Portrait de dirigeant, Patrick 

Il n’a pas changé, le fougueux toujours fourré dehors qui, s’il venait à passer devant la boulangerie familiale, se faisait alpaguer pour une leçon en mathématiques de comptoir. Il n’a pas changé, le casse-cou agacé par les trottoirs, les limites et les sens interdits, et dont le père déviait la routine en l’emmenant à bonne école pour assister aux championnats de motocross. Là, il pouvait admirer des figures en cascades et « manger des frites pas cuites » à la barquette. Il n’a pas changé non plus, le campeur du fond de la classe, davantage appliqué en arts plastiques qu’impliqué dans l’étude des épithètes homériques. 

Encore faut-il qu’il déniche la sortie de ses réflexions en circonvolution, lui qui tisse avec célérité les connexions de son univers à trois-cent-soixante degrés, et donne sens aux rencontres et collisions, aux ressentis et perceptions. Aux fulgurances qui, à Hong Kong, frappent du haut d’un balcon ; à l’ébahissement face aux jeunes de Bagneux qui balancent des roues arrière, à l’ébranlement procuré par le pilotage d’une Ducati ou d’un hélicoptère ; à l’immersion dans une entrevue avec Depardieu, et dont le génie l’obligerait presque à demander pardon ; à la compréhension de l’intérêt du golf et de Picasso, à la découverte de Queen et du Boléro ; à l’observation des grands singes et des grosses bêtes, à cette flore aussi exaltante que des amours secrètes ; aux mots, aux messages, aux ressorts qui parviennent à transpercer l’âme et ses miradors ; aux ramifications d’un détail accidentel, d’un souffle, d’une odeur qui réussissent à décrypter les états du cœur ; à cet instant où l’instinct le pousse à la création avec insistance, où Patrick Roger déverrouille enfin son esprit en arborescence.