Le Presse Papier : un écrit couture ciselé pour un artisan créateur, éditeur et fabricant de Papier Peint & de Textile de collection
En sollicitant un écrit élevé et élégant, à même de rendre grâce à l’atypicité de ce savoir-faire d’exception, Sébastien Barcet, le dirigeant de l’atelier lyonnais Le Presse Papier, souhaitait une signature textuelle à l’image de ses papiers peints. Notre Maison a ciselé pour ce faire un écrit couture tout en préciosité et en excellence, dans lequel passé et présent se mêlent harmonieusement. Dans cet atelier où la chromatique tient autant pour gamme que pour dogme, c’est un illustre ballet qui s’anime au quotidien : Le Corbusier côtoie Klimt et Bergman, Manet déjeune avec Matisse, William Morris, Monet et Gauguin, Tati taquine Godard ou encore Gaudi. Mais qu’il s’agisse de rééditions ou de créations originales, si ces appellations semblent surgir de plusieurs territoires en fragments épars, lorsqu’elles embellissent un mur après s’être lovées dans le livre d’échantillons, elles racontent toujours la même histoire, mais chacune à sa façon.
Expression explicitée : C'est une autre paire de manches
Au XVIe siècle, les manches n’étaient pas toujours cousues définitivement et étaient simplement fixées par des rubans ou des lacets, ce qui permettait de multiplier les styles en fonction des activités que l’on allait exercer. Par opposition à toutes les manches qui se changeaient facilement, cette expression est restée pour signifier que l’on s’engage dans une toute autre affaire, beaucoup plus difficile.
Monsieur de Trafalgar
Un jour que je me rendais chez un client de la Maison, j’ai été reçu par un maître d’hôtel tout à fait charmant qui m’a introduit en disant « Monsieur de Trafalgar séjournera dans la tour ». Je vous avoue que je me suis cru un instant dans quelque conte gothique tel que j’appréciais en lire plus jeune.
Expression explicitée : Voir midi à sa porte
Cette expression vient des cadrans solaires installés, à l’époque, devant les maisons de campagne. Leur précision étant loin d’être parfaite, chacun voyait midi en fonction de son angle de vue. Cette expression est reprise pour évoquer une situation évaluée d’après ses propres critères, et est le plus souvent utilisée pour traduire une vérité générale : chacun son point de vue et son opinion.
Tribune : Le mot et l’aumone - le carton plein des littéraires
“Métiers du livre – la machine à fabriquer mille Gaston Gallimard par an pour mieux les broyer ensuite ?”
– Paul Fournel, La liseuse
L’ironie de cette citation recouvre une réalité quelque peu cruelle dont une vieille blague, douteuse s’il en est, familière à l’esprit de certains lycéens, étudiants ou préparationnaires de tous poils, se fait l’écho : « Les ingénieurs conçoivent les cartons, les commerciaux les vendent, les littéraires dorment dedans ». Une citadelle de papier vaut donc pour maison en carton. Pirouette, cacahuète.
Nombreux sont parmi nous ceux qui se souviennent de ce lourd débat familial qui glaçait l’ambiance d’un dîner, lorsqu’un élève en classe de seconde annonçait à ses parents qu’il souhaitait choisir la filière littéraire. Dans un fracas assourdissant, s’effondrait alors le monde tel que le concevaient père et mère, un monde de « sécurité financière », de « belle carrière », de « reconnaissance sociale ». Le lycéen s’y était préparé. Cette rengaine, il la connaissait, depuis le collège, où enseignants, camarades, conseillers d’orientation, oncles ou cousines éloignées faisaient valoir que le monde se divise en deux catégories : ceux qui réussissent, et ceux qui ratent – et que les littéraires faisaient immanquablement partie de la moins enviable des deux. Ainsi se fomentent les destins ; et le pouvoir redoutable des prophéties auto-réalisatrices de conforter nos sociétés dans cette voie, devenue inéluctable à force d’avoir été présentée comme telle.
L’image est plus terrifiante qu’il n’y paraît de prime abord, puisqu’elle signifie, symboliquement, que les scientifiques (qui sont-ils ?) incarnent le monde de l’esprit ; que les commerciaux (que sont-ils ?) représentent le monde strictement économique ; que les littéraires (c’est quoi ?) subsistent, non pas grâce à leur force et à leur agilité, mais grâce à la charité. Ne parlons pas même, à cet égard, des artistes et autres intermittents du spectacle.
S’il est exact qu’un tel point de vue existe, si la paranoïa n’y joue pas de rôle, il convient donc d’y mettre un ordre. À l’échelle de l’histoire de l’humanité, la séparation des arts, des lettres et de la science est chose tout à fait récente. Les économistes, par exemple, qui pour bon nombre tiennent leur pratique pour une science “dure”, parce que faisant usage d’outils mathématiques – souvent puissants et sophistiqués par ailleurs – portent peut-être trop peu d’attention au fait que la mathématisation de leur discipline ne date que de la toute fin du XIXe siècle, et qu’une bonne partie de la « littérature » économique, comme on la nomme si bien, est en grande majorité restée verbale. De façon plus générale, les mathématiciens et physiciens furent souvent philosophes, voire poètes ou musiciens – et parfois le sont encore.
Quelque artificielles que puissent être ces trois catégories : scientifique, commerciale et littéraire, en réalité calquées sur le baccalauréat, il est probable que le mépris parfois affiché à l’égard des littéraires tient plutôt ses origines de considérations économiques que scientifiques. En effet, les littéraires, on le dit parfois, ne produisent rien et, par conséquent, ne sont d’aucun apport pour le PIB. Le marché détermine ainsi un critère d’utilité à l’aune duquel, incontestablement, le monde littéraire fait pâle figure une fois comparé à celui de l’énergie ou à celui des nouvelles technologies. Si discutable que puisse être ce critère pour jauger l’avancement, le développement d’une société, il masque habilement une autre réalité : ni les nouvelles technologies, ni les entreprises spécialisées dans l’énergie ne peuvent faire l’économie des mots. Bien des entreprises se trouvent totalement désemparées lorsque vient l’inévitable moment de décrire verbalement leurs idées, de créer leur site internet, de rédiger leur plaquette de présentation, et se tournent alors vers les agences ou les rédacteurs indépendants.
Le marché de ces derniers est particulièrement intéressant à analyser. Un des portraitistes de la Maison Trafalgar a observé, et nous a fait observer des « offres » – le mot est sans doute un peu fort – adressées à ces indépendants : la capacité à tenir une plume se monnaye parfois… trois centimes le mot. Soit environ quinze à dix-huit euros la page en salaire brut, dont il faut retirer les charges. Il s’agit donc probablement, quand on mesure le temps qu’il faut employer pour parvenir à un texte de qualité, et compte tenu des éventuelles corrections exigées par le commanditaire, d’une des plus basses rémunérations de France, pour l’exécution d’un travail qui exige, pourtant, un niveau certain de qualification. Pirouette mais surtout, donc, cacahuètes. La Maison Trafalgar a fait, elle, le pari d’internaliser ses talents et de leur offrir une véritable sécurité psychologique et financière. Écrire serait donc, finalement, un travail – dans tous les sens du terme.
Il m’arrive aussi, et je m’y prête volontiers, d’être appelé pour des missions de formation en entreprises, missions visant à améliorer la capacité de rédaction des collaborateurs. Que leur niveau soit faible, élevé, remarquable ou préoccupant n’est pas ici le sujet. Ces appels symbolisent à mes yeux les besoins des entreprises. Or, s’il y a besoin, il y a un marché ; s’il y a un marché, c’est que les littéraires sont des entités économiques qui méritent toute considération et ce, même si l’on décide de prendre pour critère de considération des individus et de leurs compétences, leur participation au PIB. Il est dès lors curieux qu’on puisse observer ce qui suit.
J’ai pu moi-même proposer mes services de rédacteur. Quelles que soient les offres auxquelles je postulais, offres de rédacteur intégré à l’entreprise (plus que rares), offres de rédacteur indépendant (par légions), il n’y aura jamais eu de suite. Le statut de normalien littéraire, au moins en théorie, est pourtant censé garantir un certain niveau de maîtrise du langage. L’explication est peut-être autre : il est utile, au sens financier du terme, d’aller chercher des rédacteurs moins qualifiés, ou de proposer à des personnes qualifiées des gratifications ne reflétant pas leur niveau. Malheureusement, les rédacteurs sont d’autant moins motivés qu’ils sont souvent mal payés, et n’offrent pas la même qualité en termes de prestations, phénomène qui alimente ainsi la croyance selon laquelle les littéraires ne sont pas bien formés. La Maison Trafalgar a ainsi reçu la candidature d’une étudiante de niveau Bac+6, normalienne, se proposant d’y effectuer un stage, car elle était « tout à fait dépourvue d’expériences professionnelles » ; stage dont elle proposait qu’il fût “non rémunéré”, incertaine de pouvoir nous « servir à quelque chose ». Il va de soi qu’en dépit de ses indéniables compétences, ou plutôt, en raison même de celles-ci, les conditions qu’elle posait nous étaient irrecevables.
L’Opération Phénix, remarquable tout autant qu’elle est peu connue, répond depuis 2007 et à sa manière à cette situation. Elle consiste à faire recruter par de grands groupes les jeunes diplômés d’un Master 2 en Recherche Lettres, Sciences Humaines et Sciences. Les témoignages des employeurs comme de ces jeunes recrues sont, sans surprise, unanimes, et révèlent ce que l’intuition indiquait : que les responsabilités qui leur sont confiées, souvent bien au-delà de la rédaction, leur conviennent parfaitement.
Forte de ces constats, et sachant que cette Opération Phénix ne résulte qu’en l’élection d’un nombre très confidentiel d’étudiants, la Maison Trafalgar souhaite rappeler que les littéraires sont précieux au sein des entreprises ; qu’ils peuvent, doivent créer la leur s’ils ont en partage la fibre entrepreneuriale ; qu’ils peuvent, doivent conserver intacte leur passion, cet imaginaire livresque qui permet de mieux comprendre nos sociétés, le monde et les Hommes qui l’habitent. On les montrera alors parfois, dans le monde de l’entrepreneuriat, comme des originaux : s’il ne convient pas qu’ils se satisfassent longtemps de cette qualification, qu’à tout le moins celle-ci permette à d’autres littéraires d’en entendre parler, de s’inspirer d’eux. La Maison Trafalgar leur témoigne, ici, soutien et admiration.
Virgile Deslandre
Directeur des opérations de la Maison Trafalgar
NEWSLETTER / Inscrivez-vous ici pour recevoir Interligne, le courrier de la Maison Trafalgar !
Extraits : Le Presse Papier
Portrait iconique de marque
Situé entre Saône et Rhône, dans les contrebas des traboules de la colline qui travaille et le sillage d’un Raoul Dufy en pleine ascension, Le Presse Papier entretient l’héritage des Canuts et des métiers Jacquard. Ici, les étagères regorgent d’ouvrages en tous genres, les murs sont chamarrés de tableaux, les projets s’amoncellent sur le bureau. Dans ces cent-cinquante mètres carrés dédiés aux muses, du premier coup de mine sur le papier à la vente finale en direct, tout se matérialise dans ce même périmètre. Sous la clarté des néons qui restituent celle du jour dans tout son spectre – le référentiel idéal –, ce sont souvent des mois qui défilent et se consacrent au millimétrage d’une chorégraphie dont la cinétique tutoie le poétique.
Si pour la marque référente, la précision dans l’exécution s’impose comme l’étalon-mètre, quand il s’agit d’inspiration, il n’est pas de divagations que l’on ne peut se permettre. Dans cet atelier où la chromatique tient autant pour gamme que pour dogme, c’est un illustre ballet qui s’anime au quotidien : Le Corbusier côtoie Klimt et Bergman, Manet déjeune avec Matisse, William Morris, Monet et Gauguin, Tati taquine Godard ou encore Gaudi. Sans détour, il est possible de puiser çà et là, du tac au tac, dans les allées d’Orsay, dans une photographie, une carte postale, un film de Truffaut, dans l’exotisme d’un séjour ou dans les contrepoints de Bach. En ces lieux où flottent en permanence le swing de Miles Davis ou les Nocturnes de Chopin, sans cesse est recherché cet équilibre qui détonne. S’il est dit que la musique n’est autre que le silence entre les notes, Le Presse Papier est passé maître pour agencer les espaces blancs entre les motifs.
Les clients peuvent croiser Mata Hari et son style à l’indienne, aux courbes qui ondulent, à moins qu’ils ne survolent l’éphémère Hanami du Japon et les escarpements de sa péninsule. Au-delà des latitudes, ils remontent aussi la pendule : certaines compilations sont en phase avec l’Amérique de la Beat generation, ainsi qu’en témoigne Mo-Jazz, une ode aux années cinquante, où les vibrations d’une géométrie acidulée ne sont pas sans rappeler les productions de Vasarely. D’autres les projettent encore plus loin, dans l’abîme des temps immémoriaux, quand pour tracer les Singes bleus de la collection tradition, l’Homme maniait déjà avec grâce le pinceau. Bien souvent, dans ces compositions, tout un fil narratif se déploie. Le modèle Anima, qui revisite l’iconique toile de Jouy, en a d’ailleurs fait son sanctuaire ; au milieu de cette jungle vivante, l’ours se prélasse, le lion veille, et prête à bondir, on distinguerait même le feulement de la panthère. Mais qu’il s’agisse de rééditions ou de créations originales, parmi lesquelles Theda Bara, Éden, Jaipur, Paule Marrot, Savannah, Calypso, Weimar et tant d’autres déclinaisons, si ces appellations semblent surgir de plusieurs territoires en fragments épars, lorsqu’elles embellissent un mur après s’être lovées dans le livre d’échantillons, elles raconteront toujours la même histoire, mais chacune à sa façon.