À Aubenas

Le 01 avril 2020

Cher “Gnom”,

Au légitime pourquoi que doit engendrer cette missive, dis-toi que l’irrationalité de cette lettre est à la hauteur du chaos qui règne dans le monde actuellement. Est-ce un exercice de prose, de la curiosité, un défi ? Un coup de folie dans un moment hors du temps ? Et pourquoi pas, finalement ? Car au bout du compte, ça ne coûte pas grand-chose, de prendre le risque de penser à quelqu’un… Et puis, à l’heure où l’on n’a rien de plus à faire que de s’occuper l’esprit, quoi de mieux qu’un geste insensé pour combattre l’ennui ? Cela ne veut pas dire qu’il est dénué de sens, mais qu’il flotte tel un avion en papier au gré du vent, sans espoir de retour. Parce que l’écriture, elle, est immuable, quand les souvenirs se jouent de nous. Pourtant j’ai gardé comme quelques parenthèses, des petits morceaux de ce que tu m’as laissé : une boîte à cigares, des photos, une dédicace dans un livre… Tu as toujours su manier les mots et les émotions avec passion. C’est dommage que le genre épistolaire se perde… Te souviens-tu ? L’attente, la découverte, et nos sentiments couchés sur le papier. Nous étions si jeunes, si purs. À l’âge où nous ne pouvions pas encore anticiper, définir, ni nous projeter. Il n’a fallu qu’un feu d’artifice et ta main dans la mienne. C’est beau, un premier amour, ça ne ressemble à rien d’autre. Je sais qu’il n’y a pas eu que des bons moments, mais ma mémoire, pourtant capricieuse, met un point d’honneur à te garder précieusement dans un coin de ma tête, comme un trésor caché que l’on admire les jours de pluie pour se redonner le sourire. Alors te voilà aujourd’hui. Mais tu fais bien plus que combler le vide, tu l’embellis. Juste un instant, en existant derrière ta fenêtre, ton écran, ton stylo peut-être. Et j’aimerais te remercier comme tu l’as fait, il y a 14 ans. De l’autre bout de la France… ou du monde, car la distance importe peu dans un univers en suspens. Je ne te parle pas de nostalgie, non. Ça n’a jamais été mon genre et j’évite soigneusement les regrets. Mais j’admire la franchise, la belle, la vraie. Celle qui n’a pas peur du ridicule et qui se fout des conventions. Parce que je crois qu’il est plus que jamais important de dire aux gens ce que l’on ressent. Néanmoins, ceci n’est pas une lettre d’amour, rassure-toi. Pas au sens romantique du terme en tout cas. Sans doute plus une bouteille virtuelle lancée dans un vortex de bonnes intentions, saupoudrée d’humanité. Peu importe finalement. Elle est à toi et tu pourras en faire ce que tu voudras. Pour finir, sache que je te souhaite de te brûler les ailes pour le meilleur, dans un avenir “semblable à un mois d’étoiles”…

Prends soin de toi,