Portrait de dirigeante, Alexane
Si elle s’évertue désormais à ce que les réservations soient honorées sans réserve, c’est qu’il lui est impensable que des salles désertées puissent mettre à mal un spectacle savamment orchestré. Car Alexane est ébahie par ces serveurs qui pressent le pas sans maladresse, et par le courage des commis face au cortège de commandes à leur adresse. Par les fouets qui tambourinent les casseroles fumantes, les viandes en proie aux flammes, les légumes sous le joug des lames, et par ce four qui sonne à point, juste avant que les plats ne changent de main.
Elle aurait pu se contenter de conférer aux cuisiniers une image raccord à leurs assiettes d’esthètes, d’apposer sa patte créative jusque dans les repaires des cuistots réputés de la capitale. Elle aurait pu se borner à donner une pointe de modernité à la tradition des Bernachon, à concevoir pour Jérémy Galvan une vitrine sur la toile à la hauteur de son étoile, ou à parfaire l’identité visuelle d’artisans du miel et autres producteurs de nectars d’exception. Alexane n’aurait toutefois pu réfréner cet entrain qui plus d’une fois l’accabla, et qu’elle câbla pour répondre aux besoins d’une clientèle à laquelle elle s’attache et à laquelle elle tient.
Ensemble, ils se propulsèrent donc sans préavis dans l’univers en pleine expansion des start-ups, et côtoyèrent aussi bien les boîtes explosant en plein vol que les sociétés à la réussite folle. Parmi les monceaux de ragots et de rumeurs sur la réalité d’entrepreneur, fallait-il encore qu’Alexane trie le bon grain de l’ivraie et comprenne qu’une telle odyssée ne pouvait se cantonner au gain et à l’ivresse.