Même si à quatorze ans révolus, l’autorité parentale lui somma de franchir le pas pour en faire son métier, l’adolescent était déjà bien charpenté par des dimanches à couper le bois. Timide tout d’abord, il prouva qu’il savait transpirer, et se trouva bien vite à son aise dans cette ambiance de fournaise. Encore lui fallut-il honorer auprès du fondateur éponyme un rite de passage pour démontrer son intelligence de la main : découper une plaque, puis y graver son nom au marteau et au burin. Tout en entreprenant un pré-apprentissage à Angers, Philippe apprivoise peu à peu le façonnage à chaud, s’applique à faire chanter l’enclume et à étirer le matériau sur tout son volume.

 

C’est peu dire qu’en trente-cinq ans à marteler au sein de l’atelier sous toutes ses moulures, Philippe y alla de son poinçon sur de nombreux édifices plus ou moins notoires, de l’église du coin à la Statue de la Liberté, en passant par Chambord et presque tous les châteaux de la Loire. Qu’il s’agisse de créer une rambarde en partant de rien, une serrure à vertevelle, une porte de jardin, ou cette grille mystère qui lui fit obtenir la qualification Monuments historiques, qu’il s’agisse de restaurer un portail, des têtes de serpents ou les rampes d’un théâtre, ces confections ont toutes pour point commun d’avoir été confiées aux tenailles du même passeur. (…) Lui qui demeure plus que tout attaché à sa région et aux paysages de l’Anjou, partout où il baguenaude, Philippe ne peut s’empêcher d’admirer les structures en fer forgé. Et quand ce pur enfant du terroir déambule en famille, quand il aperçoit au loin l’épi de faîtage du château de Saumur, il ne manque jamais de dire à sa petite-fille, en pointant la toiture du doigt : « Regarde, c’est papy qui a fait cela.”