Extraits : ATELIERS JOUFFRE

Portrait iconique de marque 

Le tapissier a cette habileté dans les doigts qui module la matière sans barrière, cette vision des volumes peu commune qui s’allume à la mention de mousses ou de plumes. Au sein des Ateliers Jouffre, il silhouette de ses ciseaux des tissus voués à se draper en toute dignité, manipule le fût comme un potier sculpterait l’argile sur son tour, interprète le tracé en jonglant avec les outils et un jargon aussi ancien que racé.

 

Reconnaissables à leur signature épurée, à l’exactitude d’une époque contemporaine où la simplicité est reine, les Ateliers Jouffre continuent de construire sur ce que les siècles ont su instruire. Les artisans connaissent bien l’adage : cent fois sur le métier, ils remettent leur ouvrage. Entre le guindage, l’anglaisage et les carrelets, l’aiguille courbe qui pique et façonne le bourrelet en crin ; entre son lexique et l’héritage de ses techniques, sûr que le métier de tapissier a décidément son mot à dire. Au-delà de la noblesse des lettres, les talents Jouffre cultivent la noblesse de l’être. Ils respectent toutes ces petites histoires avant l’heure qui formèrent la grande – elle est aussi la leur. C’est dans les lignes d’étoffes croisées que Charles Jouffre a apprivoisé un avenir dont il ignorait les aboutissants.

 

Lui qui se projetait au mieux petit tapissier de quartier s’est laissé initier à la très haute décoration par le maître des lieux, qui l’introduit à tous ses chantiers, à leurs menus copieux. Afin de remédier à son talon d’Achille, Charles planche pour deux ; l’élève a su asseoir son expertise des sièges par quelques cours du soir glanés aux Beaux-Arts. Lassé de constater que les créations françaises s’enferment dans les éternelles influences impériales et baroques, Charles ne pouvait que s’envoler au Gabon, aux USA, au Maroc, dès que l’opportunité lui fut offerte d’empoigner la planète dans sa paume ouverte.

 

Portrait de collaborateur, Lionel 

Quittant en quatrième vitesse cette école qui tenait à l’étroit son adresse, Lionel Munck s’engagea sur les routes du compagnonnage afin d’acquérir un savoir-faire qu’on croirait issu d’un autre âge. Armé d’un œil à la hauteur de sa fidèle machine à coudre, le tapissier des Ateliers Jouffre se fait habile de l’aiguille, et habille les carcasses attendant d’être remplumées, matelassées, garnies de cuir ou de tout autre matériau exotique voulu par certains commanditaires quelque peu excentriques. Surpiqûres et énigmes de structures ne faisaient certes pas le poids face à celui qui veut toujours occuper ses dix doigts. Alors Lionel alla décrocher le sésame ultime, celui qui jauge les efforts et les prime ; un titre de MOF sur lequel l’humilité s’interroge bien plus que la suffisance ne s’en couronne.

 

Portrait de collaborateur, Franck 

Il y a chez Franck tous les côtés d’un personnage fantasque qui n’aurait pas dépareillé entre les pages d’un Franquin, une facette de roublard bavard qui fleure bon le souvenir de Vautrin. D’avoir tant manié la gomme pour effacer ses traces sur la feuille, l’humble dessinateur semble superposer plusieurs hommes en un seul : tour à tour livreur, vendeur de canapés, ouvrier toujours banco pour taper ou dresser du placo, restaurateur d’estomacs puis de mobilier, son parcours atteste que piocher dans tous les rayons a alimenté, mine de rien, celle de son crayon.


Extraits : LE BON MARCHÉ

Portrait de collaboratrice, Charlotte

La tradition fait un vilain défaut de la gourmandise, mais pour Charlotte, il faut assurément pêcher dans ce vice capital pour préparer de capiteuses friandises. L’Adjointe au chef pâtissier ne pourrait s’ennuyer de ce lieu où pétillent les papilles : ciselées comme des lapislazulis et confectionnées sur place, nappées de coulis ou saupoudrées de sucre glace, les créations se réinventent avant que le palais ne s’en lasse.

Portrait de collaborateur, Hakim 

En tant que Chef boucher de La Grande Épicerie de Paris, Hakim s’échine donc à froisser les clichés qui figent sa filière dans des silhouettes bourrues, aux façons de bourrin. Et bien qu’il lui faille soulever sans ménagement des carcasses de cent-dix kilos, et y aller franco pour en détailler le moindre morceau, in fine, c’est toujours la finesse de la découpe qui prime, la précision de la présentation qui donne à la bonne chère un tout nouvel attrait : séduire la vue avant de combler le palais.

Portrait de collaboratrice, Vinciane 

Dans la cave de La Grande Épicerie de Paris Rive Droite, la lumière ne laisse aucune place à la pénombre : mieux, elle jette ses rayons sur des bouteilles en nombre. Ici, les années défilent au gré des cépages et de leurs assemblages ; les terroirs, cuvées et étiquettes s’affichent en ribambelle, si bien que sous le charme de ce plafond voûté, on ne compte plus les bouchons à faire valser.

Portrait de collaborateur, Arnaud 

Étoffant son équipe jusqu’à devenir référent, Arnaud embrasse cette chasse à la « petite bête » qui le caractérise et l’électrise dès qu’il empoigne ses outils, si bien que Le Bon Marché est légitimement couronné pour sa fiabilité sans faille et son amour du détail. Qu’importe s’il faut se lever aux aurores, bien avant les réveils, puisque c’est dans le silence des heures solitaires qu’Arnaud ausculte au mieux ses patients de fer. Paradoxalement, pour un horloger qui se sent à sa place, c’est un plaisir que le temps passe.

Portrait de collaborateur, Nicolas

Posté derrière le desk et paré aux questions qui s’apprêtaient à lui être posées, le néophyte façonna trois ans durant une posture d’impeccable : body language et parole sans à-peu-près, mais toujours à-propos. Alors, quand le conseil en achat prit son essor, celui qui est à l’écoute de la moindre vibration agitant la mode eut à cœur de prouver qu’une telle fonction était de son ressort. Par-delà les sessions qui laissent volontiers les minutes s’égrener, où se croisent les tenues, les teintes, les marques convoitées et les remarques éclairées ; par-delà la ferveur de déclencher d’intenses réactions grâce à une dentelle de Calais ornant une pièce de créateur, c’est à la marge de ce quotidien parfois fantasmé qu’affleurent tous les efforts du Personal shopper.

Portrait de collaborateur, Ousmane

La sécurité et les rouages bien huilés sont devenus le centre de son attention, car Ousmane a filé une carrière piquée par les enjeux logistiques, et entamée dans la manutention. Il a suffi d’un job d’été en tant que magasinier à l’aéroport de Roissy, pour que le diplômé d’un bac pro en électrotechnique quitte les bancs d’école sans ambages vers les pistes de décollage. Progressant sous la houlette d’un supérieur passé par l’armée, le jeune homme résista à la pression de l’urgence et décrocha ses galons de chef d’équipe en gérant l’acheminement des avions en kit : roues, moteurs, sièges et cockpits. S’il éleva également le niveau de sa gymnastique en affrétant pour les sociétés pétrolières des cargos Beluga, Ousmane fit le choix de se défaire de la raideur de son secteur pour un univers plus raccord à son goût pour la finesse et le courtois.

Portrait de collaborateur, Thibault

Avec son humour, cette aisance à se joindre aux intérêts des jeunes pousses et sa chevalière stormtrooper au doigt, le Conseiller de vente est à sa place parmi ces monts de jouets colorés, en plastique, en mousse ou en bois. Si Thibault assure ses responsabilités avec un sérieux retranscrit dans les rayons, les stocks et une manutention des plus carrés, l’affable vendeur n’hésite pas à donner de sa personne pour concevoir des univers immersifs dont la mise en scène laisse béat, à se montrer à la hauteur des minots trépignant devant ces trésors qui leur tendent les bras.


Extraits : GRAND LARGE YACHTING

Portrait de collaborateur, François 

Alors que l’autodidacte réparait et bidouillait ses bateaux sans jamais aller au bout, il peaufina ses connaissances apprises sur le tas par une formation en automatisme. Depuis, François confirme que le travail manuel n’a rien de la bricole, et qu’il peut être bon de passer un peu de temps sur les bancs d’école. Entre les journées à carréner et les mois à œuvrer dans l’estrudage plastique, son entrée sur le marché du travail vit sa ferveur se réfréner. Le coup de fil d’un camarade de promo crut raviver les espoirs de François, qui finit par se retrouver au bon poste, au mauvais endroit. Plutôt que les paysages de granit et les brises de Breizh, François se contenta du ciel lourd du Cotentin, de cette Normandie au caractère renfermé qu’il ne quittera pourtant plus jamais.


Extraits : Villa Cybèle

Portrait iconique 

De la mémoire lyonnaise, on dit de moi que j’incarne la vigie privilégiée : il y a deux-mille ans de cela, je rugissais déjà dans les vallons, alors que Lugdunum ne tenait rien du lion. Mais n’allez point vous imaginer, mes chers amis, que Saint-Just ne serait qu’un fossile figé dans son jus. Perché sur mon magistère, je rayonne sur Fourvière, et rappelle à l’envi à mes homologues que je surplombe, que leur destin sera toujours d’être tapis dans mon ombre. Si l’UNESCO a classé mon quartier dans son patrimoine mondial, car je symbolise du génie humain un certain idéal, jamais je ne me délesterai de la bonne tenue de mes domaines. Plus que tout, je conserve leur éclat, celui de mes résidences et de mon passé, comme autant de pierreries constellant un diadème. C’est ainsi que, blottie en mon sein, entre les saphirs et les gemmes, se distingue la Villa Cybèle.

 

C’est vrai, j’incline plus au modelage des évolutions qu’aux fracas des révolutions. De mes artères médiévales à mes ruelles pittoresques, de mon théâtre gallo-romain à ma magnifique basilique, j’accueille parmi les plus somptueux édifices de la cité aux deux fleuves. Quoique situé dans le centre – la presqu’île est à mes pieds –, mon havre est piqueté de squares et de commodités ; les écoles côtoient toutes les échoppes de proximité. Bercé de quiétude et rayonnant de vie, à rebours de la foule qui virevolte, je n’en suis pas moins ce quartier fringant, primesautier et plein de joie. On me sait accessible ! Mon ancrage au tumulte du Vieux Lyon, où guinguettes et restaurants crapahutent tous azimuts, ne tient d’ailleurs qu’à un câble. Celui du funiculaire rappelle que pour rien au monde je ne me voudrais excluant, même si le bien que je vous dévoile se veut résolument exclusif.


Extraits : VEOLIA

Portrait de collaborateur, Florent

Lui qui se rêvait astronome étant petit ne se complaît ni dans les chimères ni dans les utopies : son regard a beau fouiller la voûte céleste, ses mains le compost, c’est les pieds chevillés sur terre qu’il veille aux avant-postes.

 

Portrait de collaborateur, Jean 

Quand certains qualifient les aubaines comme de « l’or en barres », voilà longtemps que Jean s’est immergé dans le bain algorithmique qui change les bars en or. C’est à partir de relevés de pressions que le Data Scientist prévoit aussi l’évolution d’une consommation ou détecte une fuite pour intervenir au plus vite.

 

Portrait de collaboratrice, Laure

S’assurant de la pureté des eaux rejetées, jonglant avec les éléments, cette campagnarde invétérée s’épanouira toujours mieux au grand air, loin des bureaux qu’elle considère pénitentiaires, dans un paysage où poussent machines et inventions frôlant la science-fiction.

 

Portrait de collaborateur, Boris

Mais avant de remonter cette pyramide inversée dont il a exploré toutes les strates, le taiseux de Normandie quitta les automnes moroses à la Maupassant pour retrouver Lyon et des études qui font sciences. Au sein de l’école d’ingénieurs INSA, la spécialisation assainissement de l’eau potable et les cours de biochimie s’agrémentaient néanmoins de quelques projections au sein d’un ciné-club propres à satisfaire sa soif de culture et d’ouverture.


Extraits : MAISON CLOSE

Portrait de dirigeant, Nicolas 

Tandis que les idées tourbillonnent entre deux bouffées de cigarette, que l’air enfumé se trouble davantage par l’apparition de félines silhouettes, un verre de sancerre censé irriguer l’imaginaire exhale, et une feuille se tient prête à recevoir le tracé franc de Monsieur le Français. Se passant de critères comme de décorum, son critérium échafaude là un porte-jarretelle happant les désirs en bataille, croque ici une lanière de dentelle prenant ses attaches de la nuque à la taille.

 

Monsieur le Français imprime sur la lingerie une nostalgie d’une époque qui lui restera à jamais inconnue. Les années vingt et leur folie sulfureuse, cette signature surannée et ses effeuilleuses, le charme canaille et le paname des lupanars, leurs artistes mondains de Cocteau à Bernhardt, et autant de femmes portées en icônes chamarrées par les affiches d’Alfons Mucha. La géométrie et la précision de l’Art déco deviennent, elles, la trame d’une structure old school, d’une conception faisant fi de l’à-peu-près et de la surenchère, tant Maison Close s’acoquine avec des sous-vêtements ayant pour soubassement une découpe saillante, nette et claire. Mais c’est encore dans une ère plus récente que Monsieur le Français est allé piocher son égérie ravageuse. Avec sa voix grave, ses tailleurs Mugler et Saint-Laurent, son instinct pour le beau et l’élégant, sa tante marqua en lui quelques canons détonants ; un bagout qu’il immortalise aujourd’hui dans un noir et blanc aussi élégiaque qu’envoûtant.

 

Et malgré son enchantement pour les échancrures du genre accru, la pudeur finit toujours par emporter celui qui ne saurait se mettre à nu avec la même aisance que se défont ses empiècements. Une volonté d’exil et de discrétion qui écorne l’étiquette du tenancier irrévérencieux, de l’outrancier licencieux qu’un jugement hâtif lui collerait volontiers. Car il n’y a guère que les muses et les copains, les instants avec ses deux galopins, qui pourraient déverrouiller cette intimité au sein de laquelle Monsieur le Français s’éploie sous les lignes de Nicolas. Pour l’heure
– et seulement pour celle-ci –, les dessous prennent le dessus, à l’image de cette culture de la confidentialité qui scella les portes de Maison Close, et enjoignait Nicolas à s’effacer sous le profil de Monsieur le Français.

 

Écrits couture

Par quelques traits feutrés, Maison Close décèle les pensées les plus confidentielles, cultive sa particularité de troubler les sens avec l’art et la matière. L’art de créer de nouvelles lignes en partant d’une simple page blanche, l’art d’ériger en marque désirable ce que le vêtement rend de plus captivant. La matière, qui tour à tour tamise, accentue, dissimule ou dévoile, la matière qui épouse un état d’esprit avant même que le corps n’en soit épris.

 

Voilà que les opacités, les mats et les brillances, les nuances irisées et les jeux de transparence suscitent un réflexe cérébral et instinctif permettant à la retenue de se faire la belle : après le regard, le toucher s’en mêle. Cette décharge sensorielle brouille les repères et galvanise les élans du cœur ; un éveil à la liesse comme à la langueur. Car sous une beauté sans cesse réinvestie, sous les courbes inlassablement redéfinies par des contrastes surlignant les contours, Maison Close ébruitera toujours sa façon iconoclaste de célébrer l’amour.


Extraits : KAESER COMPRESSEURS

Portrait de collaborateur, Olivier

Il sillonne les routes du Limousin et se montre capable sur l’entièreté de la région PACA, en choyant le réseau historique de distributeurs, d’intégrateurs et de loueurs qui font la puissance de Kaeser. Conseillant et développant la clientèle en direct afin que les compresseurs ne soient plus comprimés à un seul canal, ce gourmand de cultures, résolument baroudeur, considère chaque destination en mode même pas peur. Olivier essaime ainsi son sens du relationnel sans jamais verser dans le sensationnel, conscient qu’il suffit parfois de laisser l’excellence parler d’elle-même.

 

Portrait de collaborateur, Mathieu

Mais qu’importe où son vélo et ses foulées le mènent : au bureau, au zoo, devant une usine ou au bois de Vincennes, son œil retors ne peut s’empêcher de déceler les compresseurs plantés dans le décor. Après tout, les infimes tourments de cette fixette sont surtout les garants d’un profond sens de l’engagement – dans la vie en général et chez Kaeser en particulier, Mathieu est convaincu qu’avant de recevoir, il faut savoir donner. 

 

Portrait de collaboratrice, Jaël

À l’époque où elle appréhendait à peine ses manies de maman poule et tentait déjà de maîtriser la vitesse de son pouls, Jaël débarqua dans l’entreprise spécialiste des compresseurs par l’entremise d’un ami, sans en connaître le moindre enjeu ni défi. Tout juste partageait-elle un ancrage allemand avec le groupe, la fille de militaire ayant vu défiler les années quatre-vingts non loin de Baden Baden, là où les bons souvenirs entre copines et chocolat chaud reviennent, reviennent.


Extraits : MAISON ALCÉE

Portrait de dirigeante, Alcée

Plutôt que de fustiger un patrimoine en déperdition, c’est sans cris d’orfraie que la fondatrice de cette Maison suscite l’envie de se frotter au travail d’orfèvre. Chacun dispose du matériel nécessaire à l’expérimentation, à la construction d’une pièce unique qu’il est possible de s’approprier de génération en génération.

 

Plus encore que l’étude des frottements et les calculs savants, plus encore que la gestion, l’optimisation et les premiers pas en management, Alcée garda de son passage Hermès un émerveillement pour la noblesse des matières et une manufacture tout aussi altière. De ces étoffes de soie sublimées par des couleurs qui jamais ne s’évaporent à ce cuir tanné, brossé, et marqué à la feuille d’or, la jeune cheffe de projet ancra là ce besoin d’esthète de pourchasser le beau. Une quête qui l’aiguilla d’abord chez Cartier, Richemont, puis en Suisse, vers le petit monde de l’horlogerie, où la mécanique de l’heure se commande tant par la raison que par le cœur.


Extraits : HUILERIE BEAUJOLAISE

Portrait de dirigeant, Jean-Marc

Il suffit de remonter à l’enfance de Jean-Marc Montegottero pour comprendre que mécanique et débrouille en ont fait le terreau. Le gamin, qui se figurait en agriculteur à la tête de son exploitation, a compté sur la ruralité et l’espièglerie pour lui fournir la meilleure des préparations. Jean-Marc n’avait pas idée de se faire huilier qu’il bidouillait déjà les roulements à bille de ses karts, construisait des cabanes dans la forêt, et rassasiait les réservoirs des voitures aux abois. C’est pourtant sans grande pompe que ce pompiste adolescent fut présenté à ce qui deviendra sa vocation toute sa vie durant : un moulin en ruines découvert dans l’arrière-boutique de la quincaillerie tout juste rachetée par ses parents. S’ils ne lui ont pas légué l’affaire, le futur dirigeant de l’Huilerie Beaujolaise hérita de ses ascendants une indéfectible volonté de faire.

 

En cultivant sa forme d’excellence, l’artisan d’aujourd’hui veille à ce que qualité et quantité soient les deux versants de chaque goutte versée. Aussi, lorsque la saveur dévie du résultat attendu, c’est une cuve jetée, plutôt qu’une excuse chuchotée, pour celui qui ne sait pas se contenter – et met un point d’honneur à manger ce qu’il a semé.

 

Écrits couture

Sans me dérober, j’avoue avoir été délabré. J’étais l’un de ces trente moulins de la région, dont on remarque à peine la disparition. Je n’avais donc d’autre choix que d’être détruit ou réveillé. Et une fois que je le fus, pas question de rouler des mécaniques, de concevoir un bolide ou de s’improviser gros calibre ; tout au plus Jean-Marc a-t-il fait de moi un instrument pour s’émanciper, pour être libre. Je me rappelle les pelletées de fruits jaugées sans autre balance qu’une estimation faite à la main, les ajustements plus ou moins savants pour améliorer les protocoles en vigueur depuis deux-cents ans, les astuces bricolées pour éviter que mes fournées connaissent un sort infortuné. En plus des cagettes, j’ai engrangé mon quota d’anecdotes – de ces tranches de vie qui ravigotent, et sont contre l’abattement le meilleur antidote. 

 

L’extraction d’huile vierge de cacahuète, j’en ai fait ma gourmandise. Un nez affûté captera toujours les notes grillées des arachides, ainsi que les effluves puissants qui se dégagent des poêles à vide, et font aussitôt penser au pain fraîchement toasté, ou à la douceur pralinée. Je ne me sens pas usé par les années, mais désormais de taille à assumer cette vocation de musée qui se devinait peut-être à mon penchant conservateur. J’ai fait ma part, et vu s’élargir la famille Huilerie Beaujolaise : il est temps que le petit nouveau reprenne les noix et travaille pour moi. Au fond, je lui cède ma place sans me voiler la face ; je le sais étudié sur la forme, et impeccable sur les normes.


Extraits : ATELIER DE SOULTRAIT

Portrait de dirigeante, Véronique

C’est depuis son atelier lyonnais qu’elle désamorce le déjà-vu par des reliefs et des rendus aussi bien inspirés par le magnétisme de la spirale que par la rectitude de Mondrian. Des décorations murales, des parois, des portes et des claustras qui ont su taper dans l’œil des architectes d’intérieur et des designers, et que l’instinctive exporte à présent là où le luxe se ravitaille : des rives de Paris aux grands restaurants du littoral, de Shangaï à Dubaï. Et si, à chaque commande, la crainte des attentes ne manque jamais d’imprimer son empreinte, Véronique sait pouvoir compter sur son sens de la composition, elle qui a toujours trouvé son équilibre entre l’héritage d’un nom à particule et ce désir de s’en soustraire sans scrupule. 

 

Le besoin de retrouver une liberté créative s’imposa toutefois comme un motif décisif pour que Véronique revienne au support mural et au tableau décoratif. Voilà qu’elle enrichit le travail traditionnel de la maille en l’appliquant à la corde, réinventant à l’envi les approches et les méthodes, au service d’une esthétique sans excès ni ostentation : rythmes inspirés de l’abstraction géométrique, monochromes qui apaisent et soulagent, pièces uniques issues d’un savant métissage.