Histoire :
Les Ateliers Adrien Jaminet ont su redonner au cuivre à la française tout son panache ; il faut dire que le décor était planté dès l’enfance du fondateur. Bercé aux envolées de Maurice André, il fut cornaqué par son père corniste puis par son parrain, son premier professeur de trompette. Entre deux écoutes du Deuxième concerto brandebourgeois de Bach, Adrien ne quittait l’école que pour rejoindre un entourage de musiciens qui tapait le bœuf à ses heures. Les séances à l’harmonie municipale de Brétigny-sur-Orge finirent par sonner l’évidence : intégrer le conservatoire à l’adolescence.
L’idée de créer de toutes pièces une trompette lui trottant en tête depuis belle lurette, Adrien se lance dans une quête pour le moins baroque : restaurer ce son perdu, si caractéristique des œuvres de la Belle Époque. Pour ce faire, il s’abreuve à toutes les sources, s’enquiert de l’encyclopédisme de David Guerrier, fouille dans les archives, glane quelques astuces chez des facteurs allemands. Surtout, il s’en va prendre des notes auprès de la légende Roger Delmotte, qui lui relate l’histoire d’un certain Alfred Aubertin, facteur réputé d’après-guerre. Aubertin : un nom qui ne le quittera plus et qu’il retrouvera en détail dans les colonnes du vieux magazine spécialisé Brass Bulletin. Grâce à un ami collectionneur, voilà qu’il tient dans sa paume une trompette Aubertin. Avec sa permission, Adrien la désosse dans tous ses interstices, griffonne des plans, prend des mesures, tâtonne, analyse, interprète, assemble, décompose, esquisse. Ce point de départ amènera de nombreuses collaborations, au nombre desquelles figureront Ibrahim Maalouf et la marque Antoine Courtois, et même la Garde républicaine pour une trompette de cavalerie. Tout en sonnant la charge pour la suite, Adrien a connu entre-temps cette consécration : celle d’être adoubé par ces idoles qu’il ne pensait pas rencontrer hier, celles-là mêmes qui le faisaient rêver marmot, la trompette à la main pour quelques tralalas, les yeux rivés sur ses posters.
Savoir-faire :
À Brétigny-sur-Orge ou à Lyon, quiconque pénètre dans ces échoppes verra d’emblée ces plafonds pavés de pavillons, ces murs rutilant d’instruments neufs ou d’occasion. Qu’il le vende, le répare ou le fabrique, l’Atelier Jaminet porte le cuivre au sommet, et sa fabrication contribue au spectacle. Dans ces cavernes d’Ali Baba ouvertes aux quatre vents, devant les yeux écarquillés du client, Adrien et ses équipes appliquent chaque jour une mécanique parfaitement calibrée. Si l’atelier brétignolais polarise désormais toutes les pièces qui composeront cet alliage de finesse et de métal, c’est que le savoir-faire qui s’y déploie n’a rien de banal. Pour ciseler de l’embouchure aux entrailles, pour peaufiner jusqu’au moindre détail des tubulures, les masses et marteaux percutent en rythme, les limes crissent, les chalumeaux sifflent, les ustensiles cocasses s’agitent – mandrin, brunissoir ou autre invention composite.
Du néophyte au super soliste, tous se retrouvent d’ailleurs sur les qualités d’un son clair, brillant, espiègle, héroïque, ou plus simplement canaille. Tout en pep’s grâce à ses petites perces, à la forme cylindrique de son tube, son pavillon étroit et sa coulisse d’accords conique, Alfred se décline en ut ainsi qu’en si bémol. Musique du monde ou de kiosque, ses élans se prêtent autant aux concertos en mode redingote qu’aux jam-sessions entre potes, et rappellent même les merveilles de la Belle Époque. De Bizet à Desenclos en passant par Stravinsky ou Ravel, son souffle restitue à leurs opus leur lustre originel. En ayant reforgé les canons de son artisanat, l’Atelier Jaminet a ravivé une esthétique française qui détonne – un patrimoine qui résonne.
Collaboration avec Ibrahim Maalouf :
Si l’artiste Ibrahim Maalouf collectionne les récompenses musicales les plus prestigieuses, ce touche-à-tout sans cesse à la recherche de nouvelles sonorités pouvait parfois se languir d’un instrument proche de l’idéal, capable de produire ce quart de ton typique du registre oriental. Dès qu’il fit la connaissance d’Adrien Jaminet, ils eurent l’envie de se retrouver autour d’une même table : chacun excelle dans l’art de la trompette, à la nuance que l’un les fabrique et que l’autre joue avec. (…) Avant les premiers concerts où Adrien se rendait en qualité de mélomane, tous deux avaient connu une jeunesse en terre essonnienne biberonnée par le son des cuivres. Tous deux vibraient déjà d’un même amour pour leur instrument, et surtout, chacun arpentait les rues de Brétigny-sur-Orge à sa façon : Ibrahim pour visiter sa famille, et Adrien pour concrétiser dans son atelier ses idées qui fourmillent. Entre deux réparations, les esthètes mûrissent la perspective d’une association future, qui trouvera ses prémices en 2018 avec le développement d’une embouchure : le modèle Maalouf.
À la faveur d’un crochet, Ibrahim découvre le premier modèle d’Alfred qui le séduit d’emblée. De ce moment d’eurêka à l’idée de concevoir une trompette signature, il n’y avait plus qu’un pas ! Mais il fallut aussi de la résilience pour mettre au point la trompette ToMa, il fallut de l’ingéniosité pour ajuster ce quatrième piston, et de la diligence pour répondre au défi d’achever le prototype avant le prochain show d’Ibrahim à Bercy. Invité dans l’intervalle à un autre de ses concerts, Adrien eut la belle surprise d’y voir son compère improviser avec une ToMa au bout des doigts. Le son était là, il claquait dans toute sa rondeur. Il ne suffira plus que de quelques ajustements pour définitivement doter la Trumpet of Michel Ange de toute sa palette de couleurs ; ce timbre généreux, riche, polyvalent et chaud, qui a depuis conquis de nombreux aficionados.