Portrait iconique de marque
Situé entre Saône et Rhône, dans les contrebas des traboules de la colline qui travaille et le sillage d’un Raoul Dufy en pleine ascension, Le Presse Papier entretient l’héritage des Canuts et des métiers Jacquard. Ici, les étagères regorgent d’ouvrages en tous genres, les murs sont chamarrés de tableaux, les projets s’amoncellent sur le bureau. Dans ces cent-cinquante mètres carrés dédiés aux muses, du premier coup de mine sur le papier à la vente finale en direct, tout se matérialise dans ce même périmètre. Sous la clarté des néons qui restituent celle du jour dans tout son spectre – le référentiel idéal –, ce sont souvent des mois qui défilent et se consacrent au millimétrage d’une chorégraphie dont la cinétique tutoie le poétique.
Si pour la marque référente, la précision dans l’exécution s’impose comme l’étalon-mètre, quand il s’agit d’inspiration, il n’est pas de divagations que l’on ne peut se permettre. Dans cet atelier où la chromatique tient autant pour gamme que pour dogme, c’est un illustre ballet qui s’anime au quotidien : Le Corbusier côtoie Klimt et Bergman, Manet déjeune avec Matisse, William Morris, Monet et Gauguin, Tati taquine Godard ou encore Gaudi. Sans détour, il est possible de puiser çà et là, du tac au tac, dans les allées d’Orsay, dans une photographie, une carte postale, un film de Truffaut, dans l’exotisme d’un séjour ou dans les contrepoints de Bach. En ces lieux où flottent en permanence le swing de Miles Davis ou les Nocturnes de Chopin, sans cesse est recherché cet équilibre qui détonne. S’il est dit que la musique n’est autre que le silence entre les notes, Le Presse Papier est passé maître pour agencer les espaces blancs entre les motifs.
Les clients peuvent croiser Mata Hari et son style à l’indienne, aux courbes qui ondulent, à moins qu’ils ne survolent l’éphémère Hanami du Japon et les escarpements de sa péninsule. Au-delà des latitudes, ils remontent aussi la pendule : certaines compilations sont en phase avec l’Amérique de la Beat generation, ainsi qu’en témoigne Mo-Jazz, une ode aux années cinquante, où les vibrations d’une géométrie acidulée ne sont pas sans rappeler les productions de Vasarely. D’autres les projettent encore plus loin, dans l’abîme des temps immémoriaux, quand pour tracer les Singes bleus de la collection tradition, l’Homme maniait déjà avec grâce le pinceau. Bien souvent, dans ces compositions, tout un fil narratif se déploie. Le modèle Anima, qui revisite l’iconique toile de Jouy, en a d’ailleurs fait son sanctuaire ; au milieu de cette jungle vivante, l’ours se prélasse, le lion veille, et prête à bondir, on distinguerait même le feulement de la panthère. Mais qu’il s’agisse de rééditions ou de créations originales, parmi lesquelles Theda Bara, Éden, Jaipur, Paule Marrot, Savannah, Calypso, Weimar et tant d’autres déclinaisons, si ces appellations semblent surgir de plusieurs territoires en fragments épars, lorsqu’elles embellissent un mur après s’être lovées dans le livre d’échantillons, elles raconteront toujours la même histoire, mais chacune à sa façon.