Journal du dehors, Annie Ernaux


Parce qu’elle assume d’écrire par nécessité, Annie Ernaux a souvent été accusée de ne pas faire grandir la littérature. Avec Journal du dehors, elle va jusqu’à publier une suite d’anecdotes, recueillies dans leur brutalité, à la manière de carnets de notes qu’elle laisse s’emplir sept années durant. Sauvegarder quelques scènes de vie, faire entendre la voix des anonymes à la station de RER ou dans les rayons d’un hypermarché, « les gestes et les paroles de gens pour eux-mêmes, sans qu’ils servent à quoi que ce soit », à aucun ensemble, aucun genre littéraire – pourquoi ? Parce qu’il est bon de rappeler l’instantanéité de l’écriture, de montrer qu’il est un monde moins imaginaire qui défile chaque jour sous nos yeux, des visages que l’on ne revoit jamais, « des individus qui ne soupçonnent pas qu’ils détiennent une part de mon histoire. » Le faire simplement pour « retenir quelque chose des gens qu’on croise juste une fois, dont l’existence nous traverse en déclenchant du trouble, de la colère ou de la douleur », et conclure : « Sans doute suis-je moi-même dans la foule des rues et des magasins, porteuse de la vie des autres. »