Article - Maison Trafalgar artisan des mots
Le groupe Bref Eco consacre, dans son troisième numéro de Be Aura, un bel article complet sur l’aventure entrepreneuriale de notre Maison d’écriture haute couture.
En dix ans, Marion Derouvroy et Bérengère Wolff, acrobates des consonnes et des voyelles, ont réussi à transformer les mots en entreprise, redonnant par là même vie au métier de portraitiste.
Chez Maison Trafalgar, on ne dit pas contenu, mais signature. On ne parle pas d’interview, mais d’entretien. Et aux vaniteux on préfère les audacieux. Tout comme la fioriture fait place à l’élégance. Bienvenue dans le monde des mots de Trafalgar, une « Maison de Portraits » imaginée en 2015 par Marion Derouvroy et Bérengère Wolff, à Lyon. La première, publiée à dix-sept ans par une maison d’édition parisienne a un profil littéraire. Ma seconde, passionnée de théâtre, penche plutôt du côté de la communication. Ensemble, elles partagent cette passion des mots beaux et des mots justes et ce rêve une peu fou, à l’heure du tout numérique et de l’envahissante IA de « revaloriser l’écriture littéraire en créant une maison de talents.. Nous voulions aider celles et ceux qui ont fait des études de littérature à vivre de leur plume. » Et le pari est réussi. Maison Trafalgar emploie aujourd’hui dix « entrepreneurs littéraires », tous salariés de l’entreprise.
Une écriture qui traverse les époques de l’entreprise
« Vous avez l’aplomb, nous avons la plume ». Presque dix ans après, l’iconique signature de la Maison Trafalgar est toujours intacte, à l’instar de ces centaines de Portraits d’hommes et de femmes, mais également de marques et de lieux, réalisés par les Portraitistes Trafalgar pour de multiples occasions : départ à la retraite, anniversaire de l’entreprise, inauguration ou rénovation d’un lieu pour « faire parler les pierres »… Maison Trafalgar travaille avec les équipes RH, mais aussi communication et commerciale des entreprises qui utilisent ces écrits pour différents usages. « Nous proposons des écrits de fond avec un socle pérenne qui va traverser les époques de l’entreprise », estime Marion Derouvroy qui parle « d’écriture haute-couture ou de perma-écriture », loin des règles dictées par les standards du référencement. « Quand a l’IA, elle va paraphraser ce que les gens écrivent. Nous ne sommes pas inquiètes et trouvons déjà que tous les écrits se ressemblent. »
Un concours d’éloquence en prison
Un « nivellement de l’écriture vers le bas » qui fait dire à Marion Derouvroy et Bérengère Wolff que leur entreprise – « en croissance et rentable » – a encore de beaux jours devant elle, avec une offre qui s’est étoffé au-delà des portraits, avec de la réalisation de livre « de A à Z », des photos, des vidéos, de l’audio, mais aussi du dessin, de la traduction… « On fait travailler seize personnes », se réjouit Bérengère Wolff. Maison Trafalgar a également développé une offre de formation autour de l’art oratoire et de l’éloquence. Et a ainsi participé à la mise en place d’un concours d’éloquence pour la prison de Villefranche. Les deux associées, inséparables sur le plan stratégique, n’en ont pas fini de faire résonner les mots.
L’expérience du Portrait par Maison Trafalgar
Ninkasi, LDLC, Babolat, Lignee Roset, Atelier Jouffre, 1083... Toutes ces marques ont fait appel au savoir-faire des portraitistes de Maison Trafalgar. Avec, à chaque fois, le même « rituel pour couper du quotidien ». Tous les entretiens se passent dans les bureaux de Trafalgar, à Lyon, dans un joli appartement chaleureusement décoré, où l’invité est accueilli par les équipes. Sur un mur, des dizaines des photos des personnes déjà passées par là. Ensuite, rendez-vous en tête-à-tête avec un portraitiste de la Maison, pour un entretien de quatre heures, le tout accompagné d’un piano. « C’est un moment de lâcher prise où la personne fait l’expérience de l’humilité, pour raconter quelque chose de sincère. » Avant d’être remis au client, chaque portrait est relu par l’ensemble des portraitistes. Un métier où il « faut de l’empathie et une attention sincère aux autres », estime Marion Derouvroy.
Interview - Bérengère Wolff & Marion Derouvroy, associées de la Maison Trafalgar : "En déclarant sans cesse que tout tient de l’exception, plus rien n’apparait comme exceptionnel."
Les associées dévoilent les coulisses de notre Maison au magazine Luxus Plus. Au cours d’une interview croisée, elles présentent les fondements de notre entreprise littéraire, qui se bat depuis sa création pour une écriture pérenne, sur-mesure et haute couture dans le monde professionnel. Nos services, notre mission, nos projections et nos ambitions, découvrez les aspirations de notre Maison en découvrant les réponses de Marion et Bérengère.
Bérengère Wolff & Marion Derouvroy, associées de la Maison Trafalgar : « En déclarant sans cesse que tout tient de l’exception, plus rien n’apparaît comme exceptionnel. »
« Vous avez l’aplomb, nous avons la plume ».
Ce sens de la formule est au coeur de l’ADN de la Maison Trafalgar, une Maison d’écriture fondée en 2015 par un duo de lyonnaises très portées sur le poids des mots. Directrice associée, Bérengère Wolff est ainsi diplômée de l’EFAP et a oeuvré précédemment pour plusieurs médias et entreprises reconnues pour leur création de contenus, dont Marie-Claire, Paulette et Warner Bros. De son côté, Marion Derouvroy a fait les classes préparatoires Hypokhâgne et obtenu un double master en lettres et commerce à l’IAE Lyon School of Management.
Leur discours – foncièrement optimiste – tranche nettement avec l’injonction à des formats de plus en plus courts et la stigmatisa réservée aux personnes de sensibilité littéraire.
Ce positionnement hautement différenciant, à rebours de la toute puissance technologique et du diktat d’un « snack content » mal digéré, vite oublié, a permis au duo de se faire repérer par de grandes Maisons de luxe et toutes sortes d’entreprises, de la multinationale à l’artisan local.
L’occasion de revenir avec elles sur le savoir-faire qu’elles ont su réhabiliter et moderniser – le Portrait – avec une équipe pluridisciplinaire. Cette rencontre constitue aussi une belle opportunité d’évoquer la place de l’écrit à l’ère du numérique et de l’intelligence artificielle générative. Elle permet aussi de comprendre comment améliorer son style d’écriture et dompter cette « société du poisson rouge » – ce handicap de la mémoire flash – dépeint par Bruno Patino dans son ouvrage éponyme et dans laquelle l’hyperconnexion nous tous a précipités.
Luxus Plus : Vous avez choisi comme signature audacieuse et insolite “Maison d’écriture haute couture”. D’où vous est venue l’idée d’amener l’univers du luxe dans la rédaction ? Quel constat sur le marché de l’écriture vous a incité à lancer la Maison Trafalgar ?
Bérengère Wolff : À la création de la Maison Trafalgar, l’objectif était d’emprunter au vocabulaire de l’artisanat et de la haute couture pour revaloriser le savoir-faire littéraire et contrer une forme d’industrialisation des récits. En constatant que le marché de l’écriture en entreprise était moribond, nous avions à cœur de réintroduire le goût des mots dans la sphère professionnelle. L’objectif étant de ne pas laisser ce marché de l’écriture s’appauvrir en devenant un marché du contenu prêt à consommer, pour ne pas dire prêt-à-porter.
Marion Derouvroy : Nos clients ont conscience que tout est devenu tristement généraliste, impersonnel, que la qualité et l’inspiration se perdent. Au sein de notre entreprise, ils sont heureux de trouver un espace dans lequel ils ne se sentent plus à l’étroit. En artisans des mots, nous n’avons jamais dévié de notre ambition d’une écriture sur-mesure ni de notre stylistique soignée. C’est pour cela que les plus grandes Maisons et références du luxe nous choisissent comme partenaire privilégié. Dans l’écriture, comme dans la haute couture, tout est une question d’exigence dans l’approche et de finesse d’esprit.
LP : En quoi votre métier diffère-t-il de celui de l’écrivain public ou du très médiatisé mais discret ghostwriter ?
Bérengère Wolff : C’est d’abord une question de positionnement. Nous ne sommes ni journalistes, ni biographes, ni rédacteurs freelance ou ghostwriters. Nos clients ne nous demandent pas de nous fondre dans le décor comme le ferait un fantôme, ou de renoncer à notre style pour coller à un autre déjà existant. Ils viennent au contraire chercher notre regard en tant que Portraitistes littéraires, à savoir notre sensibilité, notre créativité avec un soupçon d’anti-conformisme, aussi. C’est ensuite une question d’engagement. Nous sommes dans une époque où la compétence rédactionnelle est souvent précarisée, où les plumes sont dévalorisées. Notre Maison ne transige pas sur la sécurité de l’emploi et le développement des carrières en interne. Plutôt que de constituer un collectif de rédacteurs indépendants, nous avons pris le parti d’une véritable dynamique d’atelier. Aux couteaux suisses, nous préférons les spécialistes.
Marion Derouvroy : Le métier de Portraitiste, comme tout métier de création, demande beaucoup de calme et de concentration. Ce respect du travail d’écriture et du temps que l’on se donne rendent nos Portraitistes encore plus fidèles à cette Maison ; certains y sont depuis la création. Tous nos écrits passent impérativement par un comité de lecture qui rassemble tout ou partie de l’équipe de la Maison. Cela permet à chacun de perfectionner, de sublimer son travail ; cela présuppose beaucoup de bienveillance mutuelle, et surtout de l’humilité. Une signature ne s’arrache pas, ne se vole pas, ne s’imite pas ; elle se construit chaque jour par un attachement de chacun d’entre nous à la pérennité de l’entreprise.
LP : Pourquoi avoir choisi de restaurer avec une touche de modernité la tradition du portrait ?
Bérengère Wolff : Pour se construire une place de choix, conformément à son ambition initiale, la Maison Trafalgar a effectivement fait du portrait un métier à part entière, original. Mais avant d’être modernisée, la tradition du portrait méritait d’abord d’être réhabilitée. Pour certains, il évoque un jeu d’ego, rappelant l’hagiographie, ou des textes écrits à coup de chirurgie stylistique. Ceux que nous pouvons lire dans la presse souffrent parfois d’un excès de storytelling, d’une starification qui ne permet plus d’être ému pour de vrai. Au-delà des biographies flatteuses trop peu sincères, on peut aussi penser aux présentations creuses beaucoup trop austères, comme le portrait chinois, qui tient debout avec trois questions et trois réponses laconiques. À l’inverse, on trouve aussi des écrits plus généreux, mais qui adoptent une certaine linéarité chronologique, en utilisant des dates clés comme seuls piliers. En réalité, le portrait est un format qui permet une grande liberté dans la construction narrative. Repenser la tradition du portrait écrit, consistait avant tout à le sortir de ses clichés ; c’est en ce sens que nous l’avons modernisée.
Marion Derouvroy : Si nous refusons de niveler vers le bas, notre ton est bien en phase avec notre époque. Notre équipe n’écrit pas avec une plume d’oie, à la lueur d’un ciel étoilé. Pour autant, notre Maison d’écriture haute couture a su remporter les premiers prix face à des startups tech qui n’existent même plus aujourd’hui. En tant qu’entrepreneurs-littéraires, nous sommes très connectés au monde de l’entreprise. L’utilisation même que nos clients font de nos écrits est moderne, loin de la seule utilisation papier. Le digital est poussé et nos écrits peuvent s’accompagner de déclinaisons photographiques ou vidéos. En outre, nos Portraits audios permettent de tisser des bulles immersives au sein d’un musée d’entreprise.
LP : Comment fait-on pour gérer une entreprise littéraire dans un présent marqué par l’intelligence artificielle générative et l’érosion du temps d’attention ? Est-ce que ce nouveau paradigme bouleverse vos méthodes de travail ou complexifie les rencontres avec vos clients ?
Bérengère Wolff : Nous connaissons la valeur de notre signature et ne craignons pas les dérives de l’intelligence artificielle. Dans notre équipe, nous sommes certains que ces limites, à force d’être sans cesse poussées et repoussées, encourageront encore davantage les clients à se tourner vers des experts. La surabondance des contenus générés par l’IA fait justement ressortir la qualité des créations humaines, quand elles relèvent d’un véritable savoir-faire et qu’elles font l’effort de ne pas être purement fonctionnelles ou informationnelles. Au-delà de notre signature textuelle, nous pouvons aussi compter sur la force de notre méthode et la fiabilité de nos entretiens d’extraction. L’IA n’est pas en capacité de récolter minutieusement cette matière première. Quant à l’érosion du temps d’attention, il est vrai que l’immédiateté a fait de la prose une matière volatile qui se consomme et puis s’oublie. Nous passons donc notre temps à sensibiliser sur l’importance de prendre ce temps.
Marion Derouvroy : Le constat est surtout criant dans les pratiques du travail et du numérique, où la lecture se fait souvent en diagonale. « Contenus à impact », et autres « punchlines » dénotent bien davantage d’une sorte de lutte, de violence à l’écriture, que d’un quelconque plaisir à la lecture. Aurions-nous aujourd’hui la concentration d’un poisson rouge dans son bocal ? Est-ce la faute du poisson ou du bocal ? La concision est à la mode. Le lecteur n’a jamais le temps. Il est sans cesse sollicité par les notifications en cascade, les pop-ups, les messages. Il faut donc aller vite, avec des phrases courtes. Un vocabulaire basique. Des sauts de lignes. Même si cela est très ambitieux, nous travaillons à faire reculer ces mauvaises habitudes. La question est moins le temps d’attention que la diffusion de textes qui ne sont pas pétillants pour l’esprit. Blâmer le lecteur revient à se défausser de sa propre responsabilité. C’est à la plume d’intriguer, d’inviter à quitter la surface des choses, pour emmener en profondeur.
LP : Pour quelles raisons vos clients font-ils appel à vos services ? Quel travail préalable doivent-ils mener avant de vous rencontrer ?
Bérengère Wolff : Nos clients font appel à Maison Trafalgar lorsqu’ils ont besoin d’un écrit socle pour accompagner leurs enjeux ou un tournant de l’entreprise : cession, transmission, départ à la retraite, nomination, recrutement, développement de la marque employeur, création de leur intranet, repositionnement, célébration d’anniversaire… Pour eux nous réalisons des Portraits iconiques de marques mais aussi des Portraits de lieux, d’ateliers, de produits, de collections ; ils peuvent être individuels ou croisés ou prendre la forme de galeries de Portraits de collaborateurs ou d’artisans. A côté de cela, nous réalisons des Écrits Coutures dédiés à des thématiques. Mais si la plupart frappent à notre porte c’est avant tout pour se renouveler, actualiser leurs lignes, expliciter leur activité par le biais d’un écrin littéraire à la mesure de leur savoir-faire. Il s’agit aussi d’enchanter leurs propres clients, de singulariser leur signature ou leur prise de parole. À ces exemples, s’ajoutent tous ceux qui permettent de sonner la fin du millefeuille textuel : contenus trop éparpillés, trop redondants, trop consensuels.
Marion Derouvroy : Sans compter que dans le monde du luxe, nous assistons soit au minimalisme extrême – les équipes n’osent plus écrire -, soit au bal des superlatifs. Tout est majestueux et unique, tout n’est que quintessence et excellence. Mais en déclarant sans cesse que tout tient de l’exception, plus rien n’apparaît comme exceptionnel. Le fait que nous ne soyons pas sectorisés plaît d’ailleurs beaucoup, car à force de compter sur les mêmes rédacteurs spécialisés, il devient de plus en plus difficile pour les marques de se distinguer. Quant aux prérequis, il n’y en a pas : nos clients se laissent guider par l’équipe Trafalgar. Beaucoup étaient essoufflés des briefs chronographes qu’ils avaient eux-même à construire, et de ce rapport descendant entre le donneur d’ordre et l’exécutant. Les Maisons de luxe nous laissent régulièrement carte blanche ; nous travaillons avec certaines de manière récurrente depuis plus de 5 ans, et en phase de validation, elles ne touchent parfois qu’une virgule.
LP : De nombreux témoignages relèvent “la justesse du mot” parmi vos forces. Quels conseils donneriez-vous pour améliorer son écriture ?
Marion Derouvroy : « Pour bien écrire, il faut une facilité naturelle et une difficulté acquise. » Cette citation de Joseph Joubert est très appréciée de nos équipes. Le premier conseil pour améliorer son écriture est d’abord de travailler et de s’engager pleinement dans ces efforts. Il faut briser le mythe d’un talent qui tombe du ciel, fuir les lieux communs, confronter son écriture et remettre cent fois son ouvrage sur le métier. Ce n’est pas pour rien que nous sommes sensibles à tout ce que réclame l’artisanat et l’exigence d’un geste. Nous comptons de nombreuses Entreprises du Patrimoine Vivant comme clientes, car nous nous retrouvons dans l’approche de nos métiers respectifs. La Maison Trafalgar est à cet égard partenaire officiel de l’Institut National des Métiers d’Art.
Bérengère Wolff : Le second conseil est de continuer de s’inspirer. Au sein de la Maison Trafalgar, entre une pépite vidéoludique et un film de samouraïs en noir et blanc, les sons de la West Coast se font l’écho des opéras de Faust. On y loue l’art sous toutes ses formes, on y déguste les philosophes antiques comme les écrivaines à la page, on croque les héroïnes de la bande dessinée autant que les beaux voyages. Chez nous, chacun a amené dans ses bagages ses connaissances, ses principes, une partie de lui-même ; c’est toute une nébuleuse d’inspirations qui s’étend.
LP : Vos clients se rendent dans la Maison Trafalgar pour vivre l’expérience de l’entretien d’extraction. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce lieu et notamment le rôle que joue la musique dans ces entretiens ?
Marion Derouvroy : Nous privilégions toujours des rendez-vous au sein de notre propre salon, plutôt que des rencontres furtives dans un café bruyant. Qu’ils soient en France ou à l’étranger, nos clients se rendent dans la Maison Trafalgar pour vivre l’expérience de l’entretien d’extraction, qui précède chaque phase d’écriture. Une manière pour eux de sortir de leur bureau, de couper un temps avec leur quotidien ou de déposer l’armure professionnelle quand le besoin s’en fait sentir.
Bérengère Wolff : Pour réaliser des écrins textuels cousus main du premier mot au point final, la Maison Trafalgar a calibré sa promesse dans les moindres détails. Notre pianiste peut jouer pendant plusieurs heures lors d’une performance personnalisée, prenant en compte les goûts musicaux de notre client. Ces notes sont autant de repères émotionnels discrets au cours de l’entretien, qui encouragent une parole libre et complètent l’expérience sur-mesure de notre Maison d’écriture haute couture.
LP : Trafalgar, ce ne sont pas seulement des textes ciselés sur papier, ce sont aussi des mots qui résonnent. Quel est l’apport de la Maison dans les concours d’éloquence ?
Bérengère Wolff : Au-delà de son expertise de niche, notre Maison d’écriture est devenue, au fil des années, une experte du langage à l’écrit comme à l’oral. Nos clients nous confient l’écriture de leurs discours ou de tribunes qui éclairent leurs analyses, leurs opinions. Pour répondre au mieux à cette demande, nous avons également déployé notre pôle en art oratoire.
Marion Derouvroy : Rhétorique, techniques de conviction, prises de paroles en public, la Maison Trafalgar intervient aussi bien dans les conseils d’administration stratégiques que dans les maisons d’arrêt. Si nous accompagnons depuis plusieurs années les directions, les équipes commerciales ou de communication, il est fondamental de comprendre que les mots sont à tous et nous sommes toujours aussi désireux de faire bénéficier le plus grand nombre des pouvoirs de la parole.
LP : On dit la jeune génération incapable d’écrire convenablement, trop occupée à écrire en langage SMS tandis que les professions littéraires ont été longtemps dévalorisées. Êtes-vous néanmoins optimiste sur la pratique de la langue française ? Pensez-vous qu’il faut redonner plus de place aux profils littéraires dans le recrutement en entreprise ?
Bérengère Wolff : Nous sommes optimistes et préférons voir le verre à moitié plein ! La maîtrise de la langue française n’est pas une question de génération. Les journées portes ouvertes que nous avons l’habitude d’organiser pour aller à la rencontre des jeunes et leur présenter notre métier, en témoignent. Ce n’est pas l’attrait pour l’écriture qui manque, pas plus que les profils littéraires ! Nous les croisons d’ailleurs à des postes de direction, dans les ressources humaines, le journalisme et parfois frustrés, asséchés, dans les agences de communication. Ce qui manque, ce sont surtout des débouchés et c’est probablement ces perspectives qui vident les filières littéraires de leurs étudiants.
Marion Derouvroy : Nous ne recrutons pas uniquement des diplômés d’études de lettres mais des sensibilités littéraires. Nous nous sommes entourées de talents bruts qui ne se seraient jamais figurés portraitistes littéraires. Certains ont rejoint l’aventure avec leur bagage sociologique, juridique, parfois même scientifique. Les excellents littéraires se cachent vraiment partout ! Beaucoup de gens adorent écrire, veulent écrire mais peu parviennent à en faire leur métier. Malheureusement, les rédacteurs sont d’autant moins motivés qu’ils sont souvent mal payés et n’offrent pas la même qualité en termes de prestations. Cela alimente la croyance selon laquelle les littéraires ne sont pas bien formés. Certains se figurent, enfin, les esprits littéraires complètement déconnectés du monde économique. On les montrera parfois, dans l’entrepreneuriat, comme des originaux. Nous avons beaucoup d’admiration pour celles et ceux qui prennent le problème à la racine en créant des entreprises et en renforçant la belle communauté d’entrepreneurs-littéraires !
LP : Trafalgar, victoire anglaise. Quelle place accordez-vous à la langue de Shakespeare ? Ambitionnez-vous “to cross the channel” ?
Bérengère Wolff : Comme plusieurs de nos clients disposent eux-mêmes d’une clientèle internationale, nous travaillons en anglais avec la même exigence qu’en français. Avec un tel nom, il aurait quand même été ironique que la Maison Trafalgar ne soit pas aussi carrée de l’autre côté de la Manche. Dans la langue de Molière comme de Shakespeare, nos adaptations secouent les lieux communs.
Marion Derouvroy : Il est évident que nous bannissons les traductions littérales et défendons le droit à une belle langue, à une écriture créative et précise dans tous les pays. Nous avançons toutefois avec humilité. Comme l’a écrit Voltaire, « apprendre plusieurs langues c’est l’affaire de peu d’années, être éloquent dans la sienne, c’est l’affaire de toute une vie ». Nous sommes très heureux que de nombreux de nos écrits Trafalgar soient traduits en italien, en espagnol, en mandarin, ou encore en néerlandais. Pour ce qui est de l’avenir, notre Maison ne ferme aucune porte. To be continued…
Forbes France : Trafalgar dans le Calendrier de l'Avent 2021 !
HEC Stories : l’inclusion des littéraires dans les entreprises
Virgile Deslandre, notre Directeur des Opérations, en charge des formations, des conférences et des ateliers dispensés par la Maison Trafalgar, s’exprime dans le magazine de son ancienne école Hec Stories. Ancien élève de l’ENS Lyon en Philosophie, accoutumé à mettre à profit ses compétences littéraires au service du monde des affaires, il saisit cette occasion pour revenir sur l’inclusion des littéraires dans les entreprises et mentionner les initiatives qui nous tiennent à cœur, à l’image de l’Opération Phénix.
Extrait :
« J’ai fusionné il y a quelques mois mes activités avec celles de la Maison Trafalgar, Maison d’écriture haute couture initialement spécialisée dans le Portrait littéraire, et désormais spécialiste du langage sous toutes ses formes. « Trafalgar », « Phénix » : des noms empreints d’Histoire et de mystère ; étrange Maison en effet qui sécurise les littéraires, internalise ces « Portraitistes » qui font partie intégrante de l’équipe et sont rémunérés à temps plein pour… écrire. Ce qui pouvait passer pour un pari insensé ne l’étant plus – la Maison prospérant depuis six ans et comptant nombre de références parmi ses entreprises clientes –, m’a incité, en tant que Directeur des Opérations, à agiter les réflexions qui précèdent quant à l’absurde séparation entre les études littéraires et le monde de l’entreprise. Je souhaitais les partager avec vous, et notamment avec ceux de mes camarades qui développent et/ou dirigent des entreprises car, à l’évidence, il n’est pas imprudent d’employer ceux que l’on tient, à tort, pour des brebis égarées ; il l’est sans doute encore moins, ce journal en soit témoin, que l’expression écrite soit valorisée comme elle se doit de l’être. »
Retrouvez l’article page 7 sur : https://hecstories.fr/wp-content/uploads/journal_11_complet.pdf
La Maison Trafalgar coordonne un concours d'éloquence en détention
La Maison Trafalgar est heureuse et honorée d’avoir été choisie pour coordonner le premier concours d’éloquence au sein de la Maison d’arrêt de Villefranche-sur-Saône. Encadré par Virgile Deslandre, notre directeur des opérations et spécialiste de l’art oratoire, ce projet a permis aux détenus de se former aux subtilités de la rhétorique durant une vingtaine d’heures – de l’écriture du discours, à sa mise en voix – et de présenter leur travail à un jury de professionnels. Autant de moments qui leur ont permis de sortir de la routine carcérale pour confronter, structurer et exprimer librement leurs pensées sur des sujets choisis. La belle finale de ce concours nous aura confortés, à nouveau, dans notre volonté d’explorer les pouvoirs de la parole et d’en partager les techniques au-delà des entreprises au sein desquelles nous intervenons, au plus près de tous ceux qui en expriment le désir ou le besoin.
Bérengère et Marion de la Maison Trafalgar, vivre de sa plume en écrivant le parcours des autres
Vous vivez de l’écriture à votre manière, et avez réussi à construire une belle entreprise autour de l’écriture, pouvez-vous commencer par vous présenter et nous expliquer vos rôles respectifs dans la Maison Trafalgar ?
Marion : J’ai un début de parcours vraiment littéraire. BAC L, Classes préparatoires hypokhâgne, un Master de Lettres Modernes, et un double Master Lettres-Commerce à l’iaelyon. Un Master spé entrepreneuriat aussi, durant lequel j’ai rencontré Bérengère, par le biais du média que j’avais monté à l’époque. Dans la Maison Trafalgar, mon rôle est de garantir la qualité de la signature. Depuis que je suis sortie de la production en tant que Portraitiste, nous formons avec Bérengère une seule et même commerciale à deux têtes, mais j’assure également la partie recrutement, les comités de rédaction menés en présence de tous nos Portraitistes, tout en me chargeant de ce qui touche à la stratégie, à la communication… Avec Bérengère, nous formons un binôme sur quasiment tous les aspects, ce qui est assez rare pour des associées !
Bérengère : De mon côté, j’ai fait un DUT information-communication, puis l’EFAP Com’ à Paris, donc j’ai plutôt une vision de la communication chez l’annonceur, en entreprise. J’ai créé une première entreprise avant de rencontrer Marion, puis de rejoindre l’aventure Trafalgar Magazine, qu’elle démarrait à l’époque. Aujourd’hui, mes casquettes sont multiples. Comme dans beaucoup de jeunes entreprises, j’ai à la fois la main sur le graphisme, la communication, la stratégie, les finances, la comptabilité, les chiffres de la Maison d’écriture – alors que je n’avais pas du tout d’appétence pour les chiffres avant d’y être !
Comment est venue l’idée de créer cette Maison ?
Marion : Ce sont les clients qui ont eu l’idée ! J’ai eu l’idée du concept de portraits à l’époque du média « Trafalgar Magazine » (que j’avais lancé pendant mon double Master, et qui se consacrait aux portraits de jeunes audacieux lyonnais de moins de 30 ans), mais j’ignorais que tout cela allait nous mener à monter une société spécialisée dans le Portrait écrit.
Bérengère : Le média était en fait déjà géré comme une petite entreprise, mais tous les membres bénévoles qui étaient engagés poursuivaient leurs études ou une activité professionnelle en parallèle : nous savions donc qu’il allait avoir une fin. Pour autant, nous avons sorti Le livre de l’Audace, nous nous sommes très vite investies sur le tissu entrepreneurial lyonnais, nous étions invitées à remettre des prix lors de concours entrepreneuriaux, à témoigner lors de différents évènements, alors que nous n’avions pas encore développé notre entreprise.
Marion : Et coup de théâtre ! En plein dans mes études, je me retrouve à crouler sous les demandes de devis, car si nous étions entourées de graphistes, de photographes, j’étais encore à l’époque la seule plume. J’ai d’abord refusé de répondre aux sollicitations de potentiels « clients », pensant qu’il était question de publireportage, et qu’ils souhaitaient paraître dans les pages du média. Au bout de la sixième, septième demande, je comprends finalement qu’on ne vient pas me trouver pour de la visibilité, mais pour commander le savoir-faire portrait qui était déjà, à l’époque, hyper ciselé. Je fuyais à tout prix la vie de Freelance, et je savais qu’il y a un concept, une niche à développer, qu’il fallait que je creuse. Donc je me suis très vite inscrite à l’accélérateur Boost in Lyon, j’ai décidé de faire mon stage de fin de Master 2 dans l’incubateur Manufactory, afin de saisir si tous ceux qui ont frappé à la porte du « baby Trafalgar » sont le signe d’un début de marché, ou si cela relève d’un simple coup de chance. La Maison Trafalgar est donc née du besoin ; c’est à la suite des sollicitations que nous avons développé la stratégie, au fur et à mesure des attentes de nos clients. À l’origine, il n’y avait pas d’offres, il n’y avait rien, sauf des clients ! Donc nous avons pu nous salarier au bout de 2 mois de création. Parallèlement, nous avons fermé et offert le webzine à une étudiante en lettres. Je savais exactement où je voulais aller, mais je tombais de Charybde en Scylla les premiers mois – j’étais une calamité en termes de gestion !
Bérengère : Je regardais Marion se lancer du coin de l’œil, et je me suis dit : « je crois qu’il faut qu’on y aille ensemble », et on ne s’est plus jamais quitté ! On avait la même minutie, et on a tout de suite, et toujours, partagé la même vision. Celle de bâtir la première Maison de Portraits en France, cette belle Maison d’écriture Haute Couture spécialisée dans le Portrait cousu main. Dès le début, nous avons également affirmé cette volonté d’internaliser les talents, d’entreprendre pour créer de l’emploi, ce qui est très rare sur le marché de l’écriture. Sur la fiche de paye des membres de notre équipe, il est réellement marqué « Portraitiste ». Le luxe, c’est aussi celui de vivre de l’écriture.
Vous avez un style, un ton, un univers qui vous est vraiment propre, pouvez-vous m’expliquer la manière dont vous y avez réfléchi ? Comment formalise-t-on ce positionnement ?
Bérengère : Nous étions un peu des ovnis au lancement, car n’avions aucun business model à dupliquer. Nous avons donc suivi notre instinct, et encore une fois, ce sont nos clients qui nous ont permis de nous affirmer, de mettre fin à notre site coloré, d’oser un positionnement très clair et strict, en allant jusqu’à refuser certains clients pour que notre signature ne soit pas négativement impactée.
Marion : Nous pouvons établir toutes les stratégies que nous voulons, la signature littéraire de la Maison Trafalgar ne vaut rien sans les talents qui tiennent la plume. C’est ce que nous avons tous mis en commun qui fait la richesse textuelle de la Maison. Si un de nos Portraitistes s’en va, la signature sera forcément impactée. Elle n’est pas assez pensée sur le plan stratégique pour ne pas dépendre de ceux qui en sont salariés, et c’est tant mieux. Même si je suis sensible à la syntaxe, à l’émotion, aux images, à la musicalité et que je peux rester une heure sur une phrase tant que je ne l’entends pas parfaitement sonner, il était au début très difficile pour moi de former un collaborateur à une signature. Qui est-on pour cela ? L’idée n’était pas de demander aux nouveaux arrivants de « faire comme moi », mais de parvenir, ensemble, à unifier le style de la Maison, tout en assumant des écritures singulières, et différentes. Maxime est mon traumatisme ! Il est entré chez nous en tant que correcteur, à une époque où je trouvais qu’on commençait à être un peu trop flattés au niveau des retours de ceux qui nous donnaient un avis avant la livraison client. Quand Maxime a commencé à nous relire, il a mis un grand coup dedans ! J’ai appelé Bérengère en pleurant, et je lui ai dit : « il faut qu’on l’embauche demain » ! Il a apporté à la Maison, à ses portraits, un regard scientifique, la bonne dose, la bonne composition. L’autre problématique qui se posait, c’est que plus tu as de clients, plus ton offre augmente en valeur, plus tu crois que la signature textuelle de la Maison se doit d’évoluer encore et encore, alors que les clients viennent pour celle déjà est en place ! D’ailleurs, ce qui est appréciable, c’est que chacun d’eux, en signant chez nous, comprend que ce n’est pas à nos Portraitistes de se contorsionner pour entrer dans leur signature déjà en place, mais à eux de faire l’expérience d’entrer dans la nôtre et de se lire.
Bérengère : C’est là que le regard collectif est important et que l’on ressent encore plus la richesse de la signature de la Maison, car une fois qu’un Portraitiste termine un écrit, il est relu par tous nos membres, et passe en comité. J’y ajoute également mon expertise en connectant l’écrit et la photographie. Sur un même portrait, tous les membres de l’équipe interviennent.
Vous recherchez des plumes singulières qui vont enrichir la signature de la Maison, quels sont vos critères de recrutement ?
Marion : Chaque fois que nous recrutons, nous cherchons une nouvelle plume, mais aussi une nouvelle personnalité. Benjamin venait du rap, il était le roi de la punch line, il était plutôt mauvais élève par rapport à Maxime et moi, il avait une écriture plus lâchée. Il a mis beaucoup de lui dans la signature de la Maison. Maxime, c’est la plume du savoir-faire, il a beaucoup de vocabulaire, il est dans le détail. Nous pourrions tous être sur le même canapé, devant la même personne, nous n’allons ni ressentir, ni écrire le même portrait. Puis c’est vrai que nous nous influençons positivement : nous avons tous entre 27 et 33 ans, donc on n’est pas fini ! Dans nos recrutements, ce côté « full instinct » peut sembler pas travaillé, et pourtant il y a quand même d’importants critères et une forte culture d’entreprise chez Trafalgar. Comme j’avais connu les classes préparatoires littéraires, j’étais persuadée, à la création, qu’on allait surtout recruter en sortie de Khâgnes, mais c’est faux. Je suis convaincue que ces formations sont remplies de gens qui écrivent très bien, et je n’ai pas envie de dire qu’il y a un style d’écriture en entreprise, parce que c’est ce contre quoi on se bat… mais disons qu’il y a ceux qui ont envie d’écrire pour leur bonheur, leur besoin, même si cela peut être voué à rester dans un tiroir, et ceux qui se disent : « à quoi bon écrire si c’est pour que personne ne mette les yeux dessus ? » Les puristes pourraient se dire qu’être Portraitiste chez Trafalgar, c’est être écrivain d’entreprise, répondre à des commandes, vendre son âme, alors que c’est une intelligence de se donner le challenge d’embarquer un client, une entreprise, dans ton écriture personnelle, avec ton style littéraire. Selon moi, quelqu’un qui écrit bien, c’est avant tout quelqu’un qui aura l’intelligence, non pas de s’adapter, mais de relever le challenge. On a même eu un client qui ne se sentait pas capable de se confier à un Portraitiste masculin ; Benjamin s’est dit « ah oui, c’est ce qu’on va voir ». Une bonne plume, c’est d’abord un bon cœur. Des personnes surempathiques, j’ose même le mot « hypersensible », même si la sensibilité est parfois mal vue dans l’entreprise. Personnellement, si je n’avais pas trouvé les ficelles qui me permettaient d’être heureuse avec Trafalgar, je pense que j’aurais été inemployable. Et j’en ai encore peur aujourd’hui, de perdre Trafalgar, car je ne sais pas où je pourrais me sentir bien, et libre d’exprimer mon hypersensibilité. Et puis un bon Portraitiste, c’est aussi quelqu’un de minutieux, capable de passer une heure sur sa phrase, sinon, son bonheur ne sera pas chez Trafalgar. Nous recevons beaucoup de candidatures spontanées, nous les traitons toutes, nous testons ceux et celles qui retiennent notre attention, mais nous savons tout de suite, en 4 lignes, si ça va le faire ou non, et cela, on ne saurait pas l’exprimer. Nous avons reçu de très jeunes candidats, un Monsieur de plus de 60 ans, des profils venant d’univers très différents, avec des styles très différents, et nous n’avons jamais fermé la porte ! L’un d’eux a postulé avec une longue lettre manuscrite, c’était dément ! Maxime s’est quand même fait refuser un poste sur le motif qu’il écrivait « trop bien », de mon côté, j’étais était « trop littéraire » pour être retenue à mon concours d’édition, Benjamin a écumé les petits boulots qui n’avaient rien à voir avec l’écriture, avant d’écouter sa femme qui lui disait qu’il avait une vraie plume. Mais on n’est pas non plus fermés aux prix Goncourt !
Bérengère : Benjamin a repris un jour l’expression de Kerry James, en disant que la Maison Trafalgar, c’était « la pertinence de l’impertinence » ! Il faut avoir envie de surprendre dans ses lignes, de contrer ce qui a toujours été dit, avoir envie de bousculer !
Entre le moment où vous signez le client et livrez le portrait, quelles sont les étapes ? Comment avez-vous réfléchi à l’expérience du portrait ?
Bérengère : À partir du moment où le client signe avec notre Maison, il se laisse guider. Durant l’entretien préliminaire, qui se veut pédagogique, nous faisons tomber tous les a priori, toutes les barrières. Nous préparons ensuite l’entretien d’extraction sur-mesure et la rencontre physique. C’est à cet instant que nous pouvons faire appel à notre pianiste pour composer pendant l’entretien. Non pas pour ajouter des fioritures, mais parce que nos entretiens sont souvent emplis d’émotions. Nos clients n’ont pas l’habitude de s’arrêter 4h, de disposer d’un espace comme celui-ci dans leur agenda, alors que leur histoire vaut le coup de prendre ce temps. Nous laissons ensuite le Portraitiste écrire librement, pendant un mois, avant se réunir pour le comité. Pendant cette période de rédaction, j’interviens sur la partie image, si l’option photographie a été ajoutée au portrait écrit. Chez Trafalgar, nous sommes très fidèles à nos photographes depuis le début de l’aventure ; nous travaillons, par exemple, avec un talentueux photographe spécialisé dans un noir et blanc qu’il a développé pour nous, et avec une photographe russe qui ne travaille qu’à l’argentique.
Marion : Quand j’étais encore Portraitiste pour la Maison, j’avais un stress : c’est que toute la réussite du portrait et la satisfaction client dépendent uniquement de la plume. Donc l’idée de la pianiste, de l’atmosphère de la Maison, des différentes étapes d’entretien, c’est une manière de rappeler au Portraitiste qu’il n’est pas le seul à prendre en charge l’expérience. Cela marche aussi très bien avec notre clientèle de particuliers. Nous ne les démarchons pas, mais nous accueillons volontiers ceux qui veulent offrir un portrait à un proche. Parfois, tu fais fausse route, tu penses qu’il faut encore rajouter quelque chose pour soigner l’expérience, mais il ne faut pas polluer l’entretien, et surtout, ne pas avoir peur que ce moment soit simple. Beaucoup de nos clients viennent chercher la simplicité du beau moment ! Le reste, c’est de la magie ! Certains dirigeants se sentent tellement bien chez nous qu’ils vont jusqu’à enlever leurs chaussures !
Vos clients se livrent pas mal en entretien, est-ce déjà arrivé qu’un client soit fermé, que vous ayez du mal à creuser ?
Bérengère : Un seul raté en 5 ans, mais c’était un peu une erreur de casting… maintenant, nos clients nous ressemblent ! Nous avons toujours eu pas mal de demandes entrantes, mais à un moment, nous avons eu l’impression de devenir des artisans victimes de la demande. Nous sommes donc parties à la rencontre de ceux pour lesquels nous voulions écrire.
Marion : Tu as beau tout prévoir, tout préparer, tout réfléchir, si en face c’est froid, c’est difficile. Comme c’était une grande crainte quand j’étais Portaitiste, ma prise de recul et ma sortie de la production m’ont aussi permis de penser à tout ce qui pouvait être mis en place pour éviter les malaises ou les mauvaises surprises. Aujourd’hui, nous signons toujours en direct avec le client. Et puis il y a cette phrase qui nous agace, et heureusement, nous l’entendons de moins en moins : « ah, mais, c’est pour ceux qui ont de l’ego ». Mais heureusement, qu’on a de l’ego ! Pour autant, nous ne sommes pas là pour cirer les pompes des dirigeants ou de leurs collaborateurs.
Où est-ce que vous voulez emmener la Maison Trafalgar ? Êtes-vous attachées à ce rôle clé porté par chacun d’entre vous ? Souhaitez-vous passer à l’échelle ?
Marion : Nous répondons déjà à des commandes en anglais, et nous observons les besoins qui se trouvent dans d’autres pays, soit pour des clients étrangers qui ont une clientèle française, soit pour des clients français qui ont aussi besoin du portrait dans d’autres langues. Ce serait génial que demain, le Portrait Trafalgar soit inscrit dans la culture française, qu’on ait envie de goûter une bonne baguette comme de goûter le savoir-faire français à travers un portrait. Nous savons que notre concept peut se décliner, passer à l’échelle, et nous y travaillons, mais nous ne voulons pas devenir l’Amazon du portrait. Nous avons besoin de rester proches des membres de notre équipe et avons déjà parlé avec Bérengère des fondamentaux auxquels on tenait, comme le fait de conserver le siège de la Maison à Lyon. Depuis la fin du confinement, beaucoup d’entreprises rendent leurs locaux, et nous, nous nous installons pile à ce moment-là, dans la Maison de nos rêves ! Mais cela nous permet de nous voir tout le temps, de déjeuner régulièrement ensemble, et c’est aussi de cette manière que l’expertise s’affine naturellement, sans avoir besoin de l’écrire.
Bérengère : Nous avons plein d’idées de développement, et conservons ce souci de transmission qui a réussi de Marion à Benjamin, de Benjamin à Maxime, de Maxime à Camille. L’entreprise n’a que 5 ans, mais nous travaillons déjà avec de très belles références, donc nous voulons continuer d’acquérir la confiance des références de leur secteur, et conserver nos contrats coups de cœur. Nous souhaitons aussi que notre développement puisse intégrer un axe pédagogique.
Marion : Ou de recrutement ! Qu’il n’y ait plus de CV ou de lettre de motivation, et que les recruteurs ne se fient qu’à des portraits. Ce serait magnifique ! Et puis, dans notre Maison de Portraits, au-delà de l’écriture et de la photographie, nous développons également le portrait sonore, le portrait dessin, tout en restant sur notre niche !
Avez-vous une lecture à nous recommander ?
Bérengère : L’Écriture ou la Vie de Jorge Semprún. C’est tellement cru, violent au niveau de l’écriture, que je n’ai jamais réussi à finir ce livre tellement il me bouleversait, sauf pendant le confinement.
Marion : C’est pour cette raison que nous faisons toujours lire tous les Portraits de la Maison à Bérengère avant de livrer nos clients, car elle a une lecture très dissipée ! De mon côté, je suis une fan de Christian Bobin. La Part Manquante est un livre qui m’a beaucoup touchée, je pense que je l’ai lu 10 fois dans ma vie, et que j’en ai fait 10 lectures différentes en fonction de ce qui me traversait. Je suis aussi une fan d’Annie Ernaux, j’ai d’ailleurs consacré mon mémoire de recherches à l’analyse de ses œuvres. Elle est parfois taxée de ne pas faire de la vraie littérature, donc c’est un sujet qui m’a beaucoup traversée par rapport à notre activité. Certains peuvent avoir peur de frapper à la porte de la Maison Trafalgar, peur de son côté élitiste, en se disant : « c’est que des lecteurs de gros livres pointus », alors que nous ne sommes pas uniquement là-dedans. Nous nous consacrons le plus souvent à des petits écrits qui nous chamboulent. Sur notre site, il existe une page consacrée aux inspirations de notre équipe, on y trouve des livres, des films, des personnalités, des musiques… mais elles ne sont pas signées, pour éviter les jugements, éviter que les Portraitistes soient catégorisés. C’est précisément ce mélange d’inspirations qui fait la richesse de la Maison.
Un grand merci à Valentin Decker pour la qualité de cet entretien.
Maxime de la Maison Trafalgar, une approche scientifique de l’écriture
Peux-tu te présenter et revenir sur ton parcours ?
Je suis Maxime Duranté, j’ai 28 ans. J’ai eu un parcours un peu chaotique ! J’ai commencé avec un Bac S, alors que je voulais faire un Bac L. À l’époque, je voulais devenir officier dans l’armée de terre, donc encore une fois, j’ai souhaité bifurquer en intégrant les classes préparatoires littéraires. Mes parents ont jugé que ce n’était pas forcément le parcours le plus « safe » au niveau des débouchés, et comme j’avais les capacités de faire des sciences, j’ai fait des sciences : Maths sup’ Maths spé, côté physique-chimie, mais au bout de 3 ans, j’ai compris que ce n’était pas pour moi. Comme j’étais déjà dans une branche technique, je me suis réorienté en école d’ingénieur en informatique ; cela ne m’a pas plu non plus. Alors je suis reparti dans mes premières amours, en faisant des langues étrangères appliquées (anglais, japonais), et en quittant la région parisienne pour m’installer à Lyon. J’avais monté un projet entrepreneurial en parallèle ; il n’est plus d’actualité, mais c’est en présentant ce projet au concours JM Entreprendre organisé par l’Université Lyon III, que j’ai rencontré Marion – elle y était invitée pour un retour d’expérience sur la création de la Maison Trafalgar. On est entrés en contact, et j’ai été recruté. Depuis, je suis Portraitiste au sein de la Maison !
À quel moment as-tu compris que l’écriture était ce que tu voulais faire, à fond ?
Le projet entrepreneurial que j’avais démarré avant de rencontrer Marion était une Maison d’édition, donc je voulais déjà lancer un projet dans l’écriture, plus en tant qu’éditeur qu’en tant qu’auteur. Je voulais publier de jeunes auteurs sur internet, mais cela n’a pas marché. À côté, je faisais un peu de Freelance en traduction, en relecture, en conseil éditorial sur des manuscrits, donc je voulais déjà m’orienter dans cette voie. Peut-être que dans une autre vie, j’aurais persisté, je serais peut-être devenu traducteur, mais traducteur littéraire.
Malgré ton parcours, qui semble à l’opposé de la littérature et de l’écriture, as-tu toujours gardé ce lien avec l’écriture ?
Oui, j’ai commencé à écrire assez tôt ! À la base je suis plutôt d’une culture geek. Cela passait par pas mal de Fanfiction, de la fiction très imaginaire, disons, très éloignée de la littérature contemporaine. J’écrivais des petites histoires pour la communauté, et je continue à écrire aujourd’hui pour des projets personnels, en parallèle de la Maison Trafalgar. Depuis une dizaine d’année, je poursuis un roman avec des illustrations signées par ma petite sœur illustratrice, et d’autres personnes.
Et tu aimerais publier un jour ?
Oui ! On va publier, c’est prévu, on est en train de discuter avec un éditeur à l’heure actuelle. Comme on aimerait aller plus loin que le texte et l’illustration, on est en train de monter une petite démo avec de la musique aussi, et des éléments interactifs.
Avais-tu déjà écrit des portraits avant d’intégrer la Maison Trafalgar ?
Non, ce qui s’en rapprochait le plus, c’était l’écriture de fiches narratives de personnages. Au départ, je me suis d’ailleurs intéressé aux portraits pour ce côté descriptif, cela me parlait beaucoup – j’adore décrire ! Même si les gens trouvent que les descriptions dans les livres, c’est souvent barbant, je trouve qu’il y a toujours un moyen de les dynamiser et de les rendre intéressantes à lire : c’est un peu le challenge que je me suis toujours fixé. Donc même si je n’avais jamais écrit de portraits avant Trafalgar, je pense que j’étais relativement armé. Pour la petite histoire, j’ai postulé en leur transmettant mon auto-portrait, sans égard pour les règles du Portrait Trafalgar, que je ne connaissais pas. Je me suis juste dit : « comment j’aurais décrit mon intervention à ce concours auquel Marion assistait ? » et je me suis auto-décrit sur la scène.
Disposez-vous d’un guide d’entretien, ou revoyez-vous les axes, les thèmes, pour chaque entretien ?
Cela dépend de ce qui ressort de l’entretien préliminaire téléphonique qui a lieu en amont, avec chaque client. Les questions de cet entretien sont faites pour cerner les besoins, donc à partir de ces premières réponses et de ce que nous décelons, nous travaillons les thèmes. Au bout d’un moment, évidemment, on a des incontournables à poser pour avancer, et certaines thématiques qui ne peuvent être passées sous silence. Après, effectivement, c’est vraiment personnalisé à chaque fois. Nous faisons beaucoup de recherches, nous demandons aux clients de nous transmettre les articles qui sont déjà parus sur eux, ce qu’ils aiment, n’aiment pas dans les lignes qui ont déjà été écrites. Nous avons également des entretiens qui vont être modifiés, adaptés dans le cadre des Portraits croisés d’associés par exemple, car pour cette offre, deux clients vont s’exprimer de manière individuelle pour se retrouver dans le même portrait.
Concrètement, que regardes-tu, à quoi réfléchis-tu quand tu fais un portrait, quel est ton processus ?
Une fois que j’ai la matière, à la sortie de l’entretien d’extraction, je commence à faire un tri de ce qui est intéressant et de ce qu’il l’est moins au regard des besoins, en me basant sur mon ressenti et le vécu de l’entretien. Il faut savoir que je tape à l’ordinateur entre 15 et 25 pages, car je tiens à tout prendre en note durant l’entretien d’extraction. Après, je ne suis pas une machine infaillible pour déceler ce qui est intéressant et ce qui l’est moins, donc ce sont des points que l’on revoit parfois en comité. Je sais aussi que certains clients veulent que des pans un peu plus intimes et méconnus soient enfin abordés dans leur portrait. Chez Balzac, Hugo mais aussi chez Zola, on sent tout de suite que des tempéraments se dégagent, et c’est ce que je cherche à mettre en lumière dans mes portraits. Il faut vraiment que ce soit un « instantané », et qu’on comprenne quelle personne on est en train de rencontrer par la lecture.
As-tu une structure que tu essaies de garder dans chaque portrait, ou est-ce que chaque portrait appel sa propre structure, sa propre organisation ?
Des plans peuvent parfois s’imposer d’eux-mêmes, mais dans la majorité des cas, et en opposition à la biographie, nous ne commençons jamais par la naissance, par exemple. Nous, on va plutôt commencer par une introduction hyper forte qui va tout de suite poser le cadre. On se permet ensuite des flashbacks, pour revenir sur des éléments antérieurs, les influences familiales si elles ont compté, le passif professionnel s’il a eu un impact sur l’activité actuelle du client, et puis des éléments de la vie personnelle – sinon, cela perd en intérêt et en chaleur. On va relier ce qui se passe dans la vie privée du client et qui va nourrir, valoriser ce que nos clients ne pensent pas forcément à dire sur eux en tant que professionnels. Toutes ces choses, qui ne sont pas forcément visibles, devront être croisées dans le portrait. Il y a des portraits où l’on sent que la thématique est tellement forte qu’on peut se permettre de faire vraiment différent. Je me souviens d’un professionnel qui est aussi un pianiste dans sa vie privée : j’ai trouvé que cette facette-là le définissait beaucoup plus que son métier en tant que tel. Donc j’ai commencé chaque paragraphe comme le déroulé d’une partition de musique. On peut faire cela quand on sent qu’artistiquement cela marche, et sert le portrait d’un point de vue structurel.
Je comprends que vous gardez une certaine liberté sur votre style et le choix du portrait que vous allez faire. Comment abordez-vous la conclusion, la fin d’un portrait ?
Pour moi, la conclusion doit donner une sensation de bien-être. On est généralement face à des personnes alignées avec ce qu’elles sont, qui elles sont, et qui veulent vraiment revenir sur le fait que tout converge vers le projet dans lequel elles sont, donc j’essaie de relier toutes les thématiques disséminées et qui attestent que tout est en place pour que la personne s’éclate dans ce qu’elle fait. Il y a différentes façons d’arriver à la conclusion, mais quoi qu’il en soit, on vise souvent une conclusion positive, qui n’amène pas à une autre problématique à traiter.
Quel est le fil rouge entre tous les portraits ?
Ce que nous voulons défendre, c’est que dans la Maison Trafalgar, il y a une place pour tous les profils et les parcours. Ce n’est pas parce que tu ne viens pas d’un parcours classique que tu n’as pas ta place. Ce n’est pas parce qu’on est dans un contexte professionnel qu’il est interdit de parler de famille, de références culturelles, au contraire tout cela forme un tout. On résonne assez peu avec la mention d’une école ; on n’est pas obligé de s’en tenir à ça. On est beaucoup plus touché par des histoires de vie. Le message se résume au fait que vous pouvez oser vous dévoiler, confier une partie de vous. Vous verrez que c’est précisément avec ces moments-là que ceux qui liront le portrait résonneront. Quand j’ai reçu un tapissier, j’ai vraiment été ému par le début de son histoire. L’enfant qui découvre les ficelles du métier, les couleurs et les odeurs associées qui lui ont donné envie d’en devenir un. L’émotion renforce beaucoup plus le portrait.
Peux-tu me parler de ton écriture, que tu décris comme scientifique ?
Pendant la période où j’ai monté la Maison d’édition, j’étais très préoccupé par la stylistique. J’ai écrit près de 200 pages de stylistique pure, j’étais vraiment allé dans le détail : pourquoi ce mot et pas un autre, pourquoi cette rime, ce chiasme à tel endroit, à quel moment arrêter sa phrase, utiliser un prénom relatif, comment ne pas perdre le lecteur en route avec les redirections… J’ai tout décortiqué, et c’est peut-être mon bagage scientifique qui m’a conduit à faire cela. Sachant que je n’ai pas du tout une approche académique ! Une de mes premières préoccupations quand je suis arrivé dans la Maison Trafalgar a été d’insister sur l’utilisation du point-virgule, par exemple. J’ai absolument voulu le mette en avant, car je trouve qu’on ne l’utilise pas suffisamment. Je voulais utiliser tellement bien, et tellement chirurgicalement le point-virgule, que je voulais montrer qu’à certains endroits, il n’y avait que le point-virgule qui pouvait être utilisé. Donc je tournais les phrases jusqu’à ce qu’il soit la seule issue possible. Idem pour la place de chaque mot, c’est pour cela qu’on pourrait qualifier mon style de scientifique – mais scientifique dans la littérature, dans le sens structuré, détaillé, pointilleux, pas comme dans un magazine ou une revue scientifique. Chez Trafalgar, mon challenge est d’utiliser le nombre minimum de mots pour exprimer mon idée comme je le veux, c’est mon petit délire à chaque phrase ! C’est vrai que dans tout ce qu’on écrit à l’école, il nous est demandé de bien mettre en évidence les articulations logiques « en effet », « de plus » « donc » « en conclusion »… Plutôt que de bien écrire, on essaie de prouver qu’on a compris, cela crée de la prose assez chargée, et il faut se débarrasser de ce réflexe-là quand on arrive sur des écrits ou sur des portraits lus par des « vrais gens » pour le plaisir, et pas pour vérifier les connaissances.
Sur une journée classique, as-tu des méthodes pour t’organiser ?
Je ne sais pas écrire quand j’ai faim ! C’est impossible ! Donc je vais m’organiser en « pulsant » avec une écriture intense le matin. Puis je me pose, je relis, je vérifie si je n’ai pas oublié une idée, une citation, laissé passer un besoin, en me laissant embarquer par l’écriture. Je vais mettre mes petites notes entre crochets, me laisser des petites instructions. Je déjeune, et j’attaque à nouveau dès que je sors de table. Mais comme je suis Portraitiste, j’ai peu de gestion de mails, ce qui m’occupe surtout, c’est l’écriture et la préparation d’entretiens. Sinon, je m’occupe des éventuelles retouches des portraits déjà livrés, en direct avec les clients. Les modifications sont souvent très légères, ce sont plutôt des petites adaptations, des reformulations.
Sur quel point es-tu vraiment vigilant dans ton écriture ?
Il y a une signature Trafalgar, donc des éléments qui reviennent, soit par hasard, soit parce qu’on est influencés. Comme on se lit entre nous, on peut par exemple avoir utilisé une même expression. Donc nous veillons à cette diversité. Sinon, comme je ne fais pas beaucoup de jets, quasiment un jet direct, je passe énormément de temps à bidouiller chaque phrase jusqu’à ce qu’elle soit exactement comme je veux avant de passer à la suite. Je fais rarement une première ébauche pour la reprendre.
Comment vois-tu ta courbe de progression, en tant que Portraitiste mais aussi en tant qu’Auteur ?
Quand j’ai commencé chez Trafalgar, il y avait des sujets sur lesquels je n’étais pas très à l’aise. Comme je n’ai pas de désir d’enfant, je n’étais pas hyper bon sur les sujets qui touchaient à la maternité par exemple, et j’avais du mal à me projeter là-dedans –comprendre émotionnellement les personnes qui avaient cet ancrage très fort, ressentir ce que signifiait pour eux d’être père ou d’être mère. J’ai énormément progressé là-dessus, maintenant je peux vraiment m’adapter à n’importe quelle personnalité en terme d’empathie, ce qui au départ était un peu difficile car on arrive forcément avec ses convictions, ses pensées. L’idée n’est pas d’arriver chez Trafalgar en changeant ses convictions, mais de comprendre l’autre. Et honnêtement, cela m’a permis de beaucoup progresser, en tant qu’auteur, dans l’écriture de l’être humain. Il n’y a pas de tricherie possible avec un portrait. Un personnage de fiction, on peut le rendre aussi intéressant qu’on veut. S’il est inintéressant c’est parce qu’on la choisi, donc on ne va pas se priver pour le critiquer ; c’est généralement ce qu’il se passe quand les auteurs décrivent des bureaucrates, des financiers… Toutes les personnes sont intéressantes à partir du moment où on prend le temps de s’intéresser à elles, donc j’ai énormément progressé en termes de psychologie. J’ai d’ailleurs complètement changé mon fusil d’épaule car l’écriture chez Trafalgar a pas mal nourri ce que j’écris en parallèle de manière personnelle. Au départ, j’étais quelqu’un qui écrivait beaucoup pour les scènes d’actions, les combats, et je me suis pris de passion pour la psychologie humaine. Je pense que cet aspect se ressent beaucoup, maintenant, dans ce que j’écris. Et puis je suis quelqu’un qui écrit beaucoup en termes de volume ; le portrait m’a vraiment forcé à être concis. J’avais du mal à rester dans des formats, je suis encore quelqu’un d’assez verbeux, je crois, j’ai toujours envie d’en rajouter. Donc savoir s’arrêter aussi !
As-tu une lecture à nous recommander ?
L’incontournable, et pour le coup c’est très drôle et très piquant, c’est La Bruyère, Les Caractères. Pour moi, c’est le fondamental du portrait, car comme il le disait, les caractères sont des petites fenêtres. À travers des personnages, il nous décrit toute l’humanité, et je trouve que c’est vraiment très amusant à lire, très bien écrit, assez varié. Sinon, en terme de fiction : La Horde du Contrevent de Damasio, qui serait pour moi un super sujet d’études parce que l’intrigue – la quête – est très simple, mais ce qui est innovant dans ce livre, c’est que l’auteur alterne de manière extrêmement rapide les points de vue de tous ceux qui participent à l’expédition. Tu peux en avoir 2, voire 3 sur une seule page ! Damasio est fort parce qu’il ne fait pas de rupture dans l’intrigue, mais surtout parce qu’il a développé un style d’écriture propre pour chaque personnage. Certains sont écrits au présent, d’autres au passé, d’autres dans un style super argotique, ou ultra scolaire. Le géomètre n’écrit pas comme le noble du groupe, le saltimbanque n’écrit qu’en jeux de mots, en rimes, en allitérations… Et dans l’idée, je pense que c’est aussi ce que nous faisons avec les Portraits Trafalgar. Si j’écris sur un horloger, comme le Portait doit être une pièce unique pour la personne qui l’est aussi, je vais m’amuser avec des sonorités qui font penser au tic-tac, je vais mettre pleins de trouvailles autour de son univers, puis passer d’un homme hyper minutieux, hyper précieux, à la description de morceaux de verre qui volent ; je vais m’adapter pour que tout s’enchaîne bien, mais sans laisser de côté les différentes facettes de la personne. Car ce serait aussi le piège de figer le portrait dans son genre : « ah tu es horloger ! Je vais te mettre toutes les possibilités d’écriture autour de la montre, tu seras horloger et rien d’autre ! » Non, car une personne n’est pas une couleur, elle est tout un spectre, et nous sommes aussi là pour rendre compte de la complexité des êtres humains. La Bruyère et Damasio, c’est vraiment très très bien, et je ne recommande pas cela à la légère !
Un grand merci à Valentin Decker pour la qualité de cet entretien.
Confinement : un concept de lettres lancé sur Internet pour écrire à ses proches
La Maison d’Écriture Haute Couture Trafalgar a lancé une grande chaîne de lettres sur Internet. Le site Lettres Capitales poste anonymement des courriers parfois drôles, souvent touchants, envoyés des quatre coins de la France. Ils seront ensuite envoyés aux destinataires à la fin du confinement.
Quand la crise du coronavirus a déferlé sur la France, elle s’est dite « frappée émotionnellement par toutes les initiatives de solidarité mises en œuvre », et s’est demandé à son niveau ce qu’elle pouvait faire « avec le cœur » pour « apposer une empreinte ». Amoureuse des mots et de la littérature, Bérengère Wolff, co-fondatrice de la Maison d’Écriture Haute Couture Trafalgar, jeune entreprise basée à Lyon, a décidé de revenir aux basiques. La petite équipe de six salariés qu’elle encadre, a lancé il y a quelques jours une grande chaîne de lettres. « L’objectif était de relancer les correspondances pour ceux qui avaient besoin d’extérioriser leurs sentiments pendant cette période de confinement », expose-t-elle. Sur le site dédié, chacun peut remplir gratuitement un formulaire en autorisant l’entreprise à publier une partie ou l’intégralité de sa lettre, ou demander qu’elle reste strictement confidentielle. « À la fin du confinement, nous enverrons ensuite une lettre manuscrite, recopiée avec amour, aux destinataires. On s’engage à ce qu’ils les reçoivent tous », poursuit Bérengère Wolff.
Une cinquantaine de lettres a déjà été postée sur le site de façon anonyme. Une parenthèse poétique pour tout lecteur qui le consulterait. Et les profils des auteurs sont très différents. Comme cette grand-mère résidant en Bretagne, n’ayant pas eu la chance de voir son petit-fils, né trois semaines avant le confinement, et qui s’adresse avec émotion à son « petit Gustave » : « Il y a un mois lorsque j’ai reçu ta première photo sur mon portable, mon cœur s’est emballé. J’ai même eu l’impression qu’il se décrochait, moment magique », déclare-t-elle au bébé.
« Certaines personnes s’écrivent directement pour laisser une trace de cette période, d’anciens amants s’adressent à leurs amours passés, d’autres écrivent à un proche travaillant dans le milieu médical », dévoile la jeune femme. Et d’ajouter : « C’est assez touchant. Nous ne sommes plus forcément habitués à l’exercice d’écrire une lettre. Là, les gens prennent le temps de soigner leurs écritures. Mais certains le font aussi très instinctivement, sans adopter de style particulier. On a reçu des courriers très drôles comme celui de ce jeune homme qui se moque de lui-même en précisant qu’il fait une faute tous les deux mots. Mais il a voulu écrire à une jeune femme dont il est secrètement amoureux et qu’il n’a jamais osé aborder… Finalement, la forme, c’est le fond qui remonte à la surface », conclut Bérengère Wolff empruntant une phrase de Victor Hugo.
Merci à Caroline Girardon pour tout l’intérêt porté à notre initiative !
Lettres Capitales : notre initiative continue son voyage à travers la France
Notre initiative solidaire continue son voyage à travers la France ! Un grand merci à la régie publicitaire in-Store Média, qui lui offre une visibilité massive sur ses supports d’affichages dans les supermarchés. Notre appel à la création d’une grande chaîne de lettres a été diffusé dans 276 Auchan, Leclerc et Géant, sur pas moins de 1185 écrans !
Merci à Hugo Domenech et aux équipes d’In-Store Média pour leur précieux soutien.
Solidarité. Maintenir le lien, en toutes lettres
Redonner de la valeur à la puissance des mots en entreprise : voilà à quoi s’attelle la Maison Trafalgar depuis cinq ans, à travers des portraits littéraires, pour des clients aussi variés que Veolia, Babolat, ou encore le Ninkasi. Mais depuis le début du confinement, la start-up lyonnaise voit son activité stoppée net : « Nous sommes frappés de plein fouet par la crise sanitaire », confirme Bérengère Wolff, cofondatrice de la Maison Trafalgar avec Marion Derouvroy. « Confrontés à cette pause subite de nos projets, nous nous sommes très rapidement demandé comment nous pouvions apporter notre aide, pendant cette période anxiogène. »
Correspondance en temps de guerre. En écho au « Nous sommes en guerre » présidentiel, l’équipe de la Maison Trafalgar a alors l’idée d’organiser une résistance par les mots, pour maintenir le lien. Elle crée Lettres Capitales : une chaîne de lettres d’abord hébergées sur une plateforme, avant de pouvoir être envoyées par courrier physique une fois le confinement terminé : « Nous avons commencé par lancer le projet sur notre page Facebook et nous avons reçu une pluie de lettres, ce qui nous a poussés à créer en 24 heures un site dédié pour taper sa lettre », raconte Bérengère Wolff.
Prendre le temps. En une semaine, ce ne sont pas moins de 80 lettres qui lui parviennent, émanant de grands-parents et de parents, de personnels soignants, d’amoureux… Des personnes qui, sur le formulaire, ont le choix d’accepter ou non la mise en ligne de tout ou partie de leur lettre, de la signer ou de rester anonymes. Des personnes, qui toutes à leur manière, « lâchent leurs émotions » et qui, à une époque où l’on n’écrit plus, portent la plus grande attention aux mots employés… « Comme personne ne sait à quelle date nous serons en mesure d’envoyer ces lettres, chacun prend le temps de les écrire. Leurs destinataires, eux, auront ensuite la surprise de les recevoir », conclut Bérengère Wolff.
Un grand merci à Clarisse Bioud de La Tribune de Lyon pour cet article consacré à notre grande chaîne de lettres, littéraire et solidaire ! Merci aussi à toutes celles et tous ceux qui les écrivent, et aux poignets généreux qui se proposent même pour nous aider à les recopier !