Confinement : 10 livres pour continuer à s’évader sans mettre un pied dehors

Chez Trafalgar, on continue de se confiner avec une partie des auteurs qui nous ont appris à nous promener de l’intérieur… Une chambre à soi, La Métamorphose, Dream Team, Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon, Les victorieuses, Un jour je m’en irai sans avoir tout dit, La part de l’autre

POUR CHANGER LE MONDE DEPUIS SON LIT

Une chambre à soi, Virginia Woolf

Bravant les conventions avec une irritation voilée d’ironie, Virginia Woolf rappelle dans ce délicieux pamphlet comment, jusqu’à une époque toute récente, les femmes étaient savamment placées sous la dépendance spirituelle et économique des hommes et, nécessairement, réduites au silence. Il manquait à celles qui étaient douées pour affirmer leur génie de quoi vivre, du temps et une chambre à soi

POUR NE PAS SE LAISSER DÉSHUMANISER

La Métamorphose, Franz Kafka

Par un matin pluvieux, Gregor Samsa, un représentant de commerce spécialisé dans le tissu, se réveille dans sa chambre après une nuit agitée. En tirant la couverture, il découvre qu’il a été métamorphosé en un monstrueux insecte et se demande alors si tout cela est bien réel. Enfermé dans sa chambre par sa famille pour qui il est un objet de dégoût et de honte, il se fait nourrir par sa sœur. Gregor se trouve peu à peu abandonné. On comprend rapidement le sens allégorique : sa métamorphose apparaît comme une révolte individuelle contre une certaine société, le refus de mener une existence dépourvue de sens.

POUR DEVENIR LA MEILLEURE VERSION DE SOI-MÊME

Dream Team, Ludovic Girodon 

Pour que N+1 ne soit plus jamais égal à 0, Ludovic Girodon, salarié au Réseau Entreprendre Paris, délivre les meilleurs secrets des managers pour recruter et fidéliser l’équipe idéale. Désamorcer facilement les conflits, faire des feedbacks puissants, recruter les bonnes personnes, réussir ses entretiens en tête-à tête, valoriser les talents… «J’ai la chance dans mon métier actuel d’être entouré de managers, dirigeants ou fondateurs de tous horizons et voilà plusieurs années que je note dans mon téléphone toutes les techniques et astuces pour manager efficacement une équipe au quotidien. Et un jour, je me suis dit : ne garde pas toutes ces pépites pour toi. » 

POUR NE PLUS SE PLAINDRE DU CONFINEMENT

Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon, Jean-Paul Dubois

Cela fait deux ans que Paul Hansen purge sa peine dans la prison provinciale de Montréal. Auparavant, il était superintendant à L’Excelsior, une résidence où il déployait ses talents de concierge et plus encore de consolateur des affligés. Lorsqu’il n’était pas occupé à venir en aide aux habitants de L’Excelsior, il rejoignait Winona, sa compagne, aux commandes de son aéroplane. Mais tout changea le jour où il y eut un nouveau gérant à L’Excelsior, des conflits éclatèrent. Et l’inévitable se produisit. « Il y a une infinité de façons de gâcher sa vie », assure son narrateur, Paul Hansen.

POUR S’ÉCLIPSER À LA CAMPAGNE

Le Grand Meaulnes, Alain Fournier

François Seurel, le narrateur, est le fils d’un couple d’instituteurs d’un village de Sologne qui a pris en pension un adolescent, Augustin Meaulnes. Un jour, alors qu’il s’est perdu assez loin de la maison, Augustin arrive dans un château où se déroule une fête étrange. De retour à la maison il est incapable de le retrouver. Avec l’aide de François il cherche, pendant des années, ce château et cette jeune fille rencontrée. Lire Le Grand Meaulnes, c’est aller à la découverte d’aventures qui exigent d’incessants retours en arrière, comme si l’aiguillon du bonheur devait toujours se refléter dans le miroir troublant et tremblant de l’enfance, scruté par le regard fiévreux de l’adolescence.

POUR PRENDRE UNE LEÇON DE GÉNÉROSITÉ

Les victorieuses, Laetitia Colombani

À 40 ans, Solène a tout sacrifié à sa carrière d’avocate. Un jour, elle craque, s’effondre. C’est la dépression, le burn-out. Tandis qu’elle cherche à remonter la pente, son psychiatre l’oriente vers le bénévolat : sortez de vous-même, tournez-vous vers les autres, lui dit-il. Peu convaincue, Solène déchante lorsqu’elle est envoyée au Palais de la Femme, un foyer pour femmes en difficultés… Mais peu à peu, elle va comprendre le sens de sa vocation : l’écriture. Le Palais de la Femme existe. Laetitia Colombani nous invite à y entrer pour découvrir ses habitantes, leurs drames et leur misère, mais aussi leurs passions, leur puissance de vie.

POUR CONVIER SES MÉNINGES À UNE PETITE VALSE

Un jour je m’en irai sans avoir tout dit, Jean d’Ormesson

Un écrivain cherche sa voie et il ne s’en sort que par l’amour d’une femme, Marie. « Ce que je voulais savoir, je ne le sais toujours pas. Ce qui va nous arriver, et à toi et à moi, dans quelques années à peine, ou peut-être même demain, quand le temps sera écoulé de notre passage sur cette Terre, m’est toujours aussi obscur ». Dans ce livre profond, on retrouve ce qui a fait le succès des précédents ouvrages : la foi en la littérature, l’importance des sentiments, l’absence d’illusions, le goût du bonheur, la recherche de la vérité. Le tout comme soulevé par la grâce d’un style et d’une écriture ailée.

POUR HONORER SES PROMESSES

Le tour du monde en quatre-vingts jours, Jules Verne

Londres, 1872. Le valet Passepartout entre au service du sévère et pointilleux Phileas Fogg. Ce dernier ayant parié qu’il ferait le tour du monde en quatre-vingts jours, ils embarquent tous les deux dès le lendemain pour un voyage semé d’embûches. Mais ils ignorent qu’ils sont suivis par un détective opiniâtre. 

POUR METTRE PARIS EN BOUTEILLE

La part de l’autre, Éric-Emmanuel Schmitt

Recalé ce jour-là par d’intransigeants censeurs de l’École des Beaux-Arts de Vienne, le candidat Adolf Hitler va s’acheminer vers une existence pétrie de ressentiment, de refus de compassion mâtiné d’une folle soif du pouvoir. Chacun en connaît les conséquences historiques : la Seconde Guerre mondiale, le nazisme, les camps de concentration, le génocide, deux bombes atomiques, cinquante cinq millions de morts… Mais que se serait-il passé, qu’aurait-il donc pu advenir, si au contraire Hitler avait été reçu aux Beaux-Arts comme apprenti peintre méritant ? À partir de cette question, de cette infime infinie possibilité, bascule l’Histoire dans son entier.

POUR DÉVELOPPER SON FLAIR

Le Parfum, Patrick Süskind

« Qui maîtrisait les odeurs, maîtrisait le cœur des hommes ». Au XVIIIème siècle vécut en France, Jean-Baptiste Grenouille qui compta parmi les personnages les plus géniaux et les plus horribles de son époque. Sa naissance, son enfance furent épouvantables et tout autre que lui n’aurait pas survécu. Or, ce monstre de Grenouille avait un don, ou plutôt un nez unique au monde, et il entendait bien devenir, même par les moyens les plus atroces, le Dieu tout-puissant de l’univers. 


Confinement : 10 livres pour s’évader sans mettre un pied dehors

Chez Trafalgar, on se confine avec une partie des auteurs qui nous ont appris à nous promener de l’intérieur…Rêveries du promeneur solitaire, Fragments d’un discours amoureux, Ne me dites plus jamais bon courage, Vol de nuit, Je voudrais pas crever, Cahier d’un retour au pays natal, L’insoutenable légèreté de l’être… Chaque semaine, nous vous préparons une nouvelle dizaine !

POUR LA PROMENADE INTÉRIEURE

Rêveries du promeneur solitaire, Jean-Jacques Rousseau

Les Rêveries du promeneur solitaire sont le dialogue avec lui-même d’un homme retiré de la société. Intitulées « Promenades », ses Rêveries prolongent les Confessions en abordant, dans une sorte de journal, sans autre lien que la disposition d’esprit du moment où il écrit, des méditations sur ses souvenirs ou sur le moment présent.

POUR APPELER UN CHAT UN CHAT

Fragments d’un discours amoureux, Roland Barthes

La nécessité de ce livre tient dans la considération suivante : le discours amoureux est aujourd’hui d’une extrême solitude. Ce discours peut être parlé par des milliers de sujets, mais il n’est soutenu par personne ; il est complètement abandonné des langages environnants, ignoré, déprécié ou moqué par eux, coupé non seulement du pouvoir, mais aussi de ses mécanismes, que sont les sciences, les savoirs et les arts.

POUR CESSER DE PARLER TRISTE

Ne me dites plus jamais bon courage, Philippe Bloch

La vie est belle, mais elle est courte. Chaque instant mérite d’être vécu intensément et apprécié à sa juste mesure. C’est possible et il était temps de le rappeler. Découvrez dans ce lexique les douze expressions qui vous pourrissent la vie au quotidien sans même vous en rendre compte, et apprenez à vous en débarrasser.

POUR SUSCITER DES VOCATIONS

Du côté de chez Swann, Marcel Proust

« Longtemps je me suis couché de bonne heure », est sans doute l’incipit le plus célèbre de la littérature française ; il ouvre une oeuvre monumentale qui a marqué la littérature en inventant une narration romanesque nouvelle. Dans cet ensemble labyrinthique, aucun n’a su explorer autant que Proust l’âme humaine. L’explorer par de longues phrases parsemées d’incises, et dans le même temps questionner la relation subtile entre souvenirs et émotions. Dans ce premier tome de l’oeuvre À la recherche du temps perdu, le narrateur adulte relate les souvenirs de son enfance : le drame du coucher, les madeleines, Combray et ses environs, sa rencontre avec Swann.

POUR RESTER SOLIDAIRE

La Peste, Albert Camus

Dans les années 1940, une terrible épidémie de peste s’abat sur Oran, l’isolant du reste du pays. Le docteur Rieux soigne les malades. Plusieurs personnages gravitent autour de lui. Certains offrent leur aide, certains désespèrent, d’autres cherchent à fuir. Si, dans cette histoire en forme de parabole, la peste peut être interprétée de différentes façons, Albert Camus souhaitait avant tout symboliser la montée du nazisme en Europe.

POUR PSYCHANALYSER TOUT LE MONDE

L’extase du selfie, Philippe Delerm

Il y a les gestes qui disent l’embarras, d’autres la satisfaction de soi, certains encore le simple plaisir d’exister, là maintenant, sur cette terre. Mais tous nous révèlent, dans nos gloires comme nos petitesses, nos amours comme nos détestations. Le selfie, le vapotage, la paume de la main bien à plat sur son volant, le verre que l’on tient à la main sans le boire. À lire Philippe Delerm, on se dit souvent : “Mais oui, bien sûr, c’est exactement cela !” : lui seul a su décrire ces gestes du quotidien avec tant de finesse et de vérité.

POUR LES MONTÉES D’ADRÉNALINE

Vol de nuit, Antoine de Saint-Exupéry

L’action se situe en Amérique du Sud, à l’époque héroïque de l’aviation commerciale. Le principal but que s’est fixé Rivière, le chef d’une compagnie aéropostale, est de prouver que l’avion est un moyen de transport plus rapide que le train pour acheminer le courrier, à condition d’imposer à ces pilotes des vols de nuit, extrêmement dangereux, qui permettent de ne pas perdre le temps gagné le jour.

POUR CHANTER LE NÉANT

Je voudrais pas crever, Boris Vian

Recueil de poésie publié à titre posthume, ce florilège révèle en filigrane la crainte, l’angoisse, le mal-être et la tristesse de Boris Vian qui se sait condamné à une mort jeune. Malgré sa noirceur, sa tristesse et les regrets qu’il exprime, il s’agit néanmoins d’une oeuvre vivifiante, qui célèbre la vie. Les jeux de mots et les néologismes donnent à ce recueil faussement enfantin une touche de légèreté, une teinte d’élégance absurde et un brin d’humour perturbant qui fait du bien : « Il vaudrait mieux gagner sa vie. Mais ma vie, je l’ai, moi, ma vie. La vie, c’est comme une dent – Il faut vous l’arracher, la vie. »

POUR PARTICIPER À LA RÉVOLUTION POÉTIQUE

Cahier d’un retour au pays natal, Aimé Césaire

Alors qu’il étudie en France, Aimé Césaire compose un poème sur la Martinique, encore sous le joug du colonialisme français. Décrivant avec beaucoup d’amertume une population bien souvent illettrée, pauvre et mal traitée par les Blancs, il devient le porte-parole des Noirs dominés, soumis, opprimés, battus et révoltés : “Et nous sommes debout maintenant, mon pays et moi. Les cheveux dans le vent, ma main petite dans son poing énorme…”

POUR MÉDITER TOUTE LA JOURNÉE

L’insoutenable légèreté de l’être, Milan Kundera

Quelle qualité − de la gravité ou de la légèreté − correspond le mieux à la condition humaine ? Où s’arrête le sérieux pour céder la place au frivole, et réciproquement ? Avec son art du paradoxe, Kundera pose ces questions à travers un texte composé à partir de quelques données simples mais qui s’enrichissent constamment de nouvelles nuances, dans un jeu de variations où s’unissent récit, rêve et réflexion, prose et poésie, histoire récente et ancienne.


Le billet de Jeanne : Le Badaud et le Hasard

Maître Badaud, à l’esprit connecté,

Tenait sur le web une page,

Maître Hasard par le biais du clavier,

Lui tint à peu près ce langage :

« Eh bonjour Monsieur le Badaud,

Que vous êtes investi !

Que j’aime vos défauts !

Sans mentir, si de fenêtre en fenêtre vous cessiez d’être volage,

Vous arriveriez au portail d’une Maison dont l’adage

Promet la plume, réclame l’aplomb et prépare

Chaque jour à penser l’écriture comme un art. »

A ces mots, le badaud clique d’un alerte doigt

Et pour bien honorer le temps qu’il prend de droit,

Il effectue une large recherche, laisse éclater son émoi.

Le Hasard s’en saisit et dit : « Mon bon Monsieur,

Apprenez que tout flâneur,

Scrolle, dévore, consomme plus qu’il ne goûte

Cette leçon vaut bien un écrin d’artisanat, sans doute ! »

Le Badaud heureux et de lettres repu

Jura, sans crier gare, qu’il ne s’en irait plus.

 

Jeanne Magherini, en immersion dans la Maison Trafalgar

Photographie : Society6


La Maison Trafalgar fête son 4ème anniversaire

Le chiffre 4 symbolise la construction, la réalisation, l’ordre et la stabilité. Et puisqu’il faut assurément 4 murs pour édifier une belle Maison, notre équipe est heureuse de partager avec vous la fierté et toute la portée de ce quatrième anniversaire. Alors à vous ! À nous ! À ce ciment invisible qui tient les défenseurs des belles lettres, à l’énergie entrepreneuriale, et à toutes les prochaines briques qui s’apprêtent à être posées pour que la Maison Trafalgar n’en finisse pas de pousser !


Dans les coulisses du shooting de Souraya

Une photographie signée Ksénia Vysotskaya et dirigée par les équipes de notre Maison, pour accompagner son futur Portrait écrit et cousu main par nos soins.


Le billet de Marie : Complainte d’un mot coquille

Je suis ce mot banal, mais qu’on juge bien utile,

Je suis là quand les mots plus justes se défilent, 

Quand l’envie n’y est pas, ou bien quand le temps presse,

Je me glisse partout sans astuce ni adresse.

Si je passe inaperçu, je suis apprécié,

Je suis le bon copain ! Le si vite oublié,

Mais je me lasse d’orner le moindre propos,

Et de peu à peu perdre le sens des mots.

Je parle de vision, de passion, d’engagement,

Je choisis « aimer » – car j’ai peur des sentiments –  

Sans nuance pour un plat, pour un homme, pour un vers,

Tout est authentique, tout est révolutionnaire.

Je m’escrime à écrire qu’un rien est convivial,

Pour moi chaque ambiance est toujours familiale.

Je dis beau, je dis grand, je me fais transparent,

Loin d’être original, je laisse indifférent.

J’étiquette à tour de bras « fait avec amour »,

Sans jamais chercher à affiner mon discours.

Je préfère les routes du coeur libéré,

Je me contente bien des images galvaudées,

De ce nouvel élan, ou du train vers demain,

J’aime les mots tordus qui me viennent de loin,

L’ubérisation me donne l’air érudit,

Je me perds à vouloir cueillir les ressentis.

À parler d’humanisme je deviens livide,

Je suis grandiloquent, mais comme une coquille vide,

Je veux tout et rien dire, et nulle part je résonne :

Car à plaire à tout le monde, on ne plaît à personne.

 

Marie Hauvy, en immersion dans la Maison Trafalgar

Photographie : Natalia Lyczko


Visite : Atelier de notre client MOF Nicolas Salagnac

Aujourd’hui, visite de l’atelier du MOF graveur médailleur Nicolas Salagnac pour Benjamin, portraitiste de notre Maison !


Le billet de Marie : Les mots sont des acrobates

     « Il s’appelle Juste Leblanc. Ah bon, il a pas de prénom ? Je viens de vous le dire : Juste Leblanc. Leblanc, c’est son nom, et c’est Juste, son prénom. Monsieur Pignon, votre prénom à vous, c’est François, c’est juste ? Eh bien lui, c’est pareil, c’est Juste. » Si vous connaissez ce dialogue par coeur, alors vous êtes sensible aux tours de passe-passe qu’offre la langue française pour accrocher, amuser ou surprendre.

     Équilibriste sur le fil des mots, l’écrivain avance avec adresse et se joue de son public. Réplique de film, de poésie, de chanson populaire, ou encore de bande dessinée, qu’importe les genres : écrire, c’est s’amuser. Friands des mêmes acrobaties, Victor Hugo et Jacques Brel plaisantent sous le même chapiteau, quand l’un clame « Et ma blême araignée, ogre illogique et las ; aimable, aime à régner, au gris logis qu’elle a », et que l’autre répond « Une valse à cent temps, une valse à cent ans, une valse ça s’entend, une valse à mille temps, une valse a mis l’temps, de patienter vingt ans ». Sensibles aux mêmes pirouettes, Goscinny et Balzac déclarent avec malice que « tous les étés, les Ibères deviennent plus rudes », et que « les bons comtes ont les bons habits ».  

     Explorer la langue, la tordre et la défier, nécessite une agilité suffisante pour se décliner sur tous les tons et dans tous les registres. On se laisse séduire par les astuces de langage dont regorge le comique. En littérature, comme Cocteau déclarant « je préfère les assauts des pique-assiettes aux assiettes de Picasso », ou les soldats de La Palice déplorant qu’« hélas, s’il n’était pas mort, il ferait encore envie ». On se souvient des pirouettes sur grand écran du fantastique Pierre Richard : « elle est gentille, Mlle Martin. C’est elle qui m’a ramassé quand je me suis électrocuté. Au bureau, en branchant la machine à café. J’voulais du jus, j’en ai eu ». 

     Jongler avec les lettres permet au ton cynique de marquer les esprits et d’accrocher l’attention : c’est bien ce que Coluche démontre en disant « tous les égouts sont dans la nature ». Ailleurs, la fameuse formule de Françoise Sagan se révèle tout aussi piquante par son jeu de mots : « La culture, c’est comme la confiture, moins on en a, plus on l’étale ». Mais le mieux reste encore de s’inspirer d’Audiard, qui parsème ses répliques cultes de stratagèmes langagiers : « vaut mieux s’en aller la tête basse que les pieds devant ».

     Sur la palette poétique, les mots se mélangent tout autant : d’Apollinaire – « sous le pont Mirabeau coule la Seine, et nos amours » – à Prévert – « les feuilles mortes se ramassent à la pelle, et les souvenirs aussi ». On se plait à dénicher la poésie partout ailleurs, dans la « Décadanse » de Gainsbourg, près du Grand Corps Malade – « ma ligne de conduite est de viser la ligne d’horizon, pour voir plus loin que le bout de mes lignes » -, ou au coeur des tours de passe-passe de Mathieu Chédid : « est ce l’être infini qui me l’écrit, la lettre infinie que je relis ? »

     On pourrait les nommer allitération, holorime, hypallage, zeugme, antanaclase, homéotéleute, ces figures sont avant tout mille et une manières de célébrer la souplesse et la richesse de la langue française, qui se glisse dans chaque pièce de notre Maison et que l’on travaille à notre façon.

 

Marie Hauvy, en immersion dans la Maison Trafalgar

Photographie : Greyson Joralemon


Le billet de Marie : Cessez la cure d’amincissement

     Cet été, vous avez une carte à jouer.

     Contre l’injonction du régime estival, il est urgent de cesser d’amaigrir notre rapport à l’écriture. Comme un exercice quotidien de musculation de l’esprit, il est tout aussi sain de travailler sa langue. Si les mots ne sont pas encore vos compagnons favoris, profitez de l’été pour vous échauffer, en commençant par de petites foulées. Familiarisez-vous avec le terrain de l’expression et apprenez à manier le crayon avec la dextérité du lanceur de javelot. Pas à pas, vous rectifierez le tir, et vos mots, de plus en plus précis et aiguisés, finiront par toucher la cible : vous arrivez au sprint final, sortez la pointe ultime. Vous pourrez alors étirer vos phrases et vos membres engourdis, exposer vos sentiments comme votre corps au soleil; le jeu en vaut la chandelle, et le voyage l’insolation. 

     Après tout l’écriture, c’est comme le vélo : ça ne s’oublie pas. Et il est un mérite de pédaler un peu. L’essentiel étant de laisser une trace, votre trace, par un style bien à vous, même au dos d’une photo de vaches normandes. Pour combattre, à l’épreuve du temps qui passe, l’obsolescence des idées et l’oubli des âmes. Pour réapprendre à parler en écrivant, réapprendre à écouter en lisant, réapprendre à donner en prenant le temps de s’arrêter.

     Il y a votre course et celle des missives que l’on s’envoie, qui traversent des kilomètres d’une boîte à lettres à une boîte à l’autre. Quelques lignes suffisent à faire renaître le charme, la délicatesse des termes qui, couchés sur le papier pour une autre destination, se teintent d’une toute autre saveur en changeant de maison, prennent d’autres amplitudes et d’autres significations.

     Il est primordial, mais aussi profitable, de s’octroyer une parenthèse, ce tête-à-tête en solitaire. Et si vous n’avez personne à qui écrire, si vous avez peur de finir sur un frigo, au milieu d’un album jauni ou dans une boîte mail saturée, écrivez-vous cette carte postale, et accordez-vous le temps de prendre de vos nouvelles.

Marie Hauvy, en immersion dans la Maison Trafalgar

Photographie : Natalia Lyczko


Le billet de Marie : Ode à la littérature

Longtemps je me suis couché de bonne heure. Ça a débuté comme ça. Voici enfin le moment attendu où je peux étaler le volume sur mon lit, l’ouvrir à l’endroit où j’ai été forcée d’abandonner… je m’y jette, je tombe… impossible de me laisser arrêter, retenir par les mots, par leur sens, leur aspect, par le déroulement des phrases, un courant invisible m’entraîne.

Ma mère m’avait raconté trop de jolies histoires, avec trop de talent et dans ces heures balbutiantes de l’aube où chaque fibre d’un enfant se trempe à jamais de la marque reçue. Un jour, la voix s’était enflée comme un triomphe, et la petite phrase courte qui fait chute à la fin du poème éclata comme un carillon métallique.

C’est alors que tout a vacillé. Un trouble s’éleva dans mon âme éperdue. Ce fut comme une apparition. La langue française est une eau pure que les écrivains maniérés n’ont jamais pu et ne pourront jamais troubler. Il ne peut exister à mon goût plus fin diseur de ces jolis rien qui sont tout. Je me trouvai enflammé jusqu’au transport, je me sentais vivre en elle, et elle vivait pour moi seul. Cette langue était, comme vous le savez déjà, sans rien savoir encore, le lys de cette vallée où elle croissait pour le ciel, en la remplissant du parfum de ses vertus. Ce sont vos lettres qui m’ont grisé ! Cher ange, vous êtes belle, à faire rêver d’amour. Comme on voit sur la branche au mois de mai la rose, en sa belle jeunesse, en sa première fleur, rendre le ciel jaloux de sa vive couleur, quand l’Aube de ses pleurs au point du jour l’arrose, je connais, moi, une fleur unique au monde. Je respire où tu palpites, il suffit que tu t’envoles pour que je m’envole aussi. Ne m’en veux pas si je te tutoie, je dis tu à tous ceux que j’aime.

Les autres mettent des semaines et des mois pour arriver à aimer. Moi, ce fut le temps d’un battement de paupières. Quelque chose qui chante en elle. Il est un air pour qui je donnerais tout Rossini, tout Mozart et tout Weber, un air très vieux, languissant et funèbre, qui pour moi seul a des charmes secrets. Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ? Aboli bibelot d’inanité sonore ? Les écrivains ont mis la langue en liberté. De la musique avant toute chose !

Je voulais que le monde entier sût combien tu étais merveilleusement, incroyablement, inimaginablement belle. Mais, trahie d’une partie de tes amis et délaissée des autres, tu te sens seule et abandonnée, perdue dans la cohue du large trottoir : les sanglots longs des violons de l’automne blessent mon coeur d’une langueur monotone.

Pour moi, c’est un malheur. Un malheur, tout le monde sait ce que c’est. Ça vous laisse sans défense. Eh bien ! Pour moi c’est un malheur. Je ne veux jamais l’oublier, ma colombe ma blanche rade, ô marguerite exfoliée, mon île au loin ma Désirade ma rose mon giroflier ! On ne peut plus. On ne peut plus vivre sans poésie, couleur ni amour. Il faut s’enivrer sans trêve. De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous ! De cet alambic, avec ses récipients de forme étrange, ses enroulements sans fin de tuyaux : mourir vos beaux yeux, belle Marquise, d’amour me font.

Il n’y a peut-être pas de jours de notre enfance que nous ayons si pleinement vécus que ceux que nous avons cru laisser sans les vivre, ceux que nous avons passé avec un livre préféré. Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices ! Suspendez votre cours. Lire, c’est voyager. J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans. Voyager, c’est bien utile, ça fait travailler l’imagination. Et puis d’abord tout le monde peut en faire autant. Il suffit de fermer les yeux. Je vois se dérouler des rivages heureux qu’éblouissent les feux d’un soleil monotone; la terre est bleue comme une orange. Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage, je laisserai le vent baigner ma tête nue. Je ne parlerai pas, je ne penserai rien, mais l’amour infini me montera dans l’âme.

Je m’éveille plein de gaieté, avec des envies de chanter dans la gorge. Le crime de rêver je consens qu’on l’instaure !

Toi qui en moi réveillas les musiques profondes, hâte-toi. Hâte-toi de transmettre ta part de merveilleux, de rébellion, de bienfaisance. Tu as été créée pour des moments peu communs.

Je ne veux point mourir encore, pour que le jour recommence, et que le jour finisse, à manier les mots, les soupeser, en explorer le sens. Va, je ne te hais point, je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps. Les mots il suffit qu’on les aime pour écrire un poème. Et par le pouvoir d’un mot, je recommence ma vie.

 

Ces mots qui nous ont bercés, marqués, hantés, ces mots frappants ou envoûtants, mélodiques ou caustiques. Ces mots qui nous ont donné le goût de la langue française et la volonté de lui dédier un lieu tout particulier, une Maison de Portraits.

Marie Hauvy, en immersion dans la Maison Trafalgar

Photographie : Joanna Kosinska

Marcel Proust, Louis-Ferdinand Céline, Nathalie Sarraute, Romain Gary, Louis Aragon, Albert Camus, Jean Racine, Gustave Flaubert, Guy de Maupassant, Edmond Rostand, Abbé Prévost, Gérard de Nerval, Honoré de Balzac, Edmond Rostand, Théophile Gautier, Pierre de Ronsard, Antoine de Saint-Exupéry, Victor Hugo, Jacques Prévert, Albert Cohen, Louis Aragon, Gérard de Nerval, Jean Racine, Stéphane Mallarmé, Victor Hugo, Paul Verlaine, René Barjavel, Jean-Jacques Rousseau, Émile Zola, Paul Verlaine, Albert Camus, Guillaume Apollinaire, Antoine de Saint-Exupéry, Charles Baudelaire, Émile Zola, Jean-Baptiste Molière, Marcel Proust, Alphonse de Lamartine, Victor Hugo, Charles Baudelaire, Louis-Ferdinand Céline, Charles Baudelaire, Paul Éluard, Joachim du Bellay, Arthur Rimbaud, Guy de Maupassant, Louis Aragon, René Char, André Chénier, Jean Racine, Marguerite Yourcenar, Pierre Corneille, Victor Hugo, Raymond Queneau, Paul Éluard