MOT À MOT avec Maxime Duranté, Portraitiste, Maison Trafalgar.
Le mot excessivement employé par votre secteur, dont vous vous êtes lassé ?
Impactant. Rarement croisé sans son compère « court », ils sont à l’écriture ce que le steak-frites est à la restauration : tout le monde peut vous le servir, ça fonctionne tant c’est difficile à rater, mais quel manque de classe !
Le mot qui vous démarque, que vous êtes fier d’avoir trouvé ?
Obsidional. Les sonorités rappellent à l’obsidienne, une roche volcanique très prisée des amateurs de médiéval fantastique. Bonne chance pour le caser quand vous achetez votre baguette de pain cependant.
Le mot réflexe, dont vous aimeriez personnellement vous débarrasser ?
Ruine. Je me suis aperçu qu’il revenait beaucoup trop souvent dans mes écrits personnels car je suis attaché à la thématique du déclin.
Le mot qui fâche dès que vous l’entendez ?
Novlangue. Parce qu’il est employé par des personnes qui n’ont jamais lu Orwell – leurs contresens sont trop énormes pour qu’il en aille autrement.
Le plus joli mot de votre métier ?
Signature. Il comporte la notion du geste gracieux et travaillé – qui n’a pas révisé sa signature en noircissant des feuilles et des feuilles ? –, ainsi que la marque indélébile, unique, qui le relie à son possesseur.
Le mot qui fait rire, auquel vous êtes joyeusement attaché ?
Olibrius. Je visualise Tryphon Tournesol ; c’est pour moi le mètre étalon de l’olibrius. Et puis le mot sonne un peu comme une latinisation douce de colibri. C’est joli.
Le mot peu utilisé, qui mérite d’être réhabilité ?
Chaland. Je trouve qu’il a sa petite aura surannée qui nous renvoie aux grands romans naturalistes, à la relation qui se nouait entre le commerçant et la personne qui se présente à son étal.
Le mot qui fait rougir, qui ne manque pas de vous toucher ?
Élégant. On peut faire beau, mais c’est un charme d’un autre niveau que d’atteindre l’élégance.
Le mot dont l’orthographe ou le sens vous fait toujours douter ?
Azimut(h). Je suis toujours tenté de lui accoler un « h ». Sans doute un vestige des cours de physique-chimie, où l’on manipulait ce fascinant élément qu’est le bismuth ?
L’anglicisme qu’on préfère en français ?
Touchy. Même s’il s’infiltre dans nos conversations dès que nous baissons notre garde, nous avons ce sens second du mot « délicat » qui convient parfaitement.
Le mot qui a de l’allure, qui porte une queue-de-pie, qu’on amène en soirée ?
Dispendieux. C’est le cousin de « onéreux » que préfèrent d’ailleurs nos propres cousins d’outre
-Atlantique, et que j’ai appris en lisant le livre d’un auteur québécois devenu ami depuis.
Le mot qui met tout le monde d’accord ?
Panache. Certains ont une vision négative de l’audace, d’autres cantonnent la fougue aux trois premières décennies ; le panache transcende ce genre d’obstacles.
Le mot de la fin ?
Inexorable. La fin en elle-même ne l’est-elle pas ? Je vous avais prévenus que j’étais versé dans la thématique du déclin !