Livret de Portraits - 10 ans Picture Organic Clothing
Une fois n’est pas coutume, la marque de vêtement outdoor écologique Picture Organic Clothing a voulu faire un pas de côté pour inscrire avec force le cap des dix ans. La Maison Trafalgar a donc écrit pour l’occasion un livret au ton détendu où se côtoient récits et anecdotes des 10 premiers collaborateurs, le Portrait croisé des 3 associés et le Portrait de marque personnifié de Picture, sous les traits d’un enfant de 10 ans. Un récit créatif et chapitré, dont les trois axes d’écriture donnent autant de points de vue sur la singularité de cette aventure amicale et entrepreneuriale.
Une nouvelle page s’ouvre sur l’écrit
Pied de nez au digital et au tout image, l’écrit trace de nouvelles lignes dans la société. Ses caractères s’impriment aussi dans le monde de la communication, qui a son mot à dire. Dans le tumulte d’une communication empreinte d’instantanéité, de vitesse et de technologie à en perdre son latin, il est des jeunes entreprises qui prennent le contrepied de cet environnement, en donnant naissance à des projets audacieux et à contre-courant. À l’image de Trafalgar Maison de Portraits, qui redonne du caractère à l’écriture à travers les Hommes, les histoires et les émotions. Les fondatrices Marion Derouvroy et Bérengère Wolff ont remis au goût du jour le portrait écrit qui se présente comme “le plus ancien des outils de communication moderne”. Bien loin des biographies flatteuses dénuées de sincérité et des présentations creuses. Un portrait qui naît d’un entretien d’extraction où les clients se livrent en toute liberté, où le temps est suspendu. Un portrait sensible qui entre dans les tréfonds de la pensée, avec pudeur. Un portrait au phrasé cousu main et au ton juste : “On repose le décor d’une expérience d’écriture et de lecture pour raconter avec justesse une histoire et faire ressortir l’émotion.” La Maison Trafalgar s’adresse aux particuliers et aux entreprises : “Nous cédons les droits d’auteur à nos clients, qui peuvent ainsi décliner les écrits sur leurs supports de communication”, indique Bérengère Wolff. Portraits iconiques. Portraits courts. Portraits croisés. Portraits de marque… qui peuvent faire l’objet d’un livre. Quand l’écrit reprend ses lettres de noblesse.
Le billet de Marie : Si j’aurais su, j’aurais pas lu
Marie est arrivée chez nous en immersion avec son bagage littéraire, soucieuse de découvrir les coulisses d’une Maison d’écriture haute couture. Pour ouvrir le bal de ses publications, la première se plaît à venir à la rescousse de la langue française. Sa syntaxe malmenée, ses expressions écartelées, n’en jetez plus la cour est pleine !
« Orthographe. La science qui épelle avec l’oeil à la place de l’oreille. Défendue avec plus de chaleur que de lumière par quelques échappés d’asiles. » – Ambrose Bierce
À toi qui penses que chacun voit midi à quatorze heures
À toi qui tu ne sais toujours pas c’est qui qui a raison
À toi qui te considères comme le bouquet mystère
À toi qui clos tes discours par « bon je me comprends » et tes réparties de « je dis ça, je dis rien » mais qui en dis toujours trop
À toi qui penses qu’au jour d’aujourd’hui, on est toujours pas fixé, mais que ça devrait arriver incessamment sous peu
À toi qui détestes ceux qui croivent tout savoir
À toi qui rêverais de leur rendre l’appareil
À toi qui ne sais toujours pas où est donc Ornicar
À toi qui aimes aller au coiffeur, au dentiste, au fleuriste
À toi qui souhaites toujours un bonne anniversaire
À toi qui travestis les expressions, qui vois la porte ouverte à toutes les fenêtres, et qui t’attardes sur la goutte d’eau qui met le feu aux poudres
À toi qui te places toujours avant l’autre dans une phrase
À toi qui adores y feuilleter, y dire, y faire, y montrer
À toi qui parles de la bague à ta mère et de la maison à ta cousine
À vous qu’on aime comme même, avec le franglais ou la langue fourchée
Hâtez-vous lentement ; et sans perdre courage,
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage :
Polissez-le sans cesse et le repolissez,
Ajoutez quelque fois et remasterisez
Mais cette langue surtout, ne cessez pas de l’aimer.
Marie Hauvy, en immersion dans la Maison Trafalgar
Photographie : Eugenio Mazzone
Accident d’expression
C’est joli, coloré, naïf, parfois agressif, toujours inventif !
© « 300 accidents d’expression : une seule victime, la langue française. » Par E. Blervaque, S. Ellias & L. Ribet
Extraits : CHABANNE
Écrits couture
Parce que chaque souche possède un caractère capable d’en rajouter une couche, il fallut, c’est vrai, bûcher les complémentarités et soigner les boutures pour aboutir à ces intelligences de travail qui préfèrent la proposition à l’opposition, la pérennisation à la précipitation. Avec la complexité des deux bâtisseurs se déploya cette luxuriante canopée de pratiques, de techniques et de spécificités, qui étendirent leur périmètre jusqu’à se rencontrer.
Aujourd’hui encore, l’architecte conserve la charmante réputation de rester sourd aux appels de la gravité, tant sa couronne de bois s’ébouriffe de desseins en pagaille. Paradoxe végétal, cet artiste dans l’âme se soucierait presque plus de la Lune que de son astre nourricier : ce qui est monotone l’ennuie, ce qui est laid le navre, et il aurait pu pousser tout arqué pour le plaisir d’être davantage remarqué. Ses ramures emberlificotées entre ses règles, ses compas, ses rotrings et ses inspirations, il étire sa vision dans toutes les directions. Il trace ici des arabesques gargantuesques, boude là les coutumes pour exhumer des volumes, imagine là-bas une baie vitrée au mépris des théorèmes démontrés.
L’ingénieur, à l’inverse, n’aurait pas jailli plus rectiligne avec un tuteur tiré au cordeau. Son fût très droit se cache sous une écorce de pragmatisme, qu’on pourrait croire imperméable à l’agréable : on lui prête un esprit si tranchant qu’il rabote n’importe quel problème au bourgeon. Maniant à son aise les factorielles et le factuel, ses branchages sont symétriques, et à toute hauteur identiques, afin de simplifier ses calculs et ses statistiques. Lui confierait-on totale liberté sur l’entière forêt, son côté carré lui ferait dictature d’y semer des cubes sans fioritures.
Extraits : BYBLOS
Portrait de dirigeant, Simon
Nul ne soupçonnerait alors que cette imposante carrure ayant soutenu tous les postes de sécurité puisse être portée par tant de légèreté. Malgré une simplicité confondante, le fondateur de Byblos reste conscient de la vivacité nécessaire à sa fonction. Il se souvient des enseignements piochés dans les livres d’école qui servaient de couverture à ses véritables lectures. Plongé dans les pages de ses comics, seules cases dans lesquelles l’adulte se soit toujours catapulté sans états d’âme, le gosse arpentait les bas-fonds de Gotham. À travers les péripéties des justiciers masqués et les leçons inculquées par les héros capés, Simon comprit très tôt que l’exercice d’une quelconque autorité impliquait de grandes responsabilités.
Parce que Simon a transféré le fond de sa personnalité dans les fondements de sa société, nombreux sont celles et ceux prêtant à Byblos les traits de la prévenance et de l’expertise sécuritaire, avant même de songer à la cité millénaire. Et c’est pourtant depuis cette ville portuaire que son accent fut porté par les vents méditerranéens jusqu’aux côtes du français, qu’il aborde encore avec « maladroiture ». Bien que sa terre natale ait tenu d’oasis pendant la guerre, cette dernière atteint les cœurs et les esprits, si bien qu’il s’y retrouva embarqué malgré lui. Là, durant les années noires du Liban, il bâtit son côté « très clan », et comprit que les liens et l’union étaient les meilleurs compagnons possibles.
L’altruisme passa aussi par la sympathie de Didier et Bernadette, dont le magasin servit de cadre à ses débuts d’agent de sécurité. Le duo le prit sous son aile en lui transmettant les rudiments de la grammaire et de la gastronomie, le goût du gâteau de foie et celui des jeux de mots. Il y eut enfin cet inconnu qui se désista sur une mission de chef de site à Guéret, et que Simon accepta de remplacer afin de consolider ses compétences. C’est dans la bienveillance qu’il reçut que Simon forgea cette vision d’une sécurité évolutive et renforcée par la finesse de l’analyse. Il la porta d’abord auprès de ses supérieurs, mais les mines perplexes et la rudesse du secteur déverrouillèrent ses envies d’entrepreneur.
Extraits : BIOMECA
Portrait croisé d’associés, Pascale et Julien
Quand certains réduisent l’entrepreneuriat à une source de profits, d’autres le mettent à profit pour revenir aux sources. Si Pascale Milani admet que le sacerdoce de la recherche publique l’avait plongée en dormance, Julien Chlasta s’est refusé très tôt à enfiler cette soutane qu’était pour lui la soutenance.
L’un est un habitué des yeux ronds chaque fois qu’il évoque un tissu qui n’est pas textile mais cellulaire, et a fini par s’y faire, tandis que l’autre entend que science sans prise de conscience n’entraînerait que ruine et larmes. Implantés en capitale des Gaules, campés dans une approche appelée à la diversification, Julien et Pascale alignent autant les références prestigieuses qu’ils ne descendent les préconceptions poussiéreuses.
Julien était ce collégien qui avait résolu l’équation E=M6 et rencontré son animateur aux montures iconiques. Il était ce lycéen qui se plaçait en marge des cahiers à carreaux, comme des espoirs étriqués de son établissement catho. Cet étudiant de la Doua qu’on ne pensait pas doué, sur lequel personne n’aurait misé un kopek, qui rapporta pourtant près de dix-mille euros à la recherche médicale, en connectant football et League of Legends au sein de sa propre association. À l’antithèse de Julien, et comme preuve que les enracinés peuvent être flexibles et mobiles, Pascale était impatiente d’élargir les perspectives au-delà de son île, et de rejoindre Marseille. Bien dans les clous, calée dans le rituel qui la conduisait à l’université de biologie par le bus 21 chaque matin, la spécialiste en force atomique prit la première sortie pour l’ENS Lyon et les promesses d’un post doc dans la cité où Paul Bocuse se plut à former ses toques.