Écrits couture

Parce que chaque souche possède un caractère capable d’en rajouter une couche, il fallut, c’est vrai, bûcher les complémentarités et soigner les boutures pour aboutir à ces intelligences de travail qui préfèrent la proposition à l’opposition, la pérennisation à la précipitation. Avec la complexité des deux bâtisseurs se déploya cette luxuriante canopée de pratiques, de techniques et de spécificités, qui étendirent leur périmètre jusqu’à se rencontrer.

Aujourd’hui encore, l’architecte conserve la charmante réputation de rester sourd aux appels de la gravité, tant sa couronne de bois s’ébouriffe de desseins en pagaille. Paradoxe végétal, cet artiste dans l’âme se soucierait presque plus de la Lune que de son astre nourricier : ce qui est monotone l’ennuie, ce qui est laid le navre, et il aurait pu pousser tout arqué pour le plaisir d’être davantage remarqué. Ses ramures emberlificotées entre ses règles, ses compas, ses rotrings et ses inspirations, il étire sa vision dans toutes les directions. Il trace ici des arabesques gargantuesques, boude là les coutumes pour exhumer des volumes, imagine là-bas une baie vitrée au mépris des théorèmes démontrés.

L’ingénieur, à l’inverse, n’aurait pas jailli plus rectiligne avec un tuteur tiré au cordeau. Son fût très droit se cache sous une écorce de pragmatisme, qu’on pourrait croire imperméable à l’agréable : on lui prête un esprit si tranchant qu’il rabote n’importe quel problème au bourgeon. Maniant à son aise les factorielles et le factuel, ses branchages sont symétriques, et à toute hauteur identiques, afin de simplifier ses calculs et ses statistiques. Lui confierait-on totale liberté sur l’entière forêt, son côté carré lui ferait dictature d’y semer des cubes sans fioritures.