Portrait de dirigeant, Jean-Marc

Il suffit de remonter à l’enfance de Jean-Marc Montegottero pour comprendre que mécanique et débrouille en ont fait le terreau. Le gamin, qui se figurait en agriculteur à la tête de son exploitation, a compté sur la ruralité et l’espièglerie pour lui fournir la meilleure des préparations. Jean-Marc n’avait pas idée de se faire huilier qu’il bidouillait déjà les roulements à bille de ses karts, construisait des cabanes dans la forêt, et rassasiait les réservoirs des voitures aux abois. C’est pourtant sans grande pompe que ce pompiste adolescent fut présenté à ce qui deviendra sa vocation toute sa vie durant : un moulin en ruines découvert dans l’arrière-boutique de la quincaillerie tout juste rachetée par ses parents. S’ils ne lui ont pas légué l’affaire, le futur dirigeant de l’Huilerie Beaujolaise hérita de ses ascendants une indéfectible volonté de faire.

 

En cultivant sa forme d’excellence, l’artisan d’aujourd’hui veille à ce que qualité et quantité soient les deux versants de chaque goutte versée. Aussi, lorsque la saveur dévie du résultat attendu, c’est une cuve jetée, plutôt qu’une excuse chuchotée, pour celui qui ne sait pas se contenter – et met un point d’honneur à manger ce qu’il a semé.

 

Écrits couture

Sans me dérober, j’avoue avoir été délabré. J’étais l’un de ces trente moulins de la région, dont on remarque à peine la disparition. Je n’avais donc d’autre choix que d’être détruit ou réveillé. Et une fois que je le fus, pas question de rouler des mécaniques, de concevoir un bolide ou de s’improviser gros calibre ; tout au plus Jean-Marc a-t-il fait de moi un instrument pour s’émanciper, pour être libre. Je me rappelle les pelletées de fruits jaugées sans autre balance qu’une estimation faite à la main, les ajustements plus ou moins savants pour améliorer les protocoles en vigueur depuis deux-cents ans, les astuces bricolées pour éviter que mes fournées connaissent un sort infortuné. En plus des cagettes, j’ai engrangé mon quota d’anecdotes – de ces tranches de vie qui ravigotent, et sont contre l’abattement le meilleur antidote. 

 

L’extraction d’huile vierge de cacahuète, j’en ai fait ma gourmandise. Un nez affûté captera toujours les notes grillées des arachides, ainsi que les effluves puissants qui se dégagent des poêles à vide, et font aussitôt penser au pain fraîchement toasté, ou à la douceur pralinée. Je ne me sens pas usé par les années, mais désormais de taille à assumer cette vocation de musée qui se devinait peut-être à mon penchant conservateur. J’ai fait ma part, et vu s’élargir la famille Huilerie Beaujolaise : il est temps que le petit nouveau reprenne les noix et travaille pour moi. Au fond, je lui cède ma place sans me voiler la face ; je le sais étudié sur la forme, et impeccable sur les normes.