La Maison Trafalgar signe la dictée solidaire pour les Lumineuses

Bien malin qui pourra prétendre connaître notre langue sur le bout des doigts ! La Maison d’écriture Trafalgar est partenaire du festival Les Lumineuses. C’était si beau de voir autant de mains et d’entreprises s’essayer à cette grande dictée caritative, que nous ne résistons pas à l’envie de vous partager notre texte ! Bravo au duo gagnant (une seule faute) ! Et chez vous ?
Saviez-vous que le mot « délice », mis au pluriel, se met au féminin, que le mot « balade » possède deux orthographes différentes, qu’on n’accorde jamais le participe passé du verbe « se succéder » ? Un grand merci à Jérémy Charbonnel pour sa belle lecture, à Marie-Sophie Obama, Carole Dufour, Nathalie Pradines, Lydia DELBOSCO, Nathalie Chaize, GROUPE IGS, à l’Association docteur CLOWN pour leur confiance !
Texte de la dictée Trafalgar :
Parfois, lorsque l’on tend l’oreille, il arrive d’entendre, comme portée par le vent, cette jolie ritournelle : « la langue française, mais quelle merveille ! » Merveilleuse, elle l’est pour sûr, et lumineuse, bien plus encore. Certes, il lui en a fallu, de l’audace, pour saisir toute sa place, briser les carcans, et fendre la glace. Elle connut des hauts et des bas, mais ne perdant pas un seul moment de son éclat, elle n’a cessé de croire en elle-même et en la beauté de son combat. C’est ainsi qu’elle se dévoile à vous, aujourd’hui, dans toute sa splendeur, épanouie autant dans ses formes, dans son esprit que dans son cœur.
Si elle vous voyait vous gratter la tête à mesure que les mots s’égrènent, nul doute qu’elle serait à la fête, car elle est esthète mais aussi espiègle ! À peine vous convie-t-elle et vous appelle-t-elle que déjà les écueils se recueillent à la pelle. Considérez cet exercice comme l’une de ces madeleines de Proust, ces délices sucrées qui nous projettent en ces temps où, marmots, nous jonglions avec les phrases à en perdre les mots. Que de ratures se sont succédé pour arpenter ses bizarreries ; et même si certains vocables, pour le moins dociles, se lovaient gentiment entre les lignes, nous dûmes apprendre, pour elle, à composer avec des exceptions biscornues, des conjugaisons rebelles et des accords retors. Peut-être que d’aucuns parmi vous sont déjà au courant : l’expression « c’est là où le bât blesse » n’a rien à voir avec une paire de collants, et entre une ballade que l’on écoute et une balade dans les bois, une seule hésitation suffit pour semer l’embarras.
On pourrait en lister bien davantage, faire un étalage de règles baroques, évoquer les lochs d’Écosse ou les cosses de petits pois, finalement, bien malin qui pourra prétendre connaître notre langue sur le bout des doigts.
Expression explicitée : Battre la chamade

Le lien entre un toupet et l’audace semble a priori tiré par les cheveux ! Mais c’est en remontant le fil de l’histoire jusqu’à l’Italie du XVIe siècle que le mystère s’éclaircit. Une époque où la noblesse n’hésitait pas à commanditer le meurtre de rivaux auprès de tueurs à gages. Pour ne pas être reconnus durant leurs agissements, ces derniers se dissimulaient derrière une petite touffe de cheveux qu’ils rabattaient sur leur visage, et rangeaient ensuite leur toupet sous leur chapeau. C’est pour cela qu’avoir du toupet signifie faire preuve d’audace, si ce n’est d’effronterie.
Expression explicitée : Avoir du toupet

Le lien entre un toupet et l’audace semble a priori tiré par les cheveux ! Mais c’est en remontant le fil de l’histoire jusqu’à l’Italie du XVIe siècle que le mystère s’éclaircit. Une époque où la noblesse n’hésitait pas à commanditer le meurtre de rivaux auprès de tueurs à gages. Pour ne pas être reconnus durant leurs agissements, ces derniers se dissimulaient derrière une petite touffe de cheveux qu’ils rabattaient sur leur visage, et rangeaient ensuite leur toupet sous leur chapeau. C’est pour cela qu’avoir du toupet signifie faire preuve d’audace, si ce n’est d’effronterie.
Tribune - Une image ne vaut pas mille mots

“Je crois que l’image dit moins que ce que la parole peut dire ; que l’image est plus autoritaire parce qu’elle dicte le sens, tandis que la parole fait naître les possibles du sens.” – Maître Bonnant
Ce qui suit n’est pas un procès d’intention à Confucius, à qui l’on attribue le proverbe bien connu selon lequel une image vaudrait mille mots. En revanche, le crédit excessif que l’on porte à cette locution appelle mon attention. Certaines images, à n’en pas douter, se passent de commentaires ; certaines images, peut-être, sembleraient extrêmement difficiles à décrire en termes langagiers. Mais la généralisation de ces cas particuliers a sans doute moins pour effet de valoriser l’image, que de nuire à la parole et à l’écriture. Les images et les mots coexistent. Sur le marché qui sous-tend toutes nos activités, une telle coexistence ne peut s’expliquer que par leur complémentarité nécessaire : c’est donc dire qu’une image ne vaut pas plus mille mots qu’un cheval ne vaut mille bicyclettes.
Bien sûr, images et mots sont, les unes et les autres, des informations que traite notre cerveau, et qui, pour certaines, peuvent être équivalentes. Bien sûr, il est anthropologiquement établi que le sens de la vue domine nos quatre autres sens. Pour autant, on oublierait trop vite que les mots ont le pouvoir de former des images. On oublierait que certaines images… n’évoquent rien du tout. On oublierait que les mots, lorsqu’ils sont lus, font appel eux aussi au sens de la vue.
Historiquement, la possibilité sans cesse accrue, et de manière exponentielle ces dernières décennies, d’accéder à des images, photographies, films, reportages, dessins, caricatures et autres selfies, sans parler de la diffusion sans cesse simplifiée de ces images, désormais offerte également à toute personne connectée à Internet, fait entrer le marché des mots en concurrence avec celui des images. Nul ne peut tout faire à la fois, et si un médium de connaissance nous paraît moins coûteux en temps et en énergie, pour l’obtention d’une information à peu près équivalente, nous aurons tous tendance à le privilégier. Dès lors, la multiplication des images, puisque celles-ci appellent généralement un traitement cognitif plus succinct et aisé que le discours, en font apparemment des rivales plus que sérieuses.
C’est précisément pour cette dernière raison, néanmoins, qu’une image ne vaut ni un, ni cent, ni un million de mots. La pensée est par habitude, si ce n’est pas nature, discursive. Si une image procure une forte impression, sa pleine compréhension ne pourra pas faire l’économie du langage. Tout dépend du but visé, finalement : s’il s’agit simplement de provoquer des sensations, des émotions, les images sont certes de puissants outils, ce que nos sociétés d’influence ont bien compris, puisque nous sommes submergés d’images et souvent subjugués par elles. Je n’affirme certainement pas que les images sont toutes d’Épinal ; je ne soutiendrai pas non plus que les images existent à seule fin de nous abrutir. Mais je pense que nos cinq sens sont complémentaires, de même que la pensée discursive complète l’intuition, que la rationalité complète l’émotion.
L’image ne vaut mille mots que pour ceux qui tirent profit de la disparition des uns au profit de l’autre. L’imaginaire, l’émotivité appellent des réactions rapides et vives. Frapper un esprit est d’autant plus simple par l’usage de ce support. Les théories du complot, par exemple, sont avides d’images, de photographies, et certains de leurs partisans passent un temps considérable à les analyser, quand il ne s’agit pas de les modifier pour qu’elles soient mieux conformes à la pensée qu’ils soutiennent. Certains se souviennent peut-être qu’un des arguments prétendant contredire la version officielle des attentats du 11 Septembre est une simple photographie des flammes du World Trade Center, dans laquelle on croit deviner, si on le souhaite, le visage du diable. Les progrès fulgurants d’Instagram reposent sur une addiction à l’image que le réseau social renforce en retour, et les influenceurs sont maîtres de ce royaume où leur image même peut devenir argument de vente. Les politiciens cèdent également à ces sirènes : à l’heure où le discours semble moins convaincant, et alors qu’il pourrait s’agir de le faire devenir à nouveau convaincant, la diffusion d’images devient prépondérante pour rallier à sa cause ou à son parti un électorat indécis, et qui appréciera de ne pas devoir prendre beaucoup de temps pour s’informer.
Il me semble que non seulement l’image ne vaut pas mille mots mais qu’elle nous prive parfois, si elle tente de les remplacer, et plus encore si elle y parvient, d’une compréhension pleine, entière, rationnelle, de la situation. Contempler l’image de la Terre vue du ciel ne suffira jamais pour comprendre qu’il s’agit de la Terre, que les Humains y habitent ou qu’elle n’est pas plate.
Enfin et surtout, pour les littéraires de la Maison d’écriture Trafalgar, l’étrange prépondérance de Confucius au travers de ce proverbe nous inspire beaucoup de regrets. Nous y aimons les mots comme les images ; certains de nos clients parlent de nos Portraits comme de “photographies littéraires” ; quant aux photographies que nous prenons d’eux, argentiques, numériques, noir et blanc ou couleur, elles sont pour nous des objets d’une grande valeur, qui accompagnent les lignes et sont, en retour, habitées par elles. Comme évoqué au début de cette Tribune, c’est bien parce que les mots appellent, suscitent l’imaginaire, et non seulement la connaissance rationnelle, que la prétendue supplantation des mots par l’image est un non-sens. Une photographie montre un bâtiment : sa description langagière, poétique ou non, guide nos interprétations, nos connotations, nos impressions. Les images, photographies, peintures, ont leurs prérogatives, y compris esthétiques, dont peu échappent toutefois à l’usage savamment maîtrisé des mots. À ceci près qu’à entendre ou lire un discours, un poème, une description, nous colorons de notre imaginaire ce qui nous est décrit, chanté, soutenu. Nous nous l’approprions ; cela nous ressemble. Si bien qu’en dépit des apparences, cette ressemblance nous y liera bien plus durablement que nous ne le serions par le biais d’une image qu’on nous aurait imposée de prime abord.
Confucius n’aurait sans doute pas défendu qu’on doit croire tout ce que l’on voit, ni qu’il faille seulement voir pour savoir. Les mots éduquent le regard. Les images ne sont pas belles ou impressionnantes en elles-mêmes : elles ne le sont que parce que nous avons des mots pour les regarder.
Virgile Deslandre
Formateur et expert en art oratoire de la Maison Trafalgar
Expression explicitée : Avoir du pain sur la planche

Jusqu’à la fin du XIXe siècle, cette expression représentait une perspective rassurante et réconfortante : elle faisait référence à cette planche de bois fixée au plafond et sur laquelle les paysans stockaient de larges quantités de pain. S’il y avait du pain sur la planche, c’est qu’il y avait assez de pitances pour affronter les jours à venir. Ce n’est que bien plus tard que l’expression prit la tournure qu’on lui connaît aujourd’hui : avoir beaucoup de travail à abattre. Chacun conviendra que le métier de boulanger demande de l’ardeur à la tâche, et l’on imagine que s’il y a du pain sur la planche à enfourner, c’est qu’il y a encore à faire !
L’esprit dépasse la matière

Même si la science a prouvé que la pensée était une onde, voilà une expérience qui procure une étrange sensation : en pleine rédaction, au moment précis où je m’apprête à écrire un mot qui n’a pourtant rien de courant dans une conversation banale, voilà qu’il fuse, sans crier gare, de la bouche d’un de mes camarades portraitistes. Si cela ne se produit pas forcément tous les jours, la relative récurrence de ce phénomène a de quoi me laisser pantois. Télépathie, forces mystiques, manifestation de l’esprit ? J’ignore si un lien particulier me rattache à mes pairs, j’ignore si eux-mêmes se trouvent parfois traversés de cette même sensation, la seule certitude que cela m’inspire, c’est bien que l’esprit dépasse la matière.
La Maison Trafalgar, partenaire du Festival des Lumineuses et de sa grande dictée caritative !

Après deux éditions couronnées de succès, c’est peu dire que le Festival des Lumineuses s’est depuis imposé comme un événement majeur de la place lyonnaise. Né du constat que la performance féminine manque de visibilité, les Lumineuses investissent la ville pour soutenir, produire et accompagner différentes initiatives visant à valoriser ces performances sous toutes les formes d’expression : sport, culture, économie, entrepreneuriat, action sociale, jeunesse, ou encore éducation. Pour cette édition 2023, Marie-Sophie Obama, la présidente des Lumineuses et présidente déléguée du club de basket LDLC ASVEL Féminin, a tenu à confier à la Maison Trafalgar la réalisation d’un exercice qui ne pouvait que ravir ses équipes : la rédaction d’une dictée caritative, dont les bénéfices seront intégralement reversés aux associations Docteur Clown et Les Bonnes Fées.
Ainsi, de la première majuscule au point final, nous nous sommes attelés à ciseler un texte original, tout en lyrisme et en légèreté, parsemé çà et là de quelques subtilités dont notre langue a le secret… Avec le concours du comédien lyonnais Jérémy Charbonnel qui prêtera sa voix et sa diction, différents binômes issus d’entreprises lyonnaises répondront présent le lundi 06 mars prochain au sein du grand amphithéâtre du campus HEP Lyon René Cassin. À travers cette grande dictée solidaire, les participants auront le plaisir de retrouver le souvenir des lignes studieuses, dont l’esprit fait pleinement écho au combat des Lumineuses.
Soutenez l’équipe à l’origine du festival, Marie-Sophie Obama, Nathalie Pradines, Carole Dufour, Lydia Delbosco, ainsi que ses autres partenaires, L’équipe des Lyonnes, Les premières Aura, Femmes Battantes, et retrouvez le programme sur www.les-lumineuses.fr
Bescherelle, mon amour





« Grâce à l’intelligence artificielle, on peut créer des images avec des mots. Encore faut-il avoir les bons. »
Vive l’écriture, la vraie. Vive les humains !
Nouvelle campagne Bescherelle – Agence Brainsonic.
Expression explicitée : Aller se faire cuire un oeuf

Au temps où seules les femmes étaient responsables du repas, si le mari se risquait à critiquer le menu, pour l’éconduire, l’épouse l’incitait à se faire cuire un œuf. Une manière de le ramener à son niveau de compétence culinaire et de lui dire qu’il ferait mieux de la laisser tranquille !
Interview interne - Marion, Dirigeante associée

À quel moment de ta vie as-tu développé un rapport sensible aux mots et à l’écriture ?
J’ai été biberonnée au poids des mots et à leur teneur émotionnelle. En plus d’y apporter beaucoup de soin, ma mère prenait toujours le temps de m’écrire des lettres pour m’exprimer certaines valeurs essentielles ou me donner quelques nouvelles pendant mes voyages de classe. Les scènes se répétaient quasiment tous les lundis matin, à l’époque du lycée ; j’arrivais à l’internat, et je ne pouvais pas ouvrir mon sac sans y retrouver une petite carte, un petit post-it, un petit dicton parfois aussi simple que « la patience d’une mère est comme un tube de dentifrice, il en reste toujours au fond », accompagnés d’un mot d’encouragement. Et puis plus tard, ce furent les SMS à quelques minutes du passage d’un examen, plus récemment, le discours qu’elle a porté devant toute ma famille le soir de mes trente ans… Avant la voie académique, tout cela m’a rendue très attentive à la force de l’expression orale et écrite, à la manière dont les gens restituent les faits, se racontent leur journée, même au téléphone, à la volée. Elle est Italienne, et puisqu’elle a appris assez tard à parler français, elle était extrêmement sensible au fait que je puisse maîtriser rapidement les subtilités de la langue. C’était aussi et surtout sa façon de m’apprendre à dire, à exprimer, à ne pas garder, et donc à écrire. Et si les livres n’étaient pas présents partout chez moi, on ne pouvait pas dire la même chose de la place prépondérante de la musique et des chansons à texte. Certains lecteurs chevronnés sont capables de citer au mot près l’incipit des ouvrages qu’ils adorent. Celui d’Anna Karénine de Tolstoï : « Toutes les familles heureuses se ressemblent, mais chaque famille malheureuse l’est à sa façon. » Celui de Jacques le Fataliste, de Diderot : « Comment s’étaient-ils rencontrés ? Par hasard, comme tout le monde. » ou encore l’incipit d’Aurélien d’Aragon : « La première fois qu’Aurélien vit Bérénice, il la trouva franchement laide. » Les premiers mots du répertoire de Jacques Brel, Barbara, Charles Aznavour, Serge Gainsbourg, Nino Ferrer, ont le même effet sur moi. Et comme j’ai rapidement fait le choix d’un baccalauréat littéraire, j’ai commencé à me constituer une sacrée collection d’ouvrages. Je me souviens qu’il était déjà inconcevable pour moi d’emprunter un livre à la bibliothèque : aujourd’hui encore, j’ai besoin d’annoter les pages, de stabiloter les phrases qui me parlent. Du coup, j’ai une collection de carnets qui comportent la plupart de ces phrases, chaque fois recopiées à la main. Les relire, c’est tout relire.
Et à l’entrepreneuriat ?
L’entrepreneuriat est venu plus tard, au cours de mes études supérieures, mais je n’ai jamais imaginé la passion des lettres et celle de l’entrepreneuriat de manière distincte. Pour moi, la seconde est la continuité de la première. Lorsqu’un plaisir nous tient, on n’a généralement pas envie de s’en éloigner, alors j’ai commencé à écrire. J’ai aussi eu la chance d’être publiée dans deux ouvrages collectifs, par la maison d’édition parisienne l’Art de Lettres. Puis avant de co-fonder la Maison Trafalgar à 22 ans, j’ai également exercé ma plume sur un blog auquel j’avais déjà donné le nom de « Trafalgar », et sur lequel j’écrivais les Portraits de jeunes audacieux lyonnais de moins de 30 ans, pour les aider à raconter leur histoire. Ce sont ces Portraits, réalisés bénévolement, mais avec une forte exigence littéraire, qui ont fait naître les premières demandes des clients de la Maison Trafalgar. Quand une passion nous porte, on baigne dedans, on cherche à rencontrer ses acteurs, à rejoindre une mission plus grande que soi, à évaluer les problématiques constatées au fil d’un parcours, à répondre à des besoins… Et puis on cherche à en vivre, pour ne pas faire autre chose, à fédérer d’autres acteurs qui cherchent aussi à en faire leur métier. J’entends parfois des personnes se dire qu’elles ne sont pas du tout « faites pour l’entrepreneuriat », mais plutôt pour coudre, danser, cuisiner… Je ne vois, personnellement, aucune différence entre les deux. Dès que j’ai compris combien mon rapport aux mots était fort, j’ai juste eu envie d’entreprendre avec eux. Tout le reste est une question de posture, et bien sûr d’engagement et de force de travail. Fonder une entreprise, développer un concept, créer des offres, recruter pour constituer une équipe, trouver son marché, ses clients, puis chercher à les ravir, ne sont pas des actions qui sont guidées par mon rapport à l’entrepreneuriat, mais bien par mon rapport à l’écriture. D’ailleurs, j’ai d’abord été étudiante en classes préparatoires hypokhâgne, mais j’ai très vite fait le choix de coupler cette formation avec un master de commerce et d’entrepreneuriat à l’iaelyon. Je ne me sens pas uniquement littéraire, je ne me sens pas uniquement entrepreneure, je me sens véritablement entrepreneure-littéraire.
L’entrepreneuriat littéraire est-il, selon toi, suffisamment représenté ?
Absolument pas ! Je me souviens qu’à la création de la Maison Trafalgar, nous n’entrions jamais dans les critères de sélection des concours. Il fallait réellement s’accrocher pour que le dossier soit considéré. Les premières années, lorsque l’on présentait l’entreprise Trafalgar, notre proposition de valeur, notre savoir-faire, l’écosystème entrepreneurial trouvait souvent cela mignon et attendrissant, alors qu’on était souvent trois fois plus rentable que dix startups « scalable » qui n’existent plus aujourd’hui. Pour entrer dans des catégories « innovation », une comptable nous avait même conseillé un jour de développer un logiciel d’intelligence artificielle afin que les Portraits puissent s’écrire tout seul, ou même d’élargir aux présentations rédigées sur les profils des applications de rencontres pour être plus grand public… L’entrepreneuriat littéraire est sous-représenté, mais il est aussi trop souvent décrédibilisé. Il est essentiel que les étudiants en lettres, actuels ou futurs, entendent parler d’entrepreneuriat et nous rejoignent ! Ils peuvent véritablement faire des miracles.
Quelle est la phrase que tu ne supportes plus d’entendre ?
« Plus personne ne lit » et son acolyte légèrement plus subtil : « pensez-vous réellement que les gens prennent encore le temps de lire ? », venant parfois de grandes institutions, qui ont plusieurs siècles d’histoire. Si les lecteurs sont noyés de posts LinkedIn à la sauce développement personnel, non. Si les entreprises dans lesquelles ils travaillent se contentent de leur proposer des textes corporate souvent réchauffés, non. Si les collaborateurs sont présentés sous la forme de portraits chinois, pas toujours. Si les histoires de dirigeants et d’entrepreneurs donnent toutes l’impression qu’un bon mindset mène à tout, encore moins… Mais si l’on se donne la peine de s’adresser à eux comme ils le méritent, si les lignes sont sincères, que le récit leur ressemble et les embarque, si leur Portrait, ou celui d’un autre les touche, alors oui, bien sûr que oui ! Écrire vite et mal n’a rien d’une tendance à suivre. Écrire bien et au-delà de dix lignes n’est ni rétro, ni démodé. Qu’il soit parfois inquiétant et le plus souvent excitant, ce combat est pour nous on ne peut plus sérieux. Quant à la suprématie de l’image, nous avons récemment signé une tribune intitulée Une image ne vaut pas mille mots. Virgile Deslandre, expert en art oratoire et en éloquence de la Maison Trafalgar conclut très bien : « Les mots éduquent le regard. Les images ne sont pas belles ou impressionnantes en elles-mêmes : elles ne le sont que parce que nous avons des mots pour les regarder. »
Quel est le retour client qui t’a le plus touchée ?
Je pense à celui de Romain, concernant une galerie de Portraits d’artisans tapissiers : « L’entretien et l’écrit resteront certainement le plus beau témoignage d’un amour souvent difficile à exprimer en entreprise. Merci d’avoir su créer cette belle équipe et cette entreprise indispensable. » À celui de Marie-Anne, concernant son propre Portrait : « Non seulement l’expérience était belle artistiquement, mais elle était également riche humainement. Et c’est toujours la cerise sur le gâteau ! Merci, car non seulement la cerise était là, mais en plus elle était délicieuse. Les personnes que vous êtes, le soin et la passion que vous mettez dans votre travail, le respect que vous avez pour vos clients et vos collaborateurs… Tout cela m’a beaucoup touchée. » À celui de Pascal, un dirigeant qui nous a confié le Portrait personnifié d’un objet très atypique : « Tout est dit avec simplicité et grandeur ; l’excellence est bien là, c’est un travail d’orfèvrerie ! L’Art des belles lettres a maintenant un nom : Trafalgar. » À celui de Sophie, directrice communication d’un groupe leader de son secteur : « Je n’ai rien à redire : vous prouvez que l’écriture est extrêmement puissante quand elle est maîtrisée. » À celui de Bruno, diplomate : « À la lecture du portrait que vous avez réalisé, je ne retranche rien. Vous avez su pénétrer parfaitement le territoire de mes aspirations profondes et les révéler avec beaucoup de subtilité et de délicatesse. Soyez-en infiniment remerciés. Vous êtes comme un cuisinier qui doit sortir un plat d’exception avec des ingrédients qu’il n’a pas choisis et ne correspondent à aucune recette. C’est un exercice d’une exigence rare. Chapeau bas. Ce portrait Trafalgar est un cadeau précieux qui ne quittera jamais mon cœur. J’ai été très honoré et chanceux de pouvoir vous rencontrer. » Et généralement, quand une Maison de luxe ne modifie pas une virgule des réalisations que nous venons de livrer, c’est un retour qui dit tout, et qui ne manque pas de nous toucher.
Quelle est la partie que tu préfères dans ton métier ?
La première lecture des Portraits lorsqu’ils sortent tout juste du four ! C’est un moment précieux, durant lequel l’on voit danser ensemble le besoin client, le talent du Portraitiste, et celui de tous les membres de notre équipe qui se sont réunis en comité de lecture. Mais cette réponse serait incomplète sans évoquer le travail qui m’occupe sur la stratégie de développement de la Maison Trafalgar. Questionner le marché, comprendre ce qui résiste, ce qui est attendu, faire des choix à contre-courant de la concurrence, cultiver cette science du coup d’avance, affiner l’expérience client, et tout faire pour que chacun en garde une trace indélébile… Beaucoup trop d’entrepreneurs font le choix de créer une entreprise pour eux, mais ils semblent oublier qu’elle existe aussi pour leurs clients. Et puis le temps consacré au recrutement. C’est une partie qui réclame énormément d’efforts et d’implication émotionnelle, car lorsque l’on entre chez Trafalgar, l’on n’arrive pas comme dans un moulin, l’on prend ses marques dans une Maison. Les Portraitistes historiques arrivés quelque temps après la création de l’entreprise sont toujours là pour développer la Maison Trafalgar avec talent ; quand j’ai rencontré Benjamin, j’avais 23 ans – j’en ai 30 aujourd’hui. Entretemps, il est devenu papa deux fois, c’est peu dire que nous en avons vécu ensemble ! Maxime, lui, a commencé correcteur, il est devenu Portraitiste, et a désormais évolué en tant que Responsable de la production et des comités de lecture, que j’étais encore seule à diriger. Gilles est là depuis bientôt deux ans, et affirme voir Trafalgar comme un véritable projet de vie. Il n’est pas seulement question d’évolution d’un style d’écriture ou de carrière, mais d’évolution personnelle, et qu’il s’agisse de Portraitistes ou d’autres postes essentiels à notre Maison, comme la communication ou la gestion de projet, c’est pour moi très fort d’imaginer avec quels autres talents nous allons avoir le plaisir d’avancer et de grandir.
Comment sens-tu qu’un talent peut intégrer la Maison Trafalgar ?
Cela ne relève jamais d’un sentiment personnel. Qu’il écrive ou non, il est essentiel pour notre équipe que ce talent vibre autant que nous pour la mission de l’entreprise. Il est important qu’il partage notre précision, notre exigence, et surtout notre goût des autres. Si l’intériorité me touche, parce qu’elle donne toujours beaucoup de couleur à une personnalité, il me semble délicat d’intégrer la Maison Trafalgar si la rencontre vers l’autre représente un effort.
Quelles sont, selon toi, les plus belles réussites de Trafalgar ?
La Maison Trafalgar a fêté son 7e anniversaire en novembre dernier. Si 7 ans est l’âge de raison, alors ces 7 belles années nous auront donné raison d’avoir :
– Inventé notre métier de Portraitiste sur un marché de niche ;
– Élaboré, puis perfectionné un processus de création qui ose faire confiance aux talents et au temps long ;
– Démontré combien l’écriture pouvait être le socle d’une entreprise pérenne ;
– Porté l’amour des mots au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, dans les universités, les comités de direction, les conseils stratégiques de la Métropole, mais aussi dans des lieux aussi cruciaux qu’une maison d’arrêt ;
– Ciselé une signature textuelle forte sans rentrer dans le rang des marques blanches ;
– Cru en des profils atypiques, et repéré des potentiels qui se sont révélés au sein de notre Maison d’écriture ;
– Boudé la facilité en internalisant notre savoir-faire et en construisant des carrières, dans une époque où les métiers d’écriture sont le plus souvent précarisés ;
– Dit « non » à des propositions qui nous auraient dénaturés ;
– Démocratisé la littérature en entreprise, en faisant parler les objets, les lieux, les marques et les concepts autant que les femmes et les hommes ;
– Continué d’ouvrir nos portes à tous les acteurs, des startups naissantes aux plus grandes références du monde du luxe, en passant par les entreprises de Métiers d’art, les groupes leaders, les TPE et les PME familiales ;
– Tenu à apporter notre expertise à tous les secteurs, que nos clients soient agriculteurs, stylistes, chimistes, ingénieurs, transporteurs, horlogers, chocolatiers, vignerons, confiseurs, hôteliers, développeurs, franchisés, repreneurs ;
– Donné de notre temps à de nombreux autres entrepreneurs, et soutenu à notre tour les différentes structures d’accompagnement qui nous ont vu naître ;
– Témoigné de notre fidélité à des photographes, illustrateurs, graphistes, traducteurs, pianistes, sound designers passionnés, partenaires de confiance depuis le début de notre histoire ;
– Diversifié nos domaines d’activité, en développant également nos formations à l’éloquence et à la prise de parole en public ;
– Déjoué tous les pronostics et toutes les prophéties pour réaliser une croissance continue, année après année ;
– Pris autant de plaisir à vivre ensemble, depuis 2015, cette ravissante, touchante, courageuse, ambitieuse, prometteuse aventure entrepreneuriale !
Un développement à l’international est-il envisagé ?
Pas encore ! Nous avons tenu à bâtir une Maison de plus en plus complète, en privilégiant le développement de différentes offres comme le Portrait photographique, le Portrait dessin, le Portrait vidéo ou encore le Portrait audio. Nous tenons à notre croissance organique et mesurée. Nous sommes heureux d’avoir fait le choix d’installer notre Maison de Portraits dans notre ville de Lyon, et d’avoir le plaisir d’y accueillir des clients qui se trouvent partout en France, et à l’étranger – certains se sont déplacés depuis la Nouvelle-Zélande, et plus récemment depuis l’Afrique du Sud pour vivre l’expérience Trafalgar. En revanche, beaucoup de nos clients commandent leur Portrait en français et en anglais, et nous menons aussi des entretiens d’extraction dans la langue de Shakespeare, tout cela est de très bon augure. En même temps, en s’appelant Trafalgar…
Une anecdote liée à ton associée Bérengère ?
Les parents de Bérengère, qui viennent de Haute-Savoie, lui ont donné ce prénom en clin d’œil à une montagne située dans la réserve naturelle des Contamines. Sachant que je suis née à l’île de la Réunion – je me surprends parfois à penser qu’on aurait pu se louper quinze fois dans notre vie… Certains entrepreneurs se plaisent à marteler « qu’importe d’où l’on vient, ce qui compte, c’est où l’on va ! » Cela me résiste complètement. Cette entreprise s’est développée sans tricher, et aucun de nous n’a jamais renié cette notion d’ancrage ; elle est propre à chacun, et elle est une force pour travailler ensemble et se rejoindre ici ; au sein de la « Maison » Trafalgar, un autre point d’ancrage. Comme Georges Perec : « J’aimerais qu’il existe des lieux stables, immobiles, intangibles, intouchés et presque intouchables, immuables, enracinés ; des lieux qui seraient des références, des points de départ, des sources. »