Écrits couture
Crânes populaires et têtes couronnées, soins capillaires et dents arrachées ; l’histoire du métier de barbier est longue et tortueuse. De révolutions techniques en renaissances salutaires, cette profession millénaire est parvenue à surmonter les affres de l’âge en prenant les idées reçues à rebrousse-poil. Bienvenue dans un univers aux origines insoupçonnées qui a fait de la virilité sa reine incontestée.
Installés dans les quartiers roturiers et les bas-fonds portuaires, ces arracheurs de dents occasionnels ont pu, parfois, traiter la canaille. Sur le pas de la porte, des barbus rêvant d’un petit rafraîchissement pouvaient ainsi se bousculer aux côtés de querelleurs en quête d’un rafistolage au débotté. Malgré tout, quelques barbiers sont parvenus à hisser leur art au sommet de l’État, comme si leur réussite avait prédit la future règle d’or : « mon client est Roi » ! Car si Louis XIV impose la séparation des activités de chirurgien et de barbier, cela n’empêche pas à une nouvelle spécialité de voir le jour sous l’égide d’une tendance dont la cour s’est fait l’apanage : la perruque ! Coiffant la noblesse de sculptures monumentales, les barbiers-perruquiers se font alors confidents privilégiés.
La suite s’enchaîne dans une chorégraphie savamment maîtrisée : le rasoir électrique travaille avec précision, les poils tombent, le blaireau disperse, les baumes naturels et les huiles biologiques se répondent. Des effluves tour à tour virils et délicats. Et puis, la lame entre en scène. La vraie. Celle qui fait l’effet d’être un affranchi des années vingt. Le feu de son tranchant se promène sur votre gorge. Une intensité immédiatement éteinte par une pierre d’alun vivifiante.