destinais, puis que j’intégrai chemin faisant. Mais le temps passant, l’éternel retour du concret me fit chanceler de mon piédestal, tant la réalité se chargea de dissiper les dernières poussières de mes volontés d’idéal.

Qu’est-ce qui t’a donné envie d’en faire ton métier et de rejoindre la Maison Trafalgar ?

Tout bonnement la fortuite découverte de l’existence de la Maison Trafalgar par voie de presse. Une fois passé le prime décontenancement, séduit tant que bluffé par la fulgurante originalité du concept, je postulai dans la foulée sans trop y croire, d’autant plus que je le fis en dehors des circuits usuellement convenus. Une Maison de Portraits qui porte au pinacle la beauté du verbe, cela correspondait en tous points à mes aspirations ! Et puis, en tant que féru d’histoire, la référence napoléonienne ne pouvait que m’interpeller. Ainsi, quelques décades plus tard, après différents échanges avec Marion et Bérengère dont j’ai pu apprécier d’emblée la personnalité, mais aussi l’ardente passion qui les animait, me voilà quittant mon emploi au pied levé, intégrant dans la foulée et la fleur au fusil, la Maison Trafalgar.

En quoi le métier de portraitiste est-il un métier qui te correspond ?

Car il porte en lui cette recherche effrénée de l’amour des mots et de l’harmonie des phrases, d’emblée, le métier de portraitiste se drapait à mon endroit de tous les attributs de la séduction. Ceci étant, bien malin qui pourrait définir les canons de cette activité volontiers protéiforme, qui tient avant tout de la passion. Et enfin, de manière plus prosaïque, à l’instar de Claude Dubois, j’ai toujours voulu être un artiste. Désormais, je peux faire mon numéro : )

Qu’appréhendais-tu le plus au moment d’intégrer la Maison Trafalgar ?

Œuvrant jadis dans une sphère, quoique reliée au monde de l’écriture, où les velléités stylistiques n’étaient que peu considérées, j’appréhendais un peu de pouvoir réaccorder ma plume aux canons de la Maison Trafalgar. En son sein, dûment cornaqué, me dépouillant de quelques tics d’écriture, inconscientes réminiscences du passé, je sus bien vite ajuster mon ton. Enfin, je mentirais par omission si je n’en venais à évoquer le stress qui pouvait me parcourir lors de mes tout premiers entretiens d’extraction. Désormais, ce sont des moments que j’affectionne tout particulièrement.

À quel moment te dis-tu qu’un Portrait est réussi ?

C’est un exercice particulièrement retors qui ne souffre d’aucun à-peu-près, subtil mélange d’esthétisme, de rythmique, d’élégance et d’originalité. Bien que ma démarche personnelle repose sur des bases relativement intuitives, je garde toujours dans un coin de la tête ces mots de Saint-Exupéry : « La perfection est atteinte non quand il n’y a plus rien à ajouter, mais quand il n’y a plus rien à retrancher. » C’est invariablement à coups de rabots qu’un Portrait prend vie, quand il se retrouve dépouillé de toutes ses scories, ses truismes, ses lieux communs et autres artifices, quand il dévoile à travers ses lignes épurées la vérité d’une personnalité, d’une nature.

Alors que plusieurs acteurs de la rédaction ont le statut de freelance, quel regard portes-tu sur l’internalisation des talents au sein de la Maison Trafalgar ?

C’est une thématique que j’appréhende avec d’autant plus d’intérêt que j’œuvrais dans une première vie sous l’empire de ce statut. Outre certains avantages en termes de souplesse et d’organisation, la condition de freelance et la précarité matérielle qu’elle induit parfois se veut antinomique à tout esprit d’appartenance tant elle s’apparente – je grossis un peu le trait –, à une forme de mercenariat. Désormais délesté de cette appellation, j’ai enfin ce sentiment de pouvoir œuvrer dans une Maison animée d’un réel esprit de corps et de camaraderie. Recourir à des rédacteurs externes, indépendamment de leur talent, c’est aussi se risquer à de fatales disparités. Les Portraits réalisés par la Maison Trafalgar sont des œuvres collectives dont la réussite présuppose une vision commune.

Que dirais-tu de l’équipe de portraitistes ? 

En plus de leur talent et la finesse de leur plume, j’apprécie le fait qu’ils soient chacun, à leur manière, porteur d’un univers original qu’il se sont façonné avec le temps, et que je me plais à explorer à chaque lecture. Outre la littérature, c’est tout un maelström où tourbillonnent références cinématographiques, vidéoludiques, musicales… Au-delà de nos sensibilités personnelles, nous partageons cette même passion pour les belles lettres, nos journées se ponctuent bien souvent d’échanges très fructueux lors desquels nous pouvons aussi bien aborder le bien-fondé d’une virgule que phosphorer sur un point particulièrement tortueux de grammaire, ou encore deviser sur la pertinence de l’usage de telle ou telle expression joliment désuète.

Comment décrirais-tu la signature de la Maison Trafalgar ? 

Il serait impossible à mon sens d’en produire une synthèse parfaite, tant la signature de la Maison Trafalgar rayonne sur tous les spectres et s’adapte à toutes les silhouettes. Ceci étant, je la décrirais comme étant une griffe empreinte d’élégance et de finesse, un véritable panachage de vrai et de beau, où s’entremêlent, tour à tour, le lyrisme et les à-propos.

Selon toi, que faut-il pour candidater en tant que portraitiste au sein de la Maison Trafalgar ? 

Bien que le métier de portraitiste ne corresponde à aucun profil type, l’on peut dégager quelques prérequis, au premier rang desquels, cela va de soi, un amour inconditionnel pour les mots. Il faut aimer jouer avec eux, les malaxer, les triturer, les manipuler. Je dirai aussi qu’il faut appréhender cette entreprise avec la conscience, et surtout l’humilité, de son savoir-faire. Enfin, la réussite d’un Portrait ne pouvant se décorréler de celle de l’entretien d’extraction, il faut savoir être à l’écoute, mettre les clients à l’aise, faire preuve d’une sincère empathie, et reléguer tout semblant de préjugé au magasin des accessoires. En dehors de cela, une boîte mail suffit généralement pour candidater !

Une anecdote liée à un Portrait ?

Je me souviens d’une commande passée par un viticulteur alsacien qui souhaitait présenter élégamment son vignoble ainsi que la richesse séculaire de son savoir-faire. Étant moi-même originaire du coin, j’étais ravi ! Enchanté à son tour, mais par la qualité des différentes lignes qui m’avaient été confiées, notre client ne manqua pas de me faire parvenir quelques bouteilles de son cru. Des nectars qui ont su agrémenter certains repas familiaux tout en me rappelant, si besoin était, cette douceur de vivre si typique au pays de Hansi. ‘S gilt !