Portrait de dirigeant, Nicolas 

Tandis que les idées tourbillonnent entre deux bouffées de cigarette, que l’air enfumé se trouble davantage par l’apparition de félines silhouettes, un verre de sancerre censé irriguer l’imaginaire exhale, et une feuille se tient prête à recevoir le tracé franc de Monsieur le Français. Se passant de critères comme de décorum, son critérium échafaude là un porte-jarretelle happant les désirs en bataille, croque ici une lanière de dentelle prenant ses attaches de la nuque à la taille.

 

Monsieur le Français imprime sur la lingerie une nostalgie d’une époque qui lui restera à jamais inconnue. Les années vingt et leur folie sulfureuse, cette signature surannée et ses effeuilleuses, le charme canaille et le paname des lupanars, leurs artistes mondains de Cocteau à Bernhardt, et autant de femmes portées en icônes chamarrées par les affiches d’Alfons Mucha. La géométrie et la précision de l’Art déco deviennent, elles, la trame d’une structure old school, d’une conception faisant fi de l’à-peu-près et de la surenchère, tant Maison Close s’acoquine avec des sous-vêtements ayant pour soubassement une découpe saillante, nette et claire. Mais c’est encore dans une ère plus récente que Monsieur le Français est allé piocher son égérie ravageuse. Avec sa voix grave, ses tailleurs Mugler et Saint-Laurent, son instinct pour le beau et l’élégant, sa tante marqua en lui quelques canons détonants ; un bagout qu’il immortalise aujourd’hui dans un noir et blanc aussi élégiaque qu’envoûtant.

 

Et malgré son enchantement pour les échancrures du genre accru, la pudeur finit toujours par emporter celui qui ne saurait se mettre à nu avec la même aisance que se défont ses empiècements. Une volonté d’exil et de discrétion qui écorne l’étiquette du tenancier irrévérencieux, de l’outrancier licencieux qu’un jugement hâtif lui collerait volontiers. Car il n’y a guère que les muses et les copains, les instants avec ses deux galopins, qui pourraient déverrouiller cette intimité au sein de laquelle Monsieur le Français s’éploie sous les lignes de Nicolas. Pour l’heure
– et seulement pour celle-ci –, les dessous prennent le dessus, à l’image de cette culture de la confidentialité qui scella les portes de Maison Close, et enjoignait Nicolas à s’effacer sous le profil de Monsieur le Français.

 

Écrits couture

Par quelques traits feutrés, Maison Close décèle les pensées les plus confidentielles, cultive sa particularité de troubler les sens avec l’art et la matière. L’art de créer de nouvelles lignes en partant d’une simple page blanche, l’art d’ériger en marque désirable ce que le vêtement rend de plus captivant. La matière, qui tour à tour tamise, accentue, dissimule ou dévoile, la matière qui épouse un état d’esprit avant même que le corps n’en soit épris.

 

Voilà que les opacités, les mats et les brillances, les nuances irisées et les jeux de transparence suscitent un réflexe cérébral et instinctif permettant à la retenue de se faire la belle : après le regard, le toucher s’en mêle. Cette décharge sensorielle brouille les repères et galvanise les élans du cœur ; un éveil à la liesse comme à la langueur. Car sous une beauté sans cesse réinvestie, sous les courbes inlassablement redéfinies par des contrastes surlignant les contours, Maison Close ébruitera toujours sa façon iconoclaste de célébrer l’amour.