L’Enchanteur, René Barjavel


René Barjavel s’attaque ici à une réécriture de la légende arthurienne que d’innombrables récits ont déjà épuisée. C’est une entreprise ardue qui pourrait manquer d’originalité, si la magie et le style de l’auteur n’en faisaient un condensé de grâce et de poésie : « Il était jeune et beau, il avait l’œil vif, malicieux, un sourire un peu moqueur, des mains fines, la grâce d’un danseur, la nonchalance d’un chat, la vivacité d’une hirondelle ». Dans ces pages, le personnage de Merlin l’Enchanteur est réinterprété, non sous les traits académiques d’un vieux sorcier comme le réclame la tradition, mais bien dans la peau d’un homme vif, sensible et mystérieux que ses pouvoirs rendent inaccessible : « Le temps passait sur lui sans le toucher. Il avait la jeunesse éternelle des forêts. » La grande histoire royale et la quête du Graal sont finalement mises en sourdine pour ciseler minutieusement les amours de Merlin et de Viviane, de Lancelot et de Guenièvre. Une chanson de geste que l’on aimerait écouter au coin d’un âtre, un conte de sentiments naïfs et enfantins, une légende impérissable méritant d’être transmise de bouche à oreille, afin que dans mille ans, l’Enchanteur, en chantant dans sa forêt de Brocéliande, continue d’enchanter.