Portrait de dirigeant, Christian
Sur les étals de son enclave s’affine un savoir-faire immémorial. Ici, les longues planches d’épicéa se courbent tantôt sous le poids des meules à l’irréprochable rondeur, tantôt sous des masses lunaires à la surface accidentée et constellée de cratères. Dans le dédale de ses caves se sonde une histoire familiale. Ici, il est un trésor bien enfoui, veillé par des hommes dont l’honnêteté cardinale n’a pu les retenir de trouver leur paradis sous terre.
Outre les livres de comptes, tenus de la plume de son grand-père, et l’imposante armoire acquise avec peine par Maurice le paternel, l’univers de Christian s’étend sans ambages dans une pièce qui raconte l’amour d’un métier reçu en héritage. Antique mireuse à œuf et bouteille de lait en opaline, machines datées et bibelots d’antan par flopées ; sûr que les curieux sont voués à s’égarer dans les tréfonds de leur vilain défaut, en s’aventurant dans cet amas de bois, de verre et de métal.
Lui, le nanti qui confond détente et ennui, lui, le nanti qui achève ses journées à l’amorce de la suivante, ne peut concevoir de mettre son plaisir sous clef. Alors, pour soutenir sa créance, Christian se promet de rester à proche distance de l’excellence, et soigne ses manières d’insatisfait permanent, de sorte que l’ancien apprenti n’ait jamais à rendre son tablier d’éternel apprenant.