Amsterdam, Jacques Brel


L’accordéon grince quelques notes, le faisceau jette sa lumière sur une silhouette dégingandée, alors « le geste grave, alors le regard fier », Jacques Brel entame le récital de son Amsterdam dans une articulation impeccable. Les consonnes roulées grondent, la voix donne corps aux notes invisibles qu’il caresse et embrasse de ses grands bras maladroits. Le géant de la scène habite sa chanson, racontant le drame de l’infidélité, il ensorcelle l’audience. Son talent violent et sans scrupule émeut par sa franchise. La poésie des mots qu’il choisit peut paraître indécente mais le lyrisme de sa lamentation qui se mue en protestation, comme l’énergie passionnelle et crue de son histoire, s’accordent pour donner à cette vulgaire scène portuaire une résonance épique. « Et ils tournent et ils dansent / Comme des soleils crachés / Dans le son déchiré / D’un accordéon rance » : ce cri du cœur d’un homme qui transpire et se tord dans une gestuelle élastique, est bien l’expiration d’un génie brut. Un titre puissant et bouleversant, graisseux et poisseux dont la frénésie et le crescendo écœurent en même temps qu’ils fascinent.