Extraits : CHABANNE
Écrits couture
Parce que chaque souche possède un caractère capable d’en rajouter une couche, il fallut, c’est vrai, bûcher les complémentarités et soigner les boutures pour aboutir à ces intelligences de travail qui préfèrent la proposition à l’opposition, la pérennisation à la précipitation. Avec la complexité des deux bâtisseurs se déploya cette luxuriante canopée de pratiques, de techniques et de spécificités, qui étendirent leur périmètre jusqu’à se rencontrer.
Aujourd’hui encore, l’architecte conserve la charmante réputation de rester sourd aux appels de la gravité, tant sa couronne de bois s’ébouriffe de desseins en pagaille. Paradoxe végétal, cet artiste dans l’âme se soucierait presque plus de la Lune que de son astre nourricier : ce qui est monotone l’ennuie, ce qui est laid le navre, et il aurait pu pousser tout arqué pour le plaisir d’être davantage remarqué. Ses ramures emberlificotées entre ses règles, ses compas, ses rotrings et ses inspirations, il étire sa vision dans toutes les directions. Il trace ici des arabesques gargantuesques, boude là les coutumes pour exhumer des volumes, imagine là-bas une baie vitrée au mépris des théorèmes démontrés.
L’ingénieur, à l’inverse, n’aurait pas jailli plus rectiligne avec un tuteur tiré au cordeau. Son fût très droit se cache sous une écorce de pragmatisme, qu’on pourrait croire imperméable à l’agréable : on lui prête un esprit si tranchant qu’il rabote n’importe quel problème au bourgeon. Maniant à son aise les factorielles et le factuel, ses branchages sont symétriques, et à toute hauteur identiques, afin de simplifier ses calculs et ses statistiques. Lui confierait-on totale liberté sur l’entière forêt, son côté carré lui ferait dictature d’y semer des cubes sans fioritures.
Extraits : BYBLOS
Portrait de dirigeant, Simon
Nul ne soupçonnerait alors que cette imposante carrure ayant soutenu tous les postes de sécurité puisse être portée par tant de légèreté. Malgré une simplicité confondante, le fondateur de Byblos reste conscient de la vivacité nécessaire à sa fonction. Il se souvient des enseignements piochés dans les livres d’école qui servaient de couverture à ses véritables lectures. Plongé dans les pages de ses comics, seules cases dans lesquelles l’adulte se soit toujours catapulté sans états d’âme, le gosse arpentait les bas-fonds de Gotham. À travers les péripéties des justiciers masqués et les leçons inculquées par les héros capés, Simon comprit très tôt que l’exercice d’une quelconque autorité impliquait de grandes responsabilités.
Parce que Simon a transféré le fond de sa personnalité dans les fondements de sa société, nombreux sont celles et ceux prêtant à Byblos les traits de la prévenance et de l’expertise sécuritaire, avant même de songer à la cité millénaire. Et c’est pourtant depuis cette ville portuaire que son accent fut porté par les vents méditerranéens jusqu’aux côtes du français, qu’il aborde encore avec « maladroiture ». Bien que sa terre natale ait tenu d’oasis pendant la guerre, cette dernière atteint les cœurs et les esprits, si bien qu’il s’y retrouva embarqué malgré lui. Là, durant les années noires du Liban, il bâtit son côté « très clan », et comprit que les liens et l’union étaient les meilleurs compagnons possibles.
L’altruisme passa aussi par la sympathie de Didier et Bernadette, dont le magasin servit de cadre à ses débuts d’agent de sécurité. Le duo le prit sous son aile en lui transmettant les rudiments de la grammaire et de la gastronomie, le goût du gâteau de foie et celui des jeux de mots. Il y eut enfin cet inconnu qui se désista sur une mission de chef de site à Guéret, et que Simon accepta de remplacer afin de consolider ses compétences. C’est dans la bienveillance qu’il reçut que Simon forgea cette vision d’une sécurité évolutive et renforcée par la finesse de l’analyse. Il la porta d’abord auprès de ses supérieurs, mais les mines perplexes et la rudesse du secteur déverrouillèrent ses envies d’entrepreneur.
Extraits : BIOMECA
Portrait croisé d’associés, Pascale et Julien
Quand certains réduisent l’entrepreneuriat à une source de profits, d’autres le mettent à profit pour revenir aux sources. Si Pascale Milani admet que le sacerdoce de la recherche publique l’avait plongée en dormance, Julien Chlasta s’est refusé très tôt à enfiler cette soutane qu’était pour lui la soutenance.
L’un est un habitué des yeux ronds chaque fois qu’il évoque un tissu qui n’est pas textile mais cellulaire, et a fini par s’y faire, tandis que l’autre entend que science sans prise de conscience n’entraînerait que ruine et larmes. Implantés en capitale des Gaules, campés dans une approche appelée à la diversification, Julien et Pascale alignent autant les références prestigieuses qu’ils ne descendent les préconceptions poussiéreuses.
Julien était ce collégien qui avait résolu l’équation E=M6 et rencontré son animateur aux montures iconiques. Il était ce lycéen qui se plaçait en marge des cahiers à carreaux, comme des espoirs étriqués de son établissement catho. Cet étudiant de la Doua qu’on ne pensait pas doué, sur lequel personne n’aurait misé un kopek, qui rapporta pourtant près de dix-mille euros à la recherche médicale, en connectant football et League of Legends au sein de sa propre association. À l’antithèse de Julien, et comme preuve que les enracinés peuvent être flexibles et mobiles, Pascale était impatiente d’élargir les perspectives au-delà de son île, et de rejoindre Marseille. Bien dans les clous, calée dans le rituel qui la conduisait à l’université de biologie par le bus 21 chaque matin, la spécialiste en force atomique prit la première sortie pour l’ENS Lyon et les promesses d’un post doc dans la cité où Paul Bocuse se plut à former ses toques.
Extraits : BABOLAT
Portrait iconique de marque
Au nom de Babolat, on entend l’écho des héros qui ont enchaîné les consécrations et déchaîné les publics au plus exigeant niveau de compétition. Si aujourd’hui une nouvelle raquette Babolat équipe un joueur toutes les vingt secondes, et que la marque leader reste marquée par une attitude de challenger, c’est bien dans les origines du tennis que cette architecte des performances a coulé ses fondations. Son aube fut dessinée par les mythiques Mousquetaires, dont Henri Cochet, le bien surnommé pour avoir éclaboussé Babolat de sa magie, ou le sémillant et frétillant René Lacoste, au mordant cousu de fil blanc. Qu’ils aient fait l’essor de leur discipline comme Suzanne Lenglen, pulvérisé les records de vélocité comme Andy Roddick, ou raflé l’or encore et encore comme Rafael Nadal, Babolat se tient là où se jouent la couronne et le Graal : au contact de la balle.
On ne s’étonnera donc pas que cet appétit pour les victoires de haute lutte, cet attrait pour le panache, la bagarre, le score serré, ait forgé le signe distinctif des combatifs. La marque ayant conquis ses lettres de noblesse grâce au cordage VS, elle laisse les autres monopoliser le tamis en l’encombrant de caractères grandiloquents. Car l’emblématique double ligne n’est pas de ces logos qui engendrent des hommes sandwich ou s’admirent derrière une vitre ; elle est un moteur qui s’allume autant pour rappeler à son joueur sa propre valeur que pour décrocher les titres.
Incarnée par d’innombrables moniteurs et d’éducateurs qui enseignent tennis, padel et badminton sous ses couleurs, Babolat habite les clubs, émaille les souvenirs, et nourrit les espoirs. Les clubs où cibles et radars distribués par le groupe donnent la possibilité de se mesurer à ce redoutable rival qui n’est autre que soi-même, et les clubs où les jeunes pousses repérées pour la Team Babolat firent leurs armes avant de livrer bataille aux grands chelems. Les souvenirs d’un cordage VS qui arracha le tout premier succès face à ce professeur, cet aîné, ce parent qu’on croyait invincible, et les souvenirs d’une double ligne qui, dès l’école, fut le discret accompagnateur d’une initiation au badminton. Les espoirs des enfants qui font de leur raquette un talisman au charme protecteur, la nuit précédant un tournoi, et les espoirs des prétendants aux honneurs qui dissipent leur stress dans le réglage quasi rituel des elastocross.
Extraits : ATELIER ANNE T
Portrait de dirigeante, Anne
Grâce à dix ans d’une besogne étagée sans vergogne, la Lyonnaise d’adoption visita toutes les îles composant l’archipel du métier d’architecte : d’abord au dessin, puis à la tête de ses bonnes mines, et chef de projet enfin. La retraite de Jean mit toutefois Anne et le cabinet face à un choix binaire – rester ou partir. Quatre ans de la première option la poussèrent à la seconde, car les discordances de vision avec le successeur étaient telles que les deux associés ne semblaient pas habiter le même monde. Car la direction ne peut se partager, quand chacun pointe dans un sens opposé. Celle qui dut apprendre à mettre son poing dans sa poche pour un volet sacrifié à l’autel du
sacro-saint bénéfice, et qui peut faire machine arrière si construire signifie détruire une bonbonnière flanquée de majestueux cèdres bleus, freina des quatre fers lorsqu’elle s’aperçut qu’il n’y avait plus rien à faire.
Certains tenteraient peut-être d’entraver la liberté d’Anne Terrier, par des conseils peu avisés qui ricochent contre sa propension à poursuivre jusqu’au bout ce qu’elle a commencé. « Anne, tu vas devoir t’associer pour continuer à progresser », scandent les uns, mais l’entrepreneuse qui n’est pas du genre à cocher mécaniquement les cases préfère attendre la perle rare avec qui l’affinité s’embrase. « Anne, tu devrais sous-traiter », rabâchent les autres, mais toutes les expertises gagnent à être transmises.
« Anne, vous êtes totalement autonome et indépendante », annonça cette dame au détour d’une conversation sans fioriture, et c’était comme annoncer qu’un nez orne le milieu d’une figure. Mais celle que l’évidence n’avait pourtant pas effleurée a fleuri d’un sourire : la fourmi travailleuse peut à présent s’autoriser à chanter.
Extraits : NOSHOW
Portrait de dirigeante, Alexane
Si elle s’évertue désormais à ce que les réservations soient honorées sans réserve, c’est qu’il lui est impensable que des salles désertées puissent mettre à mal un spectacle savamment orchestré. Car Alexane est ébahie par ces serveurs qui pressent le pas sans maladresse, et par le courage des commis face au cortège de commandes à leur adresse. Par les fouets qui tambourinent les casseroles fumantes, les viandes en proie aux flammes, les légumes sous le joug des lames, et par ce four qui sonne à point, juste avant que les plats ne changent de main.
Elle aurait pu se contenter de conférer aux cuisiniers une image raccord à leurs assiettes d’esthètes, d’apposer sa patte créative jusque dans les repaires des cuistots réputés de la capitale. Elle aurait pu se borner à donner une pointe de modernité à la tradition des Bernachon, à concevoir pour Jérémy Galvan une vitrine sur la toile à la hauteur de son étoile, ou à parfaire l’identité visuelle d’artisans du miel et autres producteurs de nectars d’exception. Alexane n’aurait toutefois pu réfréner cet entrain qui plus d’une fois l’accabla, et qu’elle câbla pour répondre aux besoins d’une clientèle à laquelle elle s’attache et à laquelle elle tient.
Ensemble, ils se propulsèrent donc sans préavis dans l’univers en pleine expansion des start-ups, et côtoyèrent aussi bien les boîtes explosant en plein vol que les sociétés à la réussite folle. Parmi les monceaux de ragots et de rumeurs sur la réalité d’entrepreneur, fallait-il encore qu’Alexane trie le bon grain de l’ivraie et comprenne qu’une telle odyssée ne pouvait se cantonner au gain et à l’ivresse.
Extraits : LE RITZ
Écrit couture
Les sommets de l’amour ont de Paris la faveur capitale, aussi je mesure l’honneur d’avoir été choisi pour vous accompagner jusqu’à son instant le plus éclatant, au plus près des étoiles qu’ardemment je défends.
À ma longévité, d’aucuns m’imagineraient nostalgique, mais avec vous je saisis la formule d’un de mes anciens amis, le romanesque Fitzgerald : plus que des années à ma vie, j’ai ajouté de la vie à mes années. Votre générosité a rivalisé de somptuosité avec les atours dont je m’étais paré pour vous recevoir, et je me sens rajeuni d’un siècle en un soir.
L’été a déjà passé son seuil de trois pas. Je me réjouis qu’à votre tour, vous ayez franchi le mien pour accueillir la clarté du jour, car c’est à la célébration du beau que j’ai toujours dédié ma cour. Si l’air du temps se savoure sous mes arbres, j’aimerais que sa lumière s’apprécie à l’aune du jaune, palette d’ors où les fleurs de mon jardin trempent ce soir chacune un pinceau.
Extraits : MEDICOS
Portrait de dirigeant, Cédric
Les chiffres et les rachats ont beau s’afficher, et les références faire la différence, l’essence de la réussite de Medicos se soustrait à la lumière, comme pour s’accorder à la discrétion de son propriétaire. Non pas qu’il y ait chez Cédric Marmonier un défaut de transparence, mais celui qui se plaît à donner de l’allure aux contenants se distingue en vérité par une nature contenue. Dans ces ateliers où l’Homme s’est allié à une robotique réglée comme un métronome, il se rend à la source de ces flux de capsules et de bouchons. Ici, il s’autorise à déposer une goutte de fierté et de satisfaction.
Car par-delà cette rigueur calquée sur une sœur tenue en grande estime pour sa constance, Cédric reste cet éternel dissipé qui peut accumuler les retards pour un plein oublié. Il reste aussi cet industriel dispersé qui a besoin de prévoir et d’anticiper. Le pragmatisme se met toutefois à la diététique quand l’art ou l’architecture frappent cet hypersensible à coup d’esthétique, quand sa coccinelle améliorée s’envole dans les courbes de courses épiques. Animé par sa fascination pour une myriade de domaines, le fils d’une lignée d’artisans et d’entrepreneurs nés s’est démené pour que sa trajectoire n’appartienne qu’à lui-même.
Extraits : XEFI
Portrait iconique de marque
Traverser les décennies dans un secteur régulé par la mise à jour, talonner la durabilité dans un milieu gouverné par l’obsolescence programmée, entretenir l’art de la proximité pour assurer les connexions à distance : XEFI cultive les paradoxes d’une vision peu orthodoxe du métier. L’histoire de l’informatique a connu ses boulevards et ses impasses, ses ères prospères et ses déserts lunaires. À tel point que la réussite de XEFI étonne jusqu’à ses instigateurs, et qu’arborer une croissance aussi soutenue qu’ininterrompue représente une prouesse parfois trop énorme pour la norme. Dépassant les six cents collaborateurs pour plus de soixante-dix agences à travers la France, le groupe leader de l’informatique et bureautique à destination des TPE et PME n’a cessé d’étonner son public depuis sa création.
Les prémices de XEFI jetés sur une carte de visite, l’entrepreneur de vingt-quatre ans viendra étrenner cette formule qui s’occupe des besoins client sans traîner : trente minutes sur place, et si le pépin n’est pas trouvé, c’est l’ordinateur qui est embarqué pour être réparé. Trois fondamentaux émergeront des trois fois rien contre lesquels un local est loué à une agence immobilière, afin de conférer leur côté carré à ses sept mètres résolument austères.
De Lannion à Nice, de Monaco à Senlis, refuser de flatter les égos a conduit XEFI au-devant de carrières qui ne doivent pas tant au parachutisme qu’au pragmatisme. Et parce qu’il n’y a guère que le chiffre d’affaires qui soit autorisé à percer la stratosphère, les mérites du cloud ont germé dans la terre de Civrieux en un datacenter à la pointe de la technique, au mépris des vents et des avis contraires. Au mépris d’un marché qui ne semblait pas courir après l’offre – et démontra bientôt que la force de l’entêtement, le courage de l’endettement, ainsi qu’un zeste de culot, peuvent donner du coffre : le groupe a tracé son sillon sans se soucier des qu’en dira-t-on.
De proche en proche, la bande s’enrichit de recrues, et grossit tellement qu’elle empile les cartons pleins. 36, 1, 3, 70bis, 108, la rue Bossuet est secouée par ce curieux bernard-l’hermite à l’instinct social. Son développement rapide lui fait investir des espaces chaque fois plus grands, et décharger camion après camion tandis que la vaillante 205 XS parcourt les cités et accumule les succès. C’est l’époque des dégâts des eaux qui plusieurs fois ne dissuaderont pas Monsieur Moïse, le client historique, de franchir le seuil de la boutique, celle d’un renfort impromptu de Tchèques et de dimanches passés à refaire l’installation électrique. Celle, aussi, des banques rendues trop frileuses pour tolérer les découverts. Celle, enfin, de montants qui atteignent un sommet pulvérisé depuis, avec l’inoubliable commande de cent-soixante-dix-mille Francs, honorée sur le fil par un PC portable acheté cash.
Portrait de collaborateur, Jaouad
Quoique le directeur d’agence concède que le sport n’est pas son fort, l’on aurait tort d’imaginer un allergique à l’effort, ou de voir dans ce visage toujours rasé, et ce costume impeccablement coupé, un archétype du businessman blasé de parapher. Si Jaouad incarne aussi bien le credo de XEFI, c’est qu’il s’y est frotté quand il n’était qu’un ado : ses premiers galons placés sous le signe de l’arrache ont présagé de nombreuses victoires à l’arrachée. Lié par la promesse un brin provoc de dégotter un poste avant que les parents ne terminent leurs vacances au Maroc, le jeune « un peu paumé» d’Albertville vécut en effet son arrivée chez XEFI comme un de ces chocs qui s’acceptent direct ou se rejettent en bloc.
Portrait de collaboratrice, Florine
Elles se sont écoulées, les heures à s’investir et à bûcher sur les embûches d’un monde informatique foisonnant de composants. Désormais, Florine sait faire face aux demandes matérielles qui feraient grimper la tension artérielle d’un fournisseur moins connaisseur. Sa vive mémoire lui procure d’ailleurs quelques atouts dans la chasse à la mémoire vive. En digne ornithologue ayant bâti une volière de quarante mètres carrés, Florine est de ces oiseaux rares qui ne se font pas voler dans les plumes ; les clients, particuliers aux sens premier et second, lui ont quant à eux fourni des occasions de démontrer qu’elle n’est pas du genre à se laisser démonter. Ainsi, lorsqu’un fanfaron s’effarouche tant qu’il en pique un fard au téléphone, il peut être surpris de trouver derrière le comptoir ce sacré brin de femme sur qui l’on peut compter, et dont la part excède de loin celle du colibri.
Portrait de collaborateur, Michael
Cueilli par la bidouille d’ordinateurs dès ses plus jeunes heures, ce spécialiste réseau et sécurité roula d’abord sa bosse dans le support, avant de déployer son savoir-faire entre les murs de XEFI, et en dehors. Il trouva là des challenges prêts à lui donner le change, à taquiner la hargne de l’expert qui ne saurait plier face aux aléas de la machine ou de ses fâcheuses manières. Nul doute que ce DJ qui part en intervention les potars poussés à fond, que ce crack ayant à cœur de contrer les hackeurs, n’a pas fini d’être électrisé par ses fonctions dans la sécurité, portant haut le refus de la facilité.
Extraits : ATELIER SALAGNAC
Portrait de dirigeant, Nicolas
S’efforçant d’être ce trait d’union entre les jeunes et les anciens, Nicolas ne partage jamais mieux son expérience que sur ces cylindres d’acier où s’incrustent en miroir ses pensées. C’est dans cet atelier, où se condense son monde, que les horaires ne cessent de le prendre à revers ; c’est dans cet antre, aussi plaisant qu’il a voulu le faire, qu’il se propulse au pays des vermeils. Au milieu de son barda d’outils, de ses onglettes rondes, méplates, à bâtes, pointues ou plates, savamment rangées et réparties ; parmi ses plâtres sculptés en bas-relief alignés comme de précieux manuscrits, le graveur recouvre cette sérénité qu’il cueillait jadis à la cime des arbres, refuge offert par les forêts de sa Normandie. Aujourd’hui, le chant des tours à réduire a couvert celui des roitelets, et le gamin a peut-être troqué son arc et ses flèches pour des poignées de rifloirs et de ciselets, Nicolas demeure un imperturbable relai de la mémoire. Il ne peut oublier d’où il vient, ni d’où il part.
Lui qui n’était, auparavant, pas bien tracassé par les devoirs, s’en fit un de trouver une démarche artistique qui ait de l’allure ; celle-là même qui concrétise aujourd’hui ses élans de romantique, et qu’une nature déchaînée suffit à inspirer. Les prisons de Piranèse et les caricatures de Daumier ; les dossiers sur l’Égypte antique et ses œuvres fascinantes ; les essais de gravure à l’eau forte en copiant des Rembrandt ; les journées à potasser pour saisir ce qui manquait au dix-huit pour faire vingt : à cette période, le jeune homme traçait ses perspectives par tous les moyens.
Évidemment, une plus grande place pourrait être donnée à l’informatique et à cette armada d’outils numériques que le graveur utilise à l’occasion. Demandez à une machine d’insuffler une âme au métal, elle se plantera à coup sûr. Car si l’on peut désormais sonder les reliefs de Mars, repérer un point dans l’espace, pour retranscrire trait pour trait le dessein de ses sentiments, Nicolas en est certain : il n’est de technologie plus avancée que ses deux mains.