Confinement : 10 livres pour s’évader sans mettre un pied dehors
Chez Trafalgar, on se confine avec une partie des auteurs qui nous ont appris à nous promener de l’intérieur…Rêveries du promeneur solitaire, Fragments d’un discours amoureux, Ne me dites plus jamais bon courage, Vol de nuit, Je voudrais pas crever, Cahier d’un retour au pays natal, L’insoutenable légèreté de l’être… Chaque semaine, nous vous préparons une nouvelle dizaine !
POUR LA PROMENADE INTÉRIEURE
Rêveries du promeneur solitaire, Jean-Jacques Rousseau
Les Rêveries du promeneur solitaire sont le dialogue avec lui-même d’un homme retiré de la société. Intitulées « Promenades », ses Rêveries prolongent les Confessions en abordant, dans une sorte de journal, sans autre lien que la disposition d’esprit du moment où il écrit, des méditations sur ses souvenirs ou sur le moment présent.
POUR APPELER UN CHAT UN CHAT
Fragments d’un discours amoureux, Roland Barthes
La nécessité de ce livre tient dans la considération suivante : le discours amoureux est aujourd’hui d’une extrême solitude. Ce discours peut être parlé par des milliers de sujets, mais il n’est soutenu par personne ; il est complètement abandonné des langages environnants, ignoré, déprécié ou moqué par eux, coupé non seulement du pouvoir, mais aussi de ses mécanismes, que sont les sciences, les savoirs et les arts.
POUR CESSER DE PARLER TRISTE
Ne me dites plus jamais bon courage, Philippe Bloch
La vie est belle, mais elle est courte. Chaque instant mérite d’être vécu intensément et apprécié à sa juste mesure. C’est possible et il était temps de le rappeler. Découvrez dans ce lexique les douze expressions qui vous pourrissent la vie au quotidien sans même vous en rendre compte, et apprenez à vous en débarrasser.
POUR SUSCITER DES VOCATIONS
Du côté de chez Swann, Marcel Proust
« Longtemps je me suis couché de bonne heure », est sans doute l’incipit le plus célèbre de la littérature française ; il ouvre une oeuvre monumentale qui a marqué la littérature en inventant une narration romanesque nouvelle. Dans cet ensemble labyrinthique, aucun n’a su explorer autant que Proust l’âme humaine. L’explorer par de longues phrases parsemées d’incises, et dans le même temps questionner la relation subtile entre souvenirs et émotions. Dans ce premier tome de l’oeuvre À la recherche du temps perdu, le narrateur adulte relate les souvenirs de son enfance : le drame du coucher, les madeleines, Combray et ses environs, sa rencontre avec Swann.
POUR RESTER SOLIDAIRE
La Peste, Albert Camus
Dans les années 1940, une terrible épidémie de peste s’abat sur Oran, l’isolant du reste du pays. Le docteur Rieux soigne les malades. Plusieurs personnages gravitent autour de lui. Certains offrent leur aide, certains désespèrent, d’autres cherchent à fuir. Si, dans cette histoire en forme de parabole, la peste peut être interprétée de différentes façons, Albert Camus souhaitait avant tout symboliser la montée du nazisme en Europe.
POUR PSYCHANALYSER TOUT LE MONDE
L’extase du selfie, Philippe Delerm
Il y a les gestes qui disent l’embarras, d’autres la satisfaction de soi, certains encore le simple plaisir d’exister, là maintenant, sur cette terre. Mais tous nous révèlent, dans nos gloires comme nos petitesses, nos amours comme nos détestations. Le selfie, le vapotage, la paume de la main bien à plat sur son volant, le verre que l’on tient à la main sans le boire. À lire Philippe Delerm, on se dit souvent : “Mais oui, bien sûr, c’est exactement cela !” : lui seul a su décrire ces gestes du quotidien avec tant de finesse et de vérité.
POUR LES MONTÉES D’ADRÉNALINE
Vol de nuit, Antoine de Saint-Exupéry
L’action se situe en Amérique du Sud, à l’époque héroïque de l’aviation commerciale. Le principal but que s’est fixé Rivière, le chef d’une compagnie aéropostale, est de prouver que l’avion est un moyen de transport plus rapide que le train pour acheminer le courrier, à condition d’imposer à ces pilotes des vols de nuit, extrêmement dangereux, qui permettent de ne pas perdre le temps gagné le jour.
POUR CHANTER LE NÉANT
Je voudrais pas crever, Boris Vian
Recueil de poésie publié à titre posthume, ce florilège révèle en filigrane la crainte, l’angoisse, le mal-être et la tristesse de Boris Vian qui se sait condamné à une mort jeune. Malgré sa noirceur, sa tristesse et les regrets qu’il exprime, il s’agit néanmoins d’une oeuvre vivifiante, qui célèbre la vie. Les jeux de mots et les néologismes donnent à ce recueil faussement enfantin une touche de légèreté, une teinte d’élégance absurde et un brin d’humour perturbant qui fait du bien : « Il vaudrait mieux gagner sa vie. Mais ma vie, je l’ai, moi, ma vie. La vie, c’est comme une dent – Il faut vous l’arracher, la vie. »
POUR PARTICIPER À LA RÉVOLUTION POÉTIQUE
Cahier d’un retour au pays natal, Aimé Césaire
Alors qu’il étudie en France, Aimé Césaire compose un poème sur la Martinique, encore sous le joug du colonialisme français. Décrivant avec beaucoup d’amertume une population bien souvent illettrée, pauvre et mal traitée par les Blancs, il devient le porte-parole des Noirs dominés, soumis, opprimés, battus et révoltés : “Et nous sommes debout maintenant, mon pays et moi. Les cheveux dans le vent, ma main petite dans son poing énorme…”
POUR MÉDITER TOUTE LA JOURNÉE
L’insoutenable légèreté de l’être, Milan Kundera
Quelle qualité − de la gravité ou de la légèreté − correspond le mieux à la condition humaine ? Où s’arrête le sérieux pour céder la place au frivole, et réciproquement ? Avec son art du paradoxe, Kundera pose ces questions à travers un texte composé à partir de quelques données simples mais qui s’enrichissent constamment de nouvelles nuances, dans un jeu de variations où s’unissent récit, rêve et réflexion, prose et poésie, histoire récente et ancienne.
Le billet de Jeanne : Le Badaud et le Hasard
Maître Badaud, à l’esprit connecté,
Tenait sur le web une page,
Maître Hasard par le biais du clavier,
Lui tint à peu près ce langage :
« Eh bonjour Monsieur le Badaud,
Que vous êtes investi !
Que j’aime vos défauts !
Sans mentir, si de fenêtre en fenêtre vous cessiez d’être volage,
Vous arriveriez au portail d’une Maison dont l’adage
Promet la plume, réclame l’aplomb et prépare
Chaque jour à penser l’écriture comme un art. »
A ces mots, le badaud clique d’un alerte doigt
Et pour bien honorer le temps qu’il prend de droit,
Il effectue une large recherche, laisse éclater son émoi.
Le Hasard s’en saisit et dit : « Mon bon Monsieur,
Apprenez que tout flâneur,
Scrolle, dévore, consomme plus qu’il ne goûte
Cette leçon vaut bien un écrin d’artisanat, sans doute ! »
Le Badaud heureux et de lettres repu
Jura, sans crier gare, qu’il ne s’en irait plus.
Jeanne Magherini, en immersion dans la Maison Trafalgar
Photographie : Society6
La Maison Trafalgar fête son 4ème anniversaire
Le chiffre 4 symbolise la construction, la réalisation, l’ordre et la stabilité. Et puisqu’il faut assurément 4 murs pour édifier une belle Maison, notre équipe est heureuse de partager avec vous la fierté et toute la portée de ce quatrième anniversaire. Alors à vous ! À nous ! À ce ciment invisible qui tient les défenseurs des belles lettres, à l’énergie entrepreneuriale, et à toutes les prochaines briques qui s’apprêtent à être posées pour que la Maison Trafalgar n’en finisse pas de pousser !
Dans les coulisses du shooting de Souraya
Une photographie signée Ksénia Vysotskaya et dirigée par les équipes de notre Maison, pour accompagner son futur Portrait écrit et cousu main par nos soins.
Le billet de Marie : Complainte d’un mot coquille
Je suis ce mot banal, mais qu’on juge bien utile,
Je suis là quand les mots plus justes se défilent,
Quand l’envie n’y est pas, ou bien quand le temps presse,
Je me glisse partout sans astuce ni adresse.
Si je passe inaperçu, je suis apprécié,
Je suis le bon copain ! Le si vite oublié,
Mais je me lasse d’orner le moindre propos,
Et de peu à peu perdre le sens des mots.
Je parle de vision, de passion, d’engagement,
Je choisis « aimer » – car j’ai peur des sentiments –
Sans nuance pour un plat, pour un homme, pour un vers,
Tout est authentique, tout est révolutionnaire.
Je m’escrime à écrire qu’un rien est convivial,
Pour moi chaque ambiance est toujours familiale.
Je dis beau, je dis grand, je me fais transparent,
Loin d’être original, je laisse indifférent.
J’étiquette à tour de bras « fait avec amour »,
Sans jamais chercher à affiner mon discours.
Je préfère les routes du coeur libéré,
Je me contente bien des images galvaudées,
De ce nouvel élan, ou du train vers demain,
J’aime les mots tordus qui me viennent de loin,
L’ubérisation me donne l’air érudit,
Je me perds à vouloir cueillir les ressentis.
À parler d’humanisme je deviens livide,
Je suis grandiloquent, mais comme une coquille vide,
Je veux tout et rien dire, et nulle part je résonne :
Car à plaire à tout le monde, on ne plaît à personne.
Marie Hauvy, en immersion dans la Maison Trafalgar
Photographie : Natalia Lyczko
Visite : Atelier de notre client MOF Nicolas Salagnac
Aujourd’hui, visite de l’atelier du MOF graveur médailleur Nicolas Salagnac pour Benjamin, portraitiste de notre Maison !
Le billet de Marie : Les mots sont des acrobates
« Il s’appelle Juste Leblanc. Ah bon, il a pas de prénom ? Je viens de vous le dire : Juste Leblanc. Leblanc, c’est son nom, et c’est Juste, son prénom. Monsieur Pignon, votre prénom à vous, c’est François, c’est juste ? Eh bien lui, c’est pareil, c’est Juste. » Si vous connaissez ce dialogue par coeur, alors vous êtes sensible aux tours de passe-passe qu’offre la langue française pour accrocher, amuser ou surprendre.
Équilibriste sur le fil des mots, l’écrivain avance avec adresse et se joue de son public. Réplique de film, de poésie, de chanson populaire, ou encore de bande dessinée, qu’importe les genres : écrire, c’est s’amuser. Friands des mêmes acrobaties, Victor Hugo et Jacques Brel plaisantent sous le même chapiteau, quand l’un clame « Et ma blême araignée, ogre illogique et las ; aimable, aime à régner, au gris logis qu’elle a », et que l’autre répond « Une valse à cent temps, une valse à cent ans, une valse ça s’entend, une valse à mille temps, une valse a mis l’temps, de patienter vingt ans ». Sensibles aux mêmes pirouettes, Goscinny et Balzac déclarent avec malice que « tous les étés, les Ibères deviennent plus rudes », et que « les bons comtes ont les bons habits ».
Explorer la langue, la tordre et la défier, nécessite une agilité suffisante pour se décliner sur tous les tons et dans tous les registres. On se laisse séduire par les astuces de langage dont regorge le comique. En littérature, comme Cocteau déclarant « je préfère les assauts des pique-assiettes aux assiettes de Picasso », ou les soldats de La Palice déplorant qu’« hélas, s’il n’était pas mort, il ferait encore envie ». On se souvient des pirouettes sur grand écran du fantastique Pierre Richard : « elle est gentille, Mlle Martin. C’est elle qui m’a ramassé quand je me suis électrocuté. Au bureau, en branchant la machine à café. J’voulais du jus, j’en ai eu ».
Jongler avec les lettres permet au ton cynique de marquer les esprits et d’accrocher l’attention : c’est bien ce que Coluche démontre en disant « tous les égouts sont dans la nature ». Ailleurs, la fameuse formule de Françoise Sagan se révèle tout aussi piquante par son jeu de mots : « La culture, c’est comme la confiture, moins on en a, plus on l’étale ». Mais le mieux reste encore de s’inspirer d’Audiard, qui parsème ses répliques cultes de stratagèmes langagiers : « vaut mieux s’en aller la tête basse que les pieds devant ».
Sur la palette poétique, les mots se mélangent tout autant : d’Apollinaire – « sous le pont Mirabeau coule la Seine, et nos amours » – à Prévert – « les feuilles mortes se ramassent à la pelle, et les souvenirs aussi ». On se plait à dénicher la poésie partout ailleurs, dans la « Décadanse » de Gainsbourg, près du Grand Corps Malade – « ma ligne de conduite est de viser la ligne d’horizon, pour voir plus loin que le bout de mes lignes » -, ou au coeur des tours de passe-passe de Mathieu Chédid : « est ce l’être infini qui me l’écrit, la lettre infinie que je relis ? »
On pourrait les nommer allitération, holorime, hypallage, zeugme, antanaclase, homéotéleute, ces figures sont avant tout mille et une manières de célébrer la souplesse et la richesse de la langue française, qui se glisse dans chaque pièce de notre Maison et que l’on travaille à notre façon.
Marie Hauvy, en immersion dans la Maison Trafalgar
Photographie : Greyson Joralemon
Le billet de Marie : Cessez la cure d’amincissement
Cet été, vous avez une carte à jouer.
Contre l’injonction du régime estival, il est urgent de cesser d’amaigrir notre rapport à l’écriture. Comme un exercice quotidien de musculation de l’esprit, il est tout aussi sain de travailler sa langue. Si les mots ne sont pas encore vos compagnons favoris, profitez de l’été pour vous échauffer, en commençant par de petites foulées. Familiarisez-vous avec le terrain de l’expression et apprenez à manier le crayon avec la dextérité du lanceur de javelot. Pas à pas, vous rectifierez le tir, et vos mots, de plus en plus précis et aiguisés, finiront par toucher la cible : vous arrivez au sprint final, sortez la pointe ultime. Vous pourrez alors étirer vos phrases et vos membres engourdis, exposer vos sentiments comme votre corps au soleil; le jeu en vaut la chandelle, et le voyage l’insolation.
Après tout l’écriture, c’est comme le vélo : ça ne s’oublie pas. Et il est un mérite de pédaler un peu. L’essentiel étant de laisser une trace, votre trace, par un style bien à vous, même au dos d’une photo de vaches normandes. Pour combattre, à l’épreuve du temps qui passe, l’obsolescence des idées et l’oubli des âmes. Pour réapprendre à parler en écrivant, réapprendre à écouter en lisant, réapprendre à donner en prenant le temps de s’arrêter.
Il y a votre course et celle des missives que l’on s’envoie, qui traversent des kilomètres d’une boîte à lettres à une boîte à l’autre. Quelques lignes suffisent à faire renaître le charme, la délicatesse des termes qui, couchés sur le papier pour une autre destination, se teintent d’une toute autre saveur en changeant de maison, prennent d’autres amplitudes et d’autres significations.
Il est primordial, mais aussi profitable, de s’octroyer une parenthèse, ce tête-à-tête en solitaire. Et si vous n’avez personne à qui écrire, si vous avez peur de finir sur un frigo, au milieu d’un album jauni ou dans une boîte mail saturée, écrivez-vous cette carte postale, et accordez-vous le temps de prendre de vos nouvelles.
Marie Hauvy, en immersion dans la Maison Trafalgar
Photographie : Natalia Lyczko
Le billet de Marie : Ode à la littérature
Longtemps je me suis couché de bonne heure. Ça a débuté comme ça. Voici enfin le moment attendu où je peux étaler le volume sur mon lit, l’ouvrir à l’endroit où j’ai été forcée d’abandonner… je m’y jette, je tombe… impossible de me laisser arrêter, retenir par les mots, par leur sens, leur aspect, par le déroulement des phrases, un courant invisible m’entraîne.
Ma mère m’avait raconté trop de jolies histoires, avec trop de talent et dans ces heures balbutiantes de l’aube où chaque fibre d’un enfant se trempe à jamais de la marque reçue. Un jour, la voix s’était enflée comme un triomphe, et la petite phrase courte qui fait chute à la fin du poème éclata comme un carillon métallique.
C’est alors que tout a vacillé. Un trouble s’éleva dans mon âme éperdue. Ce fut comme une apparition. La langue française est une eau pure que les écrivains maniérés n’ont jamais pu et ne pourront jamais troubler. Il ne peut exister à mon goût plus fin diseur de ces jolis rien qui sont tout. Je me trouvai enflammé jusqu’au transport, je me sentais vivre en elle, et elle vivait pour moi seul. Cette langue était, comme vous le savez déjà, sans rien savoir encore, le lys de cette vallée où elle croissait pour le ciel, en la remplissant du parfum de ses vertus. Ce sont vos lettres qui m’ont grisé ! Cher ange, vous êtes belle, à faire rêver d’amour. Comme on voit sur la branche au mois de mai la rose, en sa belle jeunesse, en sa première fleur, rendre le ciel jaloux de sa vive couleur, quand l’Aube de ses pleurs au point du jour l’arrose, je connais, moi, une fleur unique au monde. Je respire où tu palpites, il suffit que tu t’envoles pour que je m’envole aussi. Ne m’en veux pas si je te tutoie, je dis tu à tous ceux que j’aime.
Les autres mettent des semaines et des mois pour arriver à aimer. Moi, ce fut le temps d’un battement de paupières. Quelque chose qui chante en elle. Il est un air pour qui je donnerais tout Rossini, tout Mozart et tout Weber, un air très vieux, languissant et funèbre, qui pour moi seul a des charmes secrets. Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ? Aboli bibelot d’inanité sonore ? Les écrivains ont mis la langue en liberté. De la musique avant toute chose !
Je voulais que le monde entier sût combien tu étais merveilleusement, incroyablement, inimaginablement belle. Mais, trahie d’une partie de tes amis et délaissée des autres, tu te sens seule et abandonnée, perdue dans la cohue du large trottoir : les sanglots longs des violons de l’automne blessent mon coeur d’une langueur monotone.
Pour moi, c’est un malheur. Un malheur, tout le monde sait ce que c’est. Ça vous laisse sans défense. Eh bien ! Pour moi c’est un malheur. Je ne veux jamais l’oublier, ma colombe ma blanche rade, ô marguerite exfoliée, mon île au loin ma Désirade ma rose mon giroflier ! On ne peut plus. On ne peut plus vivre sans poésie, couleur ni amour. Il faut s’enivrer sans trêve. De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous ! De cet alambic, avec ses récipients de forme étrange, ses enroulements sans fin de tuyaux : mourir vos beaux yeux, belle Marquise, d’amour me font.
Il n’y a peut-être pas de jours de notre enfance que nous ayons si pleinement vécus que ceux que nous avons cru laisser sans les vivre, ceux que nous avons passé avec un livre préféré. Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices ! Suspendez votre cours. Lire, c’est voyager. J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans. Voyager, c’est bien utile, ça fait travailler l’imagination. Et puis d’abord tout le monde peut en faire autant. Il suffit de fermer les yeux. Je vois se dérouler des rivages heureux qu’éblouissent les feux d’un soleil monotone; la terre est bleue comme une orange. Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage, je laisserai le vent baigner ma tête nue. Je ne parlerai pas, je ne penserai rien, mais l’amour infini me montera dans l’âme.
Je m’éveille plein de gaieté, avec des envies de chanter dans la gorge. Le crime de rêver je consens qu’on l’instaure !
Toi qui en moi réveillas les musiques profondes, hâte-toi. Hâte-toi de transmettre ta part de merveilleux, de rébellion, de bienfaisance. Tu as été créée pour des moments peu communs.
Je ne veux point mourir encore, pour que le jour recommence, et que le jour finisse, à manier les mots, les soupeser, en explorer le sens. Va, je ne te hais point, je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps. Les mots il suffit qu’on les aime pour écrire un poème. Et par le pouvoir d’un mot, je recommence ma vie.
Ces mots qui nous ont bercés, marqués, hantés, ces mots frappants ou envoûtants, mélodiques ou caustiques. Ces mots qui nous ont donné le goût de la langue française et la volonté de lui dédier un lieu tout particulier, une Maison de Portraits.
Marie Hauvy, en immersion dans la Maison Trafalgar
Photographie : Joanna Kosinska
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Marcel Proust, Louis-Ferdinand Céline, Nathalie Sarraute, Romain Gary, Louis Aragon, Albert Camus, Jean Racine, Gustave Flaubert, Guy de Maupassant, Edmond Rostand, Abbé Prévost, Gérard de Nerval, Honoré de Balzac, Edmond Rostand, Théophile Gautier, Pierre de Ronsard, Antoine de Saint-Exupéry, Victor Hugo, Jacques Prévert, Albert Cohen, Louis Aragon, Gérard de Nerval, Jean Racine, Stéphane Mallarmé, Victor Hugo, Paul Verlaine, René Barjavel, Jean-Jacques Rousseau, Émile Zola, Paul Verlaine, Albert Camus, Guillaume Apollinaire, Antoine de Saint-Exupéry, Charles Baudelaire, Émile Zola, Jean-Baptiste Molière, Marcel Proust, Alphonse de Lamartine, Victor Hugo, Charles Baudelaire, Louis-Ferdinand Céline, Charles Baudelaire, Paul Éluard, Joachim du Bellay, Arthur Rimbaud, Guy de Maupassant, Louis Aragon, René Char, André Chénier, Jean Racine, Marguerite Yourcenar, Pierre Corneille, Victor Hugo, Raymond Queneau, Paul Éluard
Le billet de Marie : Si j’aurais su, j’aurais pas lu
Marie est arrivée chez nous en immersion avec son bagage littéraire, soucieuse de découvrir les coulisses d’une Maison d’écriture haute couture. Pour ouvrir le bal de ses publications, la première se plaît à venir à la rescousse de la langue française. Sa syntaxe malmenée, ses expressions écartelées, n’en jetez plus la cour est pleine !
« Orthographe. La science qui épelle avec l’oeil à la place de l’oreille. Défendue avec plus de chaleur que de lumière par quelques échappés d’asiles. » – Ambrose Bierce
À toi qui penses que chacun voit midi à quatorze heures
À toi qui tu ne sais toujours pas c’est qui qui a raison
À toi qui te considères comme le bouquet mystère
À toi qui clos tes discours par « bon je me comprends » et tes réparties de « je dis ça, je dis rien » mais qui en dis toujours trop
À toi qui penses qu’au jour d’aujourd’hui, on est toujours pas fixé, mais que ça devrait arriver incessamment sous peu
À toi qui détestes ceux qui croivent tout savoir
À toi qui rêverais de leur rendre l’appareil
À toi qui ne sais toujours pas où est donc Ornicar
À toi qui aimes aller au coiffeur, au dentiste, au fleuriste
À toi qui souhaites toujours un bonne anniversaire
À toi qui travestis les expressions, qui vois la porte ouverte à toutes les fenêtres, et qui t’attardes sur la goutte d’eau qui met le feu aux poudres
À toi qui te places toujours avant l’autre dans une phrase
À toi qui adores y feuilleter, y dire, y faire, y montrer
À toi qui parles de la bague à ta mère et de la maison à ta cousine
À vous qu’on aime comme même, avec le franglais ou la langue fourchée
Hâtez-vous lentement ; et sans perdre courage,
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage :
Polissez-le sans cesse et le repolissez,
Ajoutez quelque fois et remasterisez
Mais cette langue surtout, ne cessez pas de l’aimer.
Marie Hauvy, en immersion dans la Maison Trafalgar
Photographie : Eugenio Mazzone